Conseil constitutionnel. La suppression de la taxe sur l’audiovisuel est conforme à la Constitution

Les membres du Conseil constitutionnel.

Saisi de la loi de finances rectificative pour 2022, le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution ses dispositions relatives au financement de l’audiovisuel public mais les assortit de deux réserves d’interprétation encadrant les choix à venir du législateur.

Par sa décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur des dispositions de la loi de finances rectificative pour 2022, dont il avait été saisi par deux recours émanant respectivement de plus de soixante députés et de plus de soixante sénateurs.

Ces recours se rejoignaient pour contester l’article 6 de cette loi qui, d’une part, supprime la taxe dénommée « contribution à l’audiovisuel public » instituée par l’article 1605 du code général des impôts au profit des sociétés nationales de programme France Télévisions et Radio France, de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, des sociétés ARTE-France et TV5 Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel et, d’autre part, remplace le produit de cette contribution par l’affectation au secteur public de l’audiovisuel d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

Il était notamment reproché à ces dispositions de priver de garantie légale la liberté de communication des pensées et des opinions ainsi que l’indépendance et le pluralisme des médias, faute d’assurer la pérennité du financement de l’audiovisuel public.

Les auteurs des deux recours faisaient en particulier valoir qu’elles ne prévoient de lui affecter une fraction de taxe sur la valeur ajoutée que jusqu’au 31 décembre 2024.

En outre, pour les années 2023 et 2024, les députés faisaient valoir que le montant affecté n’est pas garanti, dès lors que le législateur peut le modifier, et les sénateurs faisaient valoir que les modalités de détermination de ce montant étaient insuffisamment définies.

Les députés requérants estimaient également que ces dispositions méconnaissaient un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qui résulterait d’une loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l’exercice 1933, selon lequel le secteur de l’audiovisuel public devrait être financé par une redevance.

Par sa décision de ce jour, le Conseil juge, en premier lieu, que, en se bornant à prévoir que, « en vue d’en consacrer le produit aux dépenses de la radiodiffusion, il est institué … sur les installations réceptrices de radiodiffusion, une redevance pour droit d’usage », l’article 109 de la loi du 31 mai 1933 n’a eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe selon lequel le secteur de l’audiovisuel public ne pourrait être financé que par une redevance.

Il n’y a pas atteinte à la libre communication
des pensées et des opinions

Cette loi ne saurait donc avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Le Conseil constitutionnel rappelle, en second lieu, que, aux termes de l’article 11 de la Déclaration des de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

La libre communication des pensées et des opinions ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuels n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur privé que dans celui du secteur public, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractère différent en respectant l’impératif d’honnêteté de l’information.

Ainsi, les auditeurs et les téléspectateurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11, doivent être à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions.

S’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, c’est à la condition que l’exercice de ce pouvoir n’aboutisse pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.

À cette aune, le Conseil constitutionnel juge que, en supprimant, à compter du 1er janvier 2022, la contribution à l’audiovisuel public, les dispositions contestées sont susceptibles d’affecter la garantie des ressources du secteur de l’audiovisuel public qui constitue un élément de son indépendance, laquelle concourt à la mise en œuvre de la liberté de communication.

Les recettes perdues sont compensées
par une fraction de la TVA

Toutefois, d’une part, ces dispositions prévoient que, au titre de l’année 2022, les recettes du compte de concours financier sont constituées d’une fraction du produit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant équivalent au produit de la contribution à l’audiovisuel public au titre de cette même année.

D’autre part, ces mêmes dispositions prévoient que, à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’au 31 décembre 2024, les recettes du compte de concours financiers proviennent d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée déterminée chaque année par la loi de finances de l’année.

Par deux réserves d’interprétation, le Conseil constitutionnel juge qu’il incombera au législateur, d’une part, dans les lois de finances pour les années 2023 et 2024 et, d’autre part, pour la période postérieure au 31 décembre 2024, de fixer le montant de ces recettes afin que les sociétés et l’établissement de l’audiovisuel public soient à même d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées. Le Conseil constitutionnel sera le juge du respect de ces exigences.

Sous ces réserves, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences résultant de l’article 11 de la Déclaration de 1789.

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