Dossier. Changements climatiques : les Outre-mer très fragiles

Sècheresse, tempêtes, pluies violentes, retrait du trait de côte, nouvelles maladies des plantes et des animaux. Quelques maux de l’agriculture liés aux changements climatiques. Les territoires ultramarins, essentiellement insulaires, commencent à en souffrir.

PAR ANDRÉ-JEAN VIDAL

Changements climatiques. Voici deux mots qui feront notre quotidien pendant les années à venir.

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Qu’est-ce que le changement climatique ? Pour les Français, 7 sur 10 placent cette expression et ses incidences en première ligne de leurs préoccupations. Et chez nous, en Martinique, Guadeloupe, Guyane ? Dans la Caraïbe ?

Régulièrement l’OECE (Organisation de la Caraïbe Est) tient colloque sur le sujet, parce que les îles de l’arc caraïbe sont fragiles : petites îles, entourées d’eau de toutes parts, au climat tropical humide mais qui peut devenir sec pendant de longs mois, faute de pluies, soumis à des tempêtes tropicales qui peuvent rapidement, avec la hausse de température de l’eau de mer constatée ces dernières années, se transformer en ouragans dévastateurs.

Dans les Antilles françaises, un colloque tout récent, organisé par l’ODEADOM* et Chambres d’agriculture France, avait pour thème de travail Agricultures ultramarines et changement climatique.

LES OUTRE-MER EN PREMIÈRE LIGNE

« Les Outre-mer, dit Joël Sorres, président de l’ODEADOM, sont en première ligne des dérèglements climatiques. » Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France, complète, rassurant : « Les Outre-mer sont résolument engagés dans la transition durable et économiquement viable de leurs agricultures. »

La première ligne se manifeste depuis dix ans par des sécheresses de plus en plus longues Pertes hydriques, disent les spécialistes. Avec l’incidence que les productions agricoles souffrent : moins de cannes, moins de melons, moins de fruits et légumes, pertes d’exploitation pour l’agriculteur, importations massives pour les grossistes de produits alimentaires frais venus d’ailleurs.

Depuis deux ou trois ans, les îles connaissent plus de tempêtes tropicales, plus d’ouragans, plus de périodes de sécheresse suivies de périodes de pluies extrêmes, dont les ruissellements sur les hauts se transforment en torrents impétueux plus bas, ravageant les sols, les routes, les ponts, les habitations…

Là où s’étendait un champ de cannes en bord de mer, il n’y a plus qu’une falaise abrupte et la mer qui claque au pied des rochers. C’est à rajouter aux désagréments d’habiter une île : celle-ci diminue de taille au fil des décennies. Ce qui prenait un siècle pour que la mer érode un pan de terre ne prend désormais qu’une décennie.

Disparition du trait de côte, chaleur intense, sécheresse, tempêtes soudaines et violentes sont le lot commun des habitants de Guadeloupe, Martinique et autres îles de la Caraïbe.

UNE INCIDENCE CERTAINE SUR L’AGRICULTURE

Tout ceci a une incidence directe sur l’agriculture (sur toute l’économie en fait). La sécheresse tue les plantes nourricières, le vent violent abat les bananiers (première culture après la canne à sucre). Pour contrer — ou essayer de le faire — les Etats, dans nos îles les collectivités, ont mis en place un réseau d’irrigation. A tout le moins un réseau d’eau agricole qui parcourt depuis les zones « humides » la campagne jusqu’aux zones réputées de tout temps « sèches. »

En Guadeloupe, le Département a mis en place un réseau d’eau agricole fiable, qui alimente depuis les poches d’eau de la Basse-Terre la Grande-Terre. Des centaines de kilomètres de réseaux d’eau qui viennent, souvent depuis quelques temps, soutenir le réseau d’eau potable défaillant. Le même Conseil départemental a créé des réservoirs, comme le barrage de Létaye, à Petit-Canal, qui se remplissent lors de la période « humide » — de moins en moins longue — pour être vidés en période sèche par ponction des agriculteurs.

Avec le Conseil régional, le Département a créé, à flanc de montagne, entre Goyave et Capesterre Belle-Eau un grand réservoir, le barrage de Moreau, près d’un million de mètres cubes d’eau qui peut alimenter indifféremment le réseau d’eau agricole (en priorité) et le réseau d’eau potable, l’eau brute étant traité dans des usines implantées un peu partout sur le territoire.

CREUSER, FORER, CAPTER

En Guadeloupe comme en Martinique, l’eau qui est collectée l’est en surface essentiellement. C’est l’eau des rivières alimentées par les pluies dans les hauteurs, plus quelques sources. C’est là qu’est l’os. Car, quand il ne pleut pas, les rivières baissent en régime et il y a moins d’eau disponible. En Grande-Terre, de même, la nappe phréatique retient les eaux de pluie.

Ce que préconise le BRGM*, c’est d’utiliser des eaux souterraines.

« Les ressources en eaux souterraines représentent un pilier fondamental du cycle de l’eau et sont à prendre en compte dans les stratégies d’adaptation des territoires au changement climatique. Les aquifères souterrains sont de véritables réserves moins vulnérables aux variations saisonnières, aux sécheresses, aux événements météorologiques extrêmes que les rivières et les barrages. Quand ils sont suffisamment bien connus, suivis, géras, ils peuvent fournir une source d’eau fiable qui peut être utilisée pour atténuer les effets négatifs du changement climatique, en particulier sur l’agriculture. »

RÉSILIENCE ET RECHERCHE

Parce que ces changements climatiques sont inéluctables et qu’ils s’accélèrent à une vitesse qu’on n’imaginait pas il y a cinq ou dix ans, c’est un peu la panique. Les planteurs de bananiers ont compris qu’ils seraient toujours soumis aux caprices météorologiques avec des vents violents qui régulièrement couchent leurs bananiers. Un bananier n’est pas un arbre mais une herbe géante, avec une tige aussi fragile qu’une tige d’herbe des champs.

Pour les autres producteurs de nos régions, c’est surtout la sécheresse ou des pluies violentes sur une courte durée qui sont les plus impactantes : la première dessèche les plantes, les secondes génèrent des coulées de boues qui emportent les récoltes.

Que faire ? Les agronomes travaillent depuis longtemps sur des alternatives : avoir des plantes qui produisent plus vite pour gagner du temps sur un éventuel événement climatique, des plantes qui consomment moins d’eau pour gagner sur les périodes de sécheresse. Et aussi des plantes qui résistent à certaines maladies, mais ces maladies ont tendance à circuler plus facilement d’un pays à un autre, d’un continent à un autre, et l’augmentation des températures n’arrange rien.

Mais, l’homme étant ingénieux, les recherches étant incessantes, et en ce domaine la France a l’INRAE, Institut national de la recherche agronomique et environnementale, qui est le premier pour la recherche agronomique et environnementale au monde, comme ne manque pas de le rappeler — et encore la semaine passée de passage en Guadeloupe pour signer une convention avec le président Ary Chalus de la Région Guadeloupe, le président Philippe Mauguin.

*BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières

*ODEADOM : Office de développement de l’agriculture des DOM

Le dossier est à lire dans hebdoantillesguyane.com

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