« La convocation tant attendue, quinze ans après le dépôt de notre plainte, m’a été adressée, ce jour, par les Juges d’instruction qui ont enfin décidé de nous entendre.
En effet, nous sommes convoqués le jeudi 21 janvier 2021 à 8 heures avant le Tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, sis 16 rue Dugommier. »
Ce message, c’est celui d’Harry Durimel, l’avocat qui s’est constitué partie civile dans l’affaire du Chlordécone. Il vient de recevoir sa convocation.
Il représente l’Union des Producteurs agricoles de Guadeloupe, l’Union régionale des consommateurs et la CGT Guadeloupe.
Le jour de la convocation, l’audience se déroulera par le biais d’une communication audiovisuelle entre le tribunal de Pointe-à-Pitre et celui de Paris où il sera entendu par Fanny Bussac et Brigitte Jolivet, vice-présidente du tribunal de Paris.
Les faits ? Un grand nuage de fumée…
De 1972 à 1993, les planteurs de bananes des Antilles françaises ont utilisé un produit chimique composé, le chlordécone, sensé éliminer un ravageur de la banane. Pourtant, peu de temps après sa commercialisation, ce produit américain, parce qu’il avait tué sur le sol des Etats-Unis, était interdit dans certains pays. En 1979, l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) avertissait de la dangerosité du produit.
En France, de 1981 à 1993, tous les Gouvernements, par le biais des ministres de l’Agriculture, ont accordé aux planteurs des Antilles francaises des dérogations — deux dérogations ont été signées, sous le président de la République François Mitterrand, par les ministres de l’Agriculture de l’époque Louis Mermaz et Jean-Pierre Soisson. Malgré l’historique du produit, désigné comme perturbateur endocrinien, reprotoxique (altération de la fertilité), cancérogène, dangereux pour les fœtus des bébés, etc.
Depuis 1993, le produit n’est plus utilisé, mais la molécule de chlordécone est rémanente, ce qui veut dire qu’elle met beaucoup de temps pour disparaître. Sept siècles, ont dit les personnes savantes.
Guadeloupe et Martinique seraient, selon certains chercheurs, particulièrement menacées. Guadeloupéens et Martiniquais sont record du monde des cancers de la prostate, avec une fréquence double de la moyenne nationale.
Le président de la République, Emmanuel Macron a déclaré que l’État devait « prendre sa part de responsabilité dans cette pollution et doit avancer dans le chemin de la réparation et des projets », mais n’a pas reconnu officiellement les effets du chlordécone sur la santé humaine.
En 2019, une commission d’enquête parlementaire a travaillé sur l’utilisation du chlordécone et du paraquat (un autre produit tout autant nocif). Une de ses conclusions est terrible : le chlordécone, répandu dans les bananeraies pour lutter contre un insecte ravageur, a été interdit aux Etats-Unis dès 1975, mais autorisé en France de 1972 à 1990, et même jusqu’en 1993 aux Antilles, où il a bénéficié d’une dérogation, sous la pression de planteurs, d’industriels et de certains politiques. C’est ce qu’ont découvert les membres de la commission d’enquête, présidée par le député de Martinique Serge Letchimy, au fil des auditions.
De quoi conforter Me Harry Durimel dans son combat. A suivre…
André-Jean VIDAL
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