Lundi 7 février 2022, la Cour de justice de la République (CJR), seule juridiction habilitée à juger les actes de membres d’un gouvernement français pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions ministérielles, a rendu sa décision concernant des instances judiciaires ouvertes par deux associations, dans l’affaire de la chlordécone.
Pour rappel, la chlordécone a empoisonné les sols des Antilles françaises pendant trente ans, jusqu’en 1993, quoiqu’interdit sur le sol des Etats-Unis depuis 1972 et en France depuis 1990.
Sous la pression d’élus de Guadeloupe et de Martinique et de grands planteurs de bananiers, ces derniers forts pourvoyeurs de fonds électoraux, arrosant de gauche à droite, des ministres de François Mitterrand, notamment Louis Mermaz (1990-1992) et Jean-Pierre Soisson (1992-1993), ont signé des dérogations et la molécule qui tuait les charançons du bananier a pu, impunément, et en toute tranquillité, empoisonner les sols et les gens.
En 2006, plusieurs associations guadeloupéennes et martiniquaises avaient déposé trois plaintes pour empoisonnement, mise en danger de la vie d’autrui et administration de substance nuisible. Deux d’entre elles, l’Association médicale de sauvegarde de l’environnement et de la santé (Amses) et l’Association guadeloupéenne d’action contre le chlordécone (AGAC), affiliée au syndicat UGTG, ont été retoquées par la CJR, lundi.
La première, l’Amses, qui regroupe 25 médecins exerçant en Martinique ou retraités, visait les anciens ministres de la Santé ou de l’Agriculture Xavier Bertrand, Marisol Touraine, Dominique Bussereau, Louis Mermaz et Jean-Pierre Soisson.
Pour rappel, ces deux anciens ministres que sont Jean-Pierre Soisson et Louis Mermaz, aujourd’hui des vieillards (mais pas séniles), ont dit qu’ils ne se souvenaient de rien, quand ils ont été interrogés en juin et juillet 2021.
La seconde plainte, celle de l’Agac, concernait plus particulièrement Agnès Buzyn et Didier Guillaume.
Les avocats reprochaient aux anciens membres du gouvernement d’avoir « prolongé l’autorisation d’utilisation du chlordécone », pour les plus vieux, et pour les plus jeunes, signé des arrêtés, notamment en 2005, autorisant des résidus de chlordécone dans l’alimentation avec des « seuils tolérables », d’après eux — et des scientifiques — bien trop élevés.
A noter que, depuis 2008, le Pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris a le dossier et procède à des interrogatoires. Mais, les juges d’instruction ont fait part, en 2021, à plusieurs avocats des parties civiles de leur analyse selon laquelle les faits seraient dans leur grande majorité prescrits.
Comme c’est pratique !
André-Jean VIDAL