Dépendance alimentaire et concurrence déloyale

Autosuffisance alimentaire, voici deux mots qui, mis côte à côte, font plaisir à lire. Cette autosuffisance alimentaire, c’est un peu, pour les élus, comme une sorte de drapeau brandi à bout de bras. Malheureusement, la dépendance alimentaire qui prévaut n’est pas prête de s’arrêter et les produits importés concurrencent fortement l’existant local. Mais, des initiatives politiques voient le jour.

PAR ANDRÉ-JEAN VIDAL

Depuis des siècles, l’agriculture locale, en Guadeloupe, Martinique, moins en Guyane, a surtout été, par la monoculture de la canne, puis de la canne et du café, puis de la canne, du café et du cacao, enfin de l’ananas, du melon, une agriculture d’exportation.

L’élevage fournissait de quoi nourrir le territoire en un temps où chacun avait deux bœufs, une vingtaine de poules, quelques cabris et des cochons planches.

LA FIN DU JARDIN CREOLE ET DU PETIT ELEVAGE FAMILIAL

Pour ce qui est de l’agriculture et de l’élevage, l’exode vers les bourgs et les villes, dans les années 1960-1970 a supprimé cette possibilité d’avoir ses fruits et légumes dans un jardin créole, un petit animal dans son enclos près de la maison ou un bœuf à la pâture plus loin. Là où dans le petit lolo l’on vendait du riz, des pois secs, de la morue ou de la viande salées, on s’est mis à vendre des boites de conserve de légumes et de la viande congelée… Le lolo devenant supérette avant que les grands groupes créent supermarchés, hypermarchés, etc.

IMPORTER, IMPORTER

La Guadeloupe — les chiffres de la Martinique suivent la même évolution — a importé (chiffres de 2020) 479,5 millions d’euros de denrées alimentaires, soit une augmentation de 2,6% en une année. Trois quarts des denrées alimentaires viennent de l’Hexagone. Certes, ces données sont de 2020, année du confinement, mais aussi année d’une sècheresse importante.

Après un repli au premier trimestre, le prix moyen mensuel d’un kilo de fruits augmente de 5 % par rapport à 2019. Sur l’année, ce prix mensuel moyen varie entre 1 euro et 2,60 euros.

Après avoir baissé de 11 % en 2018 le prix moyen d’un kilo de légumes accélère sa progression en 2020 : + 15 % en 2020 après + 10 % en 2019. (Source INSEE)

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Qu’importe-t-on ? Lait, produits laitiers, œufs, miel, viandes et abats comestibles, poissons, mollusques, préparations de viandes, poissons, crustacés, préparations à base de farines, céréales, fécules, des légumes, plantes, racines et tubercules, etc.
Et des boissons liquides, alcooliques, vinaigres.

Et on exporte, de la banane, du sucre et du rhum…

La Guadeloupe est loin de prendre la voie de l’autosuffisance, même pas celle d’une certaine suffisance, sauf au niveau des grandes envolées lyriques.

PAYS-BAS, CANADA, MEXIQUE, COSTA RICA…

D’où vient ce que nous consommons ? Outre la France, les Pays-Bas fournissent les boissons, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique fournissent des légumes, des tubercules, la Belgique fournit de la viande, des légumes, des tubercules, La Guyane des céréales (maïs), l’Espagne des boissons alcoolisées, l’Italie des préparations à base de céréales et des pâtisseries industrielles, Trinidad et Tobago des boissons.

Les produits congelés parce qu’ils offrent plus de choix, parce qu’ils sont moins chers, parce qu’ils ne souffrent pas de manques liés à l’approvisionnement, ont la faveur des clients.

On vend du chevreuil ou du sanglier à la veille de Noël, des couteaux (mollusques marins de forme allongée) toute l’année. Et puis, alors qu’on peut en produire dans les îles, des écrevisses du Viet-Nam.

UNE FILIERE BIEN RODEE

Depuis peu, on voit, bien disposés dans les rayons, des mangues de Floride venant du Pérou, des ananas de Santo Domingo ou du Costa Rica, qui font concurrence aux produits locaux.

Pourquoi faut-il s’en inquiéter ? Parce qu’achetés à très bas prix dans des pays où la chicotte est plus utilisée que le droit de grève ils arrivent en Guadeloupe à des prix qui laissent la production locale loin derrière.

En concurrence : les ananas, fierté de la Guadeloupe et de la Martinique, sont concurrencés par des ananas d’Amérique du Sud un euro moins cher au kilogramme.

Ces ananas sont, comme des mangues, voire des légumes comme les ignames, madères, racines, introduits en Guadeloupe par conteneurs entiers en provenance de la République dominicaine où des Guadeloupéens se sont installés. Ils ont créé ces filières et trouvé, localement, des parents pour écouler la marchandise en Guadeloupe.

L’ESPRIT DE 2009 EST LOIN !

Faut-il les blâmer ? Ils ne font à leur échelle qu’imiter les grandes surfaces des grands groupes qui importent à bas prix fruits (pommes, poires, kakis, etc.) et légumes (tomates, poireaux, choux de Bruxelles… et pomme de terre de troisième ou quatrième choix, encore pleines de terre, avec les coups de fourches visibles sur leur peau).

Les grands groupes ont-ils des scrupules à alimenter la population de rogatons, de second choix tandis que leurs cadres vont faire leurs achats dans des commerces d’alimentation de haut-niveau ?

En 2009, en Guadeloupe, pressés par le LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyon), les directeurs locaux des grands groupes ont un temps, un temps seulement, fait droit aux producteurs locaux.

On ne voit plus leurs camionnettes près des hangars des hypers, déchargeant les cageots de fruits et légumes. L’esprit de 2009 est loin !

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