Cinéma. Jean-Claude Barny : « Pour faire Fanon, il ne fallait pas manquer d’audace ! »

Nouveau long-métrage du réalisateur guadeloupéen Jean-Claude Barny, Fanon est projeté en avant-première mondiale, mardi 3 décembre, au Festival international du film de Marrakech (Maroc).

« Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ». Cette célèbre citation de Frantz Fanon continue de faire écho dans nos sociétés. Psychiatre, philosophe, auteur (Peau noire, masques blancs, Les Damnés de la terre…), figure de l’anticolonialisme, né en Martinique, Frantz Fanon (1925-1961) a longuement analysé les effets de la colonisation en Algérie. C’est à ce penseur reconnu à l’international que le réalisateur guadeloupéen Jean-Claude Barny consacre un long métrage très attendu.

Fanon, votre nouveau long métrage débute sa vie à l’international ?

Jean-Claude Barny, réalisateur : C’est ambitieux. C’était une volonté de faire découvrir le film dans les meilleures conditions. C’est une chance inouïe d’avoir un public le plus large possible, de qualité, habitué aux grandes œuvres. À l’issue de cette projection à Marrakech, nous serons fixés sur l’avenir du film ! C’est une vraie belle ouverture que le film soit sélectionné dans un festival d’envergure.

C’est un film sur lequel nous avons énormément travaillé en précision et en liberté. J’ai bénéficié de la collaboration d’une équipe internationale, du Luxembourg, du Canada… Chaque pays a apporté sa compétence. Que ce soit en post-production, pour les décors, les costumes…, j’ai vraiment travaillé avec une équipe très compétente.

Ce nouveau long métrage qui a été une gageure tant par rapport au personnage de renom que vous portez à l’écran, que sur le plan financier…

Le producteur Sébastien Onomo a tenu bon et a su mettre en place un modèle économique original. Le film a été construit avec le Luxembourg, le Canada, la Tunisie… Ce qui a le mérite de ressembler au parcours de Frantz Fanon. Je n’ai jamais vu de couples producteur/réalisateur à ce niveau de confiance, de bienveillance. Quand j’ai fini Le Gang des Antillais, dans la douleur, Sébastien Onomo, le producteur m’a dit : « Pour le prochain, on va doubler le budget et le temps de tournage ». Il a réussi à le faire pour Fanon. On est encore plus ambitieux. Ce film nous a ouvert des portes et donner l’envie de franchir de nouvelles étapes, d’aller plus loin.

Aujourd’hui, il y a une vraie signature Barny dans ce type de films. On n’a pas eu tort, il y a quelques années de choisir ce genre : aujourd’hui, on voit de plus en plus de films très engagés, historiques… que les majors sont prêtes à produire. Nous étions vraiment à l’avant-garde, il y a plus de 15 ans déjà avec Nèg Maron, Rose et le soldat… À l’époque, personne n’y prêtait attention. Aujourd’hui, on sent que la tendance est à ce genre de films. On est très content de cette reconnaissance.

La nouvelle génération de réalisateurs antillais très inspirés par le cinéma sait qu’il y a eu de bonnes et de mauvaises fortunes et que maintenant ils devront eux aussi se battre pour s’affirmer en tant que cinéastes, avec une vraie originalité et une vraie sincérité.

Vous pouvez témoigner que le cinéma est un chemin de résilience…

Ce qui m’a conduit à être là où je suis aujourd’hui, c’est que j’ai toujours été précis dans mes choix de films pour qu’ils soient qualitativement très reconnaissables.

L’acteur Alexandre Bouyer incarne Fanon. (Photo : Special Touch Studios)

En cinéaste engagé, vous portez à l’écran la réalité des territoires d’Outre-mer. Fanon, figure de l’anticolonialisme s’inscrit dans la même lignée.

Le langage de Fanon m’a servi de langage cinématographique. Ce langage était tellement évident que j’ai adopté sa posture pour faire ce film. La caméra, les comédiens parlent avec son écriture. On n’a jamais été aussi proches de sa parole et de ses actes.

Vous avez rencontré la pensée et l’œuvre de Frantz Fanon il y a longtemps. Pourquoi avoir attendu pour vous y « attaquer » avec ce film ?

J’ai attendu d’être vraiment prêt. Fanon est une icône qu’il ne faut pas écorner. Il fallait que je termine mon parcours d’apprentissage dans le cinéma pour le faire le mieux possible, sans manquer d’audace. Fanon est vraiment iconoclaste, multi talents, à la fois un Mozart, un Einstein…, quelqu’un qui était multiple dans plusieurs domaines. Pour retranscrire à l’écran quelqu’un qui a autant de verticalités, il fallait veiller à ne pas être « brouillon », à ne pas partir dans tous les sens. La maturité que j’ai acquise m’a permis de me concentrer sur ce qui me paraissait le plus important : la dignité que Fanon a offerte à ceux qu’on a souvent essayé de discriminer. Il a offert des mots, une image à la résistance, pour ne jamais se laisser enlever sa dignité en tant qu’être humain.

Pour incarner cet être pluriel, comment le choix de l’acteur principal s’est-il fait ?

J’ai choisi celui qui, naturellement, avait tout ce que j’avais imaginé pour le personnage de Fanon. Alexandre Bouyer a l’authenticité nécessaire pour ne pas décevoir les gens qui, depuis des décennies, attendent de voir Fanon à l’écran.

Entretien : Cécilia Larney

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