Caraïbes. Série. Aimé Césaire, politique malgré lui, par Julien Mérion

Écrivain et homme politique Aimé Césaire nait le 28 juin 1913 dans la commune de Basse Pointe en Martinique. Il meurt le 17 avril 2008 à Fort-de-France.

Il n’est pas toujours aisé d’aborder Aimé Césaire sous l’angle politique. Si la portée littéraire et plus largement philosophique de son œuvre est immense et, à bien des égards, encore largement inexplorée, le continent politique de la pensée et de l’action d’Aimé Césaire est évité. Aurait-il deux vies ? Une vie littéraire et une vie politique. Cet homme a une longévité politique assez exceptionnelle dans l’histoire contemporaine et malgré tout une pensée qu’il convient de défricher aussi bien dans ses textes littéraires que dans ses écrits politiques.

Entré en politique de façon inattendue, il fut Maire de Fort-de-France de 1945 à 2001 (56 ans) et Député de la Martinique sans discontinuer de 1945 à 1993 (48 ans) Comprendre le Césaire politique suppose que nous partions de la brûlure interne qui habite l’Homme. Césaire est d’une souffrance rebelle. Cette souffrance et cette rébellion le poussent tout naturellement sur la gauche de l’échiquier politique. Mais au centre du discours césairien il y a toujours l’Homme. Dans sa complexité, ses faiblesses mais aussi ses tentations les plus imprévues. C’est avant tout l’affirmation d’un humanisme axial. Dans son œuvre, c’est surtout à partir du théâtre que la problématique du pouvoir devient récurrente.

L’exercice du pouvoir devient une tragédie. Il y a une forme d’exorcisme dans « La tragédie du roi Christophe » et dans « Une saison au Congo ». Le pouvoir et son ivresse, le rapport entre l’éthique et la responsabilité sont explorés, tout comme les intrigues et les forces occultes qui dépassent l’homme. Césaire semble vouloir se prémunir de l’ivresse et d’une forme d’addiction au pouvoir. Faut-il y voir sa méfiance vers toute aventure qui ne serait pas maitrisable en Martinique ? La question de la légitimité est au centre du discours de Césaire : La légitimité est la qualité d’un pouvoir reconnu conforme aux aspirations des personnes sur lesquelles il s’exerce. Ce souci est omniprésent chez Césaire. Ainsi peut se comprendre le lien charnel qu’il entretient avec le peuple martiniquais. Cette recherche constante de légitimité éloigne Césaire des aventures et des avanies du pouvoir.

A l’échelle des valeurs fondatrices de son engagement il n’aura de cesse de clamer son appartenance à la gauche au service de la promotion des sans-voix. C’est ce qu’on pourrait appeler un humanisme de gauche.

Dans une interview à l’historien Edouard Delépine en 1953, il affirme : « Bien sûr, j’étais un homme de gauche. Mais pas tellement un homme de parti ». « Je suis entré au parti tout simplement par honnêteté ». « Après tout, je me suis dit : « si tu es communiste, il faut que tu sois un bon communiste ». Je me suis mis à l’école, j’ai regardé, j’ai appris le marxisme exactement comme j’ai appris le latin, comme j’ai appris le grec.. » A quelle culture politique appartient Césaire ? Le césairisme est un mélange de culture démocratique et de rébellion passive. Ses grandes options statutaires évoluent au rythme du temps. Il est d’abord départementaliste avec pour objectif l’égalisation sociale, dont il voit très vite les limites.

A la création du PPM en 1958, il préconise une solution fédéraliste « Le Parti progressiste martiniquais pourrait proposer la transformation des départements d’outre-mer en régions fédérales ».

L’option autonomiste qui sera son horizon découle tout naturellement de son anticolonialisme et de ce que l’on peut considérer comme une forme de réalisme politique. Il est malgré lui l’une des incarnations de la refondation idéologique et politique de la post-colonialité.

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