Le nombre exceptionnel de décès liés au Covid-19 enregistré en Guadeloupe ces dernières semaines, affectant parfois plusieurs fois les mêmes familles, peut provoquer un traumatisme chez ceux qui y sont directement – ou pas – confrontés. A Basse-Terre et à Pointe-à-Pitre, la Cellule d’urgence médico-psychologique accompagne les soignants, les familles et le grand public.
Mise en place par l’Agence Régionale de Santé Guadeloupe et le Samu, la Cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) vient essentiellement en aide aux soignants, depuis le 8 août. Face à l’augmentation brutale du nombre de décès liés au Covid-19, beaucoup d’entre eux n’étaient pas préparés.
« Notre rôle, c’est d’intervenir au plus tôt pour éviter des troubles psychiques, explique Sylvie Lucéa, psychologue clinicienne, co-référente de la CUMP Guadeloupe avec Patrick Racon. Cette Cellule a pris la forme d’un Poste d’urgence médico-psychologique (PUMP), installé sur deux sites : au CHU de Pointe-à-Pitre et au Centre Hospitalier de Basse-Terre. »
« Les gens sont dans une phase de sidération. »
Sylvie Lucéa, psychologue clinicienne.
Depuis quelques semaines, en Guadeloupe, rares sont les familles qui ne sont pas endeuillées par la mort d’un proche emporté par le Covid. Perdant parfois plusieurs membres d’une même famille à quelques jours d’intervalle. D’après les derniers chiffres des autorités de santé, 115 décès sont à déplorer en une semaine en milieu hospitalier. Une donnée qui ne tient pas compte des personnes mortes du Covid à leur domicile…
« Les appels que nous avons reçus jusqu’ici révèlent que les gens sont plutôt dans une phase de sidération, commente Sylvie Lucéa, psychologue clinicienne. La population ne s’attendait pas à ce nombre de décès en Guadeloupe, en si peu de temps, et surtout dans des tranches d’âges de plus en plus jeunes. Pour le moment, les gens sont dans une phase de sidération, en état de choc. »
Comment faire le deuil ?
Ce nombre exceptionnel de décès peut provoquer un traumatisme. Quelle attitude peuvent adopter ceux qui, jeunes ou moins jeunes, doivent reprendre le chemin de l’école, une activité professionnelle… Dès que les conditions sanitaires le permettront, la psychologue clinicienne préconise que chacun se remette « dans le bain ».
« Dans le processus de deuil, tant pour les enfants que pour les adultes, il est important de reprendre le cours de sa vie, de retourner à l’école, au travail…, conseille Sylvie Lucéa. Repousser sans cesse l’échéance risque au contraire de renforcer les difficultés de ceux qui en avaient déjà. Pour les élèves, par exemple, le deuil se fera d’autant mieux qu’au sein des établissements scolaires, il existe des structures pour les accompagner. Les adultes qui n’ont pas cette possibilité sur leur lieu de travail peuvent avoir recours aux conseils d’un psychologue libéral. »
Une agressivité plurifactorielle
Quant aux tensions observées ces dernières semaines à l’évocation de certains sujets ou mots en lien direct avec la crise sanitaire, pour Sylvie Lucéa, « il y a beaucoup de facteurs qui pourraient expliquer que les gens soient sensibles et facilement hostiles à une certaine tolérance. » Que faire ?
« Nous devons, y compris dans les médias, essayer de pacifier, d’apaiser les tensions. Les réseaux sociaux ont beaucoup abordé la question de la vaccination, par exemple, ce qui a pu créer une confusion chez certains. Ce qui était censé être l’antidote, la protection, est devenu le mauvais objet. La manière dont on communique sur un sujet peut avoir un impact positif ou négatif. »
Cécilia Larney
Tous les jours, de 9 à 17 heures
La Cellule d’urgence médico-psychologique intervient prioritairement auprès des soignants, mais aussi auprès de la population et des familles de victimes du Covid. Toute personne qui souhaite avoir une écoute peut appeler au 05 90 89 19 01. Tous les jours, de 9 à 17 heures, une équipe d’une vingtaine de psychologues se relaie dans les unités Covid des établissements hospitaliers et au téléphone.