Mercredi 18 août, 16 heures. Sur le tarmac de l’aéroport international Pôle Caraïbes de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, un avion d’Air Caraïbes, un Airbus 350 qui assure régulièrement les lignes transatlantiques, attend.
Il a été stationné le plus loin possible de la zone des arrivées et départs internationaux. C’est un avion dont l’aménagement n’a pas pris moins de 70 heures : il a fallu démonter des sièges, installer des supports pour civières, embarquer des bouteilles d’oxygène, des conteneurs à médicaments… tout un appareillage miniaturisé pour surveiller les signes vitaux de chaque malade qui sera embarqué dans l’après-midi.
C’est un vol long courrier qui va décoller à 19 heures. Un vol spécial, avec huit malades de la Covid-19 en réanimation, qui seront soignés dans l’Hexagone puisque les services de soins intensif susceptibles de les accueillir en Guadeloupe sont saturés et qu’on s’attend au fil des jours, à ce qu’il y ait de plus en plus de malades, plus que la capacité actuelle des deux établissements de soins intensifs de l’archipel.
Huit ambulances
Une petite foule de journalistes est parquée derrière une dérisoire ligne blanche.
Des gyrophares du côté de la clôture et de la route d’accès à la zone fret, des motards de la police ouvrent l’entrée des ambulances privées à la queue leu-leu. Pas de sirène, mais là encore des rampes lumineuses qui clignotent.
Huit ambulances vont se garer l’une après l’autre à côté de l’Airbus. Chaque fois, des hommes vont en sortir, recouverts des pieds à la tête de combinaisons hermétiques, poussant des brancard surmontés de civières. Sur chaque civière, un malade Covid-19 qu’il faut évacuer.
Un ballet tragique
C’est lent, délicat… Les brancards sont poussés jusqu’à un local sanitaire qui, doté d’un système d’ascenseur, amène lentement brancard, civière et soignants qui s’activent en permanence jusqu’à la porte arrière de l’Airbus; celle-ci s’ouvre, tout le monde pénètre à l’intérieur, la porte se referme. Quelques minutes après, les combinaisons ressortent en poussant un brancard vide… Toute la soirée ce sera le même ballet tragique, jusqu’à ce que le dernier malade soit embarqué.
Le préfet Alexandre Rochatte, la directrice générale de l’ARS, Valérie Denux, sont venus pour remercier les équipes qui, pendant une dizaine d’heures, vont veiller sur les vies des huit malades.
Sont-ils conscients ou inconscients ces malheureux qui vont traverser l’Atlantique pour essayer de ne pas mourir en route, à l’arrivée, les jours à venir ?
Demain, jeudi, aux premières heures de la matinée, ils seront en France. Pour y être soignés parce qu’en Guadeloupe, les structures de soins sont saturées, qu’il y a urgence, qu’il y a une terrible pandémie qui décime… 60 personnes cette semaine (derniers chiffres de l’ARS donnés ce soir), sans compter ceux qui meurent chez eux… Une tragédie qui semble sans fin.
André-Jean VIDAL
Le Dr Lionel Lamhaut, anesthésiste-réanimateur adulte et Samu-Smur de l’Hôpital Necker, à Paris, explique :