Conférence. Les ouragans à la Maison du patrimoine de Basse-Terre ce lundi soir

Jean-Claude Huc et Max Etna, la passion des ouragans.

Avec d’autres amateurs éclairés, Jean-Claude Huc a fait sienne l’étude des ouragans, passion qu’il exprime au travers d’ouvrages savants qui font autorité et tordent le cou à des légendes colportées par des vulgarisateurs de sensationnel.

Il présente, ce soir, à la Maison du patrimoine de Basse-Terre, à 18 h 30, une conférence sur les ouragans qui reposera sur la présentation du nouvel Atlas des cyclones des Antilles françaises de 1851 à 1949, avec Roland Mazurie et François Borel. Ils sont tous les trois fondateurs de l’Amicale des ouragans et concepteurs de l’Atlas des cyclones.

D’où vous vient cette passion des ouragans ?

Cette passion des cyclones m’est d’abord venue dans ma prime jeunesse lors du passage de l’ouragan Betsy sur la Guadeloupe le 11 août 1956. Ce brutal glissement en quelques heures d’une visite du Général de Gaulle acclamé par les foules, à un pays dévasté par les vents déchaînés, m’avait éberlué. Puis plus tard en 1960, l’annonce au large de la Guadeloupe du cyclone Donna avec ses rafales de plus de 300 km/h, alors que le temps était si magnifique au-dessus de ma tête, me laissait deviner la puissance et la complexité de la nature. Tenter de comprendre ces phénomènes capables de changer des vies, un pays. Une passion était née…

Une histoire de passionnés

Avec d’autres passionnés, vous vous êtes lancés dans l’étude des ouragans dans la zone Caraïbe.

Cette passion s’est alimentée au gré de mes lectures, des expériences de cyclones subis, du suivi sur la radio des informations données par les spécialistes américains, ce qui m’a aidé à comprendre l’anglais, mais également l’espagnol grâce aux stations de Porto Rico. Je notais le temps observé, les effets des cyclones. Une belle école ! Mon jeune frère m’a accompagné dans cette passion.

Et puis … trois rencontres. Celles de Roland Mazurie (chef de centre de prévision de Guadeloupe), d’Alain Gillot Pétré (journaliste et spécialiste des cyclones). et celle de François Borel. Alain décide de créer en 1996 une Amicale des ouragans consacrée à l’étude de ces phénomènes tropicaux. Cette amicale s’est contentée d’échanges entre ses membres.

En 2015 j’ai publié avec le géographe Max Etna, Roland Mazurie et l’universitaire Françoise Pagney, une encyclopédie des événements climatiques extrêmes de la Guadeloupe : Éclats de temps.

En 2017, l’Amicale des ouragans publie une étude complète sur l’ouragan Maria.

Compte tenu de l’importance de la documentation dont nous disposions, nous avons décidé d’approfondir ce travail et c’est ainsi que depuis 2018, nous avons créé, François, Roland et moi, un Atlas des cyclones de la Guadeloupe traitant de tous les cyclones qui ont touché notre département depuis 1950.

En 2021 nous avons étendu ce travail à la Martinique, à Saint-Martin et à Saint -Barthélemy. Ce site est en accès libre à l’adresse : http://atlas.amicale-des-ouragans.org

Aujourd’hui cet immense travail s’enrichit de tous les cyclones ayant pu intéresser les Antilles françaises depuis 1851. C’est cette œuvre collective qui rassemble et traite dans le détail les caractéristiques de ces cyclones sur nos îles qui est ainsi désormais offerte à la connaissance de tous.

1928 est le phénomène le plus meurtrier
qu’ait connu la Guadeloupe

Jusqu’où peut-on remonter dans la connaissance des ouragans ?

Nous pouvons remonter au tout début de l’occupation de nos îles par les Européens, c’est à dire en 1635, début des écrits et témoignages de la vie dans les Antilles, et donc limite de nos prochains travaux.

 Vous avez scindé vos recherches en grandes périodes, pourquoi ?

Le traitement historique de ce travail s’est imposé de lui-même : du plus simple au plus difficile.

La période de 1950 à ce jour est celle pour laquelle nous disposons du maximum d’informations, période très étudiée avec l’apparition en 1950 des noms ou prénoms des cyclones, avec les informations provenant des reconnaissances aériennes permettant de connaître les caractéristiques des cyclones menaçants les terres habitées, puis plus tard des moyens d’observation que sont les satellites et les radars météorologiques.

De 1851 à 1949, les journaux, les témoignages écrits et relatés dans des ouvrages, les cartes météorologiques, les relevés des instruments météorologiques, les cartographies des trajectoires et intensités de tous les cyclones de la zone Atlantique, analysés a posteriori par des spécialistes climatologues américains … fournissent des informations intéressantes et très robustes scientifiquement.

En deçà de 1851, on remonte le temps avec de plus en plus de difficultés, car les données sont fragmentaires, les recherches documentaires sont beaucoup plus ardues.

Nous avons aussi constaté à quel point dans le passé avant le 20e siècle, les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont très peu renseignées, on peut faire la même remarque pour la Désirade.

En remontant le temps, vous arrivez au cyclone mythique de 1928. En quoi est-il différent de bien d’autres ?

Ce cyclone gravé dans les mémoires, son passage sur la Guadeloupe transmis de génération en génération, se distingue des autres par son bilan humain avant tout. C’est le phénomène le plus meurtrier qu’ait connu la Guadeloupe, et les Antilles françaises en général.

Il reste aussi particulier par sa puissance bien entendu, son lieu de passage (au centre de l’archipel), par l’étendue de ces dégâts (aucune commune n’a été épargnée par sa fureur), et par ce phénomène d’onde de tempête (un mur d’eau qui envahit les terres en brisant corps et biens) qui s’est produit sur la région de Pointe-à-Pitre.

A-t-on connu ouragan aussi violent depuis ? Hugo, peut-être ?

On peut en effet dire que le cyclone Hugo de 1989, par son intensité, sa dimension, son parcours sur l’océan, se rapproche beaucoup de celui de 1928. Mais il faut noter que le passage de l’œil sur la Grande-Terre nous a épargné ce phénomène d’onde de tempête, ou l’a amoindri dans la Rivière salée et les deux Culs-de-sac marins. Un passage de son centre 15 ou 20 km plus au sud aurait provoqué des dégâts et un bilan humain bien plus considérable, notamment dans toute la zone urbaine, commerciale et portuaire de Pointe-à-Pitre et ses environs.

« Nous cherchons donc, par tous les moyens, à rétablir certaines vérités et à améliorer la communication vis-à-vis de la population »

Au cours d’une discussion, il y a quelque temps, vous m’aviez dit votre agacement de voir qu’on avait beaucoup dit et beaucoup écrit de bêtises sur les ouragans. Dites-m’en plus !

Tenter d’améliorer la connaissance de ces phénomènes amène fatalement à lutter contre les idées reçues, qui ne manquent pas dans notre région. Elles sont d’autant plus présentes et alimentées qu’elles sont souvent relayées par divers acteurs, très actifs sur le plan de la communication médiatique, mais qui n’ont pas forcément de formation scientifique, météorologique. Les moyens de communication modernes, les réseaux sociaux sont des caisses de résonance au colportage de mauvaises informations, de contre-vérités, très nocives pour une bonne information et une bonne prévention, mais aussi pour une bonne connaissance des phénomènes climatiques qui nous concernent.

Je ne parle même pas des éléments exagérés à des fins de « buzz », la recherche du sensationnel, qui se retrouve aussi bien dans nos média nationaux et parfois locaux. Il ne s’agit pas de désigner des responsables, c’est le système général qui est ainsi. Nous cherchons donc, par tous les moyens, à rétablir certaines vérités et à améliorer la communication vis-à-vis de la population.

Un autre point que j’aimerais préciser est que, dans le domaine de la prévision et de la protection civile, les spécialistes existent et y travaillent. Sur le plan de la prévision à long terme, des équipes de climatologues réalisent des travaux. Cependant, sur l’étude du passé, sur l’histoire des cyclones de notre région des Petites Antilles, aucun travail exhaustif de recherche et de regroupement d’informations n’avait été entrepris.

C’est sur ce domaine que nous nous positionnons, nous membres de cette Amicale. Et l’amélioration de la compréhension de ces phénomènes, de leur comportement réel et de leurs effets passe nécessairement par l’étude du passé.

Vous présentez une conférence à partir de ce 12 septembre, à Basse-Terre, avec le soutien de la mairie. Que devient le Centre des Ouragans, que vous aviez lancé ?

Cette manifestation à Basse-Terre tournera autour du travail d’analyse et de regroupement de données que nous avons réalisé pour le cyclone de 1928. Il s’agit de pouvoir débattre avec les intéressés sur les nouveaux éléments que nous avons pu mettre en évidence sur ce cyclone. Mais 1928 est un cyclone parmi beaucoup d’autres dans notre atlas. En effet nous documentons 93 phénomènes différents dans le volet 1851-1949 qui sera publié en septembre cette année.

Quant au Centre des Ouragans, depuis sa création, les choses ont évolué, nos archives se sont enrichies, certains pays (dont les USA) ont entrepris la restauration de bien des données et récits. Il reste toujours d’actualité, et nous aurons l’occasion d’en reparler à l’avenir, mais nous étudions posément la façon dont ce centre doit évoluer et devenir un outil moderne de communication. Nous tenons à faire les choses le plus sérieusement possible, sans que l’objectif ne se limite à un simple effet d’annonce.

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