Les deux juges d’instruction parisiennes du Pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris, chargées d’une information judiciaire dans le dossier de la Chlordécone ont annoncé aux collectivités — le Conseil régional de la Guadeloupe et la Collectivité territoriale de la Martinique — et associations plaignantes leur intention de clore le dossier ouvert en 2007, ceci sans prononcer de mise en examen. Un non-lieu pourrait intervenir dans les prochains jours.
Sauf que cette intention manifestée par les deux magistrates ouvre un délai durant lequel les parties à la procédure peuvent signifier leur intention de faire des observations, de demander des actes supplémentaires, etc., afin que le parquet de Paris décide des suites à donner. La décision finale des juges d’instruction devrait clore le dossier si personne ne bouge.
Depuis 2006, plusieurs associations martiniquaises et guadeloupéenne ont déposé plainte pour empoisonnement, mise en danger de la vie d’autrui et administration de substance nuisible.
Interdite en France depuis 1990, la Chlordécone a été utilisée jusqu’en 1993 sur les champs de bananes en Guadeloupe et en Martinique, des élus ayant fait un lobbying auprès des ministres successifs de l’Agriculture, relayant les propos des gros planteurs qui avaient dit que ne plus employer cette substance était la mort de la bananeraie antillaise, la mise à la rue de milliers de travailleurs, etc. Un habile chantage que des milliers de personnes paient de leur santé aujourd’hui.
En effet, cette Chlordécone, qui a imprégné les travailleurs de la banane mais aussi ceux qui ont consommé des légumes non aériens — racines et autres — est présente dans la terre et dans l’eau des rivières, et partant dans l’eau de mer aux embouchures des rivières… par lessivage des sols pollués. La pêche est interdite à proximité de ces zones.
Cette Chlordécone est reconnue déclencher des cancers de la prostate entre autres maladies potentiellement mortelles. D’ailleurs, le gouvernement s’est décidé, vingt ans après, à déclarer maladie professionnelle l’imprégnation à la Chlordécone, mais seulement pour les exploitants et ouvriers agricoles…
« La tournure que prend cette scandaleuse affaire est préoccupante car on s’achemine vers un déni de justice, ont dénoncé, par voie de communiqué, les avocats de l’association Pour une écologie Urbaine, l’une des plaignantes, Mes Raphaël Constant, Corinne Boulogne Yang-Ting, Ernest Daninthe et Georges Louis Boutrin, des barreaux de Martinique et de Guadeloupe, qui ont ajouté :
« Après quinze ans d’instruction et en l’état actuel du droit en vigueur, aucune mise en examen n’a été prononcée ce qui laisse à craindre une forte probabilité d’une décision de non-lieu. »
Ce qui serait sûrement le moteur de nouvelles manifestations dans les rues, similaires à celles constatées en début d’année dernière quand des indiscrétions ont laissé entendre qu’un non lieu était envisagé à Paris, les actions étant, semble-t-il, prescrites…