Caraïbe. Interreg VI : c’est lancé !

Ary Chalus, Serge Letchimy, Gabriel Serville. Guadeloupe, Martinique, Guyane. Louis Mussington, de Saint-Martin, a fait un léger malaise, Xavier Lédée, qui a assisté aux travaux, a dû repartir vers Saint-Barthélemy avant la fin de ceux-ci.
Ary Chalus a reconnu que, dans l’ensemble, la mise en œuvre du dispositif peut nettement être améliorée (il est le chef de file), Serge Letchimy a dit les choses… nettement, sans prendre de gants mais avec élégance. Gabriel Serville, en dehors de toute rivalité latente, a plaidé pour sa paroisse, la Guyane.  

Ary Chalus a longuement échangé avec Jules Didacus. Les deux hommes s’apprécient toujours plus au fil des rencontres. @AJV

Pendant deux jours, mercredi 8 et jeudi 9 mars, en Guadeloupe, la 16e Conférence régionale Antilles-Guyane a permis d’établir les bases d’une coopération régionale renforcée.

Ce vendredi, la plupart des participants à cette conférence se sont retrouvés au CWTC de la Pointe Jarry pour lancer le programme Interreg Caraïbes VI (2021-2027), une enveloppe de 87 millions d’euros pour la coopération entre Etats de la Caraïbe, qu’ils soient régions ultrapériphériques de l’Europe comme les trois régions françaises d’Amérique que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, ou pays indépendants liés ou non au Commonwealth britannique (la plupart des pays anglophones). Ou liés à la Couronne de Hollande (Curaçao, Sint Maarten).

SE Roland Dubertrand, ambassadeur chargé de la coopération régionale dans la zone Atlantique, Slawomir Tokarski, directeur général Régio à la Commission Européenne, Jules Didacus, directeur général de l’Organisation des États des Caraïbes orientales, et Régis Elbez, secrétaire général aux affaires régionales à la préfecture de Guadeloupe, étaient présents tout au long des débats.  

« Ce programme s’inscrit dans le cadre d’une intégration renforcée des RUP françaises dans leur environnement régional et d’une coopération consolidée avec les organisations internationales à vocation régionale de la Caraïbe, partenaires du Programme, que sont l’AEC (Association des Etats de la Caraïbe, l’OECO (Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale) et le Cariforum », a dit Slawomir Tokarski.

Six priorités à cet Interreg Caraïbes qui court jusqu’en 2027 :
. Pour une Caraïbe plus intelligente, plus innovante et plus compétitive (14,2 m€)
. Une Caraïbe plus verte, plus résiliente et à faibles émissions de carbone (15,4 m€)
. Pour une Caraïbe plus connectée (2,5 m€)
. Une Caraïbe plus sociale et plus inclusive (16,7 m€)
. Pour une coopération transfrontalière entre Saint-Martin et Sint-Maarten renforcée (4,1 m€)
. Pour faciliter et optimiser les modalités de coopération dans la Caraïbe (8,9 m€).

La Guadeloupe est chef de file d’Interreg Caraïbes.

« Au travers de ce bilan mitigé, il est important
pour moi de vous assurer
que mes services restent mobilisés. »

ARY CHALUS

Au pupitre, le président Ary Chalus a rappelé l’importance d’Interreg Caraïbes, qui concerne une quarantaine de pays. « Pour la période 2014/2020, le programme doté de 63M€ a permis de financer 58 projets pour un niveau d’engagement de 122%. Néanmoins, la réalité est toute autre en termes de réalisation puisque moins de 30 millions d’euros ont fait l’objet de factures justifiées, à 9 mois de la clôture du programme.

Au travers de ce bilan mitigé, il est important pour moi de vous assurer que mes services restent mobilisés pour faire face aux enjeux de la clôture de ce programme, c’est-à-dire ne pas perdre de crédits pour les territoires. »

Comment Ary Chalus explique-t-il ce piètre bilan ?

« Il faut reconnaitre que l’animation a manqué et c’est pour cela que j’ai demandé à repenser notre organisation. 

L’animation partenariale doit pouvoir prendre toute sa dimension, au travers du renforcement des Points de contact régionaux, qui doivent être des relais du programme sur les territoires et de la présence active des partenaires au sein du Secrétariat conjoint.

La préparation de la période 21-27 a intégré ces enseignements en associant de manière étroite, dès 2020, l’ensemble du partenariat.

Nous pouvons collectivement nous féliciter que le programme Interreg Caraïbes 21-27 soit le premier programme des RUP françaises à avoir été approuvé par la Commission européenne le 29 novembre 2022.

Il totalise un montant de 67,9 M€ et permettra d’apporter un soutien financier à des projets de coopération pour une Caraïbe plus résiliente au niveau économique, social et environnemental.

L’enjeu du soutien à une mobilité durable sur et entre les territoires caribéens fait désormais l’objet d’une priorité à part entière. »

Gabriel Serville, président de la CTG, a dit son plaisir d‘être là (il y a une quinzaine de millions pour les projets Interreg de la Guyane entre 2021 et 2027).

« Si nous ne mettons pas les moyens sur les outils
de la mobilité, nous risquons de passer à côté du sujet. »

GABRIEL SERVILLE

Verbatim.

« C’est une vision plus forte, plus engagée, plus dynamique de la coopération qu’il nous appartient de mettre en œuvre de façon pratique. La coopération, c’est une affaire de moyens financiers mais c’est aussi une affaire de contenus et de projets, à faire émerger dans le champ partenarial. »

« La Guyane attend de la mise en œuvre de cette nouvelle génération Interreg caraïbes un effort significatif sur la question des mobilités et des connections. Si nous ne mettons pas les moyens sur les outils de la mobilité, nous risquons de passer à côté du sujet. Les dossiers relatifs aux connections maritimes et aériennes et notamment les missions qui peuvent être partagées dans le cadre d’actions partenariales entre les trois grands ports maritimes (de Guadeloupe, Guyane et Martinique- doivent être identifiées comme des priorités absolues. La priorité doit être également accordée aux réflexions opérationnelles sur l’offre aérienne. L’internationalisation de nos économies, la valorisation de notre capital humain tout autant que la préservation de notre environnement et de notre biodiversité sont évidemment des sujets que nous regarderons de très près. Mais, sans connection, on ne fait rien et nos projets ne seront que des vœux pieux. »

« Je souhaite évoquer la question de la méthode et tout particulièrement celle de la sélection des projets. Il n’existe nulle part de règles intangibles mais lorsqu’il s’agira d’assurer une parfaite concertation entre des acteurs qui sont souvent séparés par des barrières linguistiques, culturelles ou historiques, j’estime ici de manière très forte que les meilleurs projets sont qui sont issue d’échanges longs et approfondis entre les partenaires. Nous devons mieux communiquer sur les ouvertures d’appels à projets et mieux nous assurer de l’information des partenaires étrangers. La coopération régionale n’est pas que le moyen de produire avec des crédits européens des projets de nos territoires. C’est surtout l’outil qui doit permettre à nos voisins de mieux nous connaître, c’est l’outil dont l’effet miroir doit renforcer notre compréhension de leurs économies, de leurs systèmes sociaux, politiques, juridiques et également culturels. »

« Il est urgent de se tourner vers l’avenir et l’avenir, c’est une action forte et résolue pour permettre aux crédits européens d’être consommés de la façon la plus efficace possible. Nous devons y consacrer tous nos efforts et c’est l’objectif que je suis prêt, avec vous, à poursuivre au cours de ces prochaines années. »

« Deux point de satisfaction : l’instauration de points contact pour l’accompagnement de l’instruction des dossiers et le déplafonnement des dépenses engagées dans les géographies extracommunautaires. Nous sommes conscients néanmoins des freins qui existent encore, notamment sur le respect des critères d’éligibilité des dépenses ou encore la conformité aux objectifs du projet. »

« Nous sollicitons qu’il y ait une organisation
suffisamment efficace pour que la Martinique
et Saint-Martin soient mieux impliquées
sur la formulation de l’ensemble des projets. »

SERGE LETCHIMY

Serge Letchimy, président de la CTM, n’a pas manqué de tact quand il a souligné les faiblesses constatées jusqu’à présent dans la gestion du dossier Interreg.

Il n’en a pas moins félicité Ary Chalus et ses équipes pour « leurs efforts ».

Il a de même souhaité, pour que les dossiers préparés en Martinique soient efficients, que le rapport d’audit sur la période précédente, réalisé par la Commission européenne et expédié au chef de file, soit partagé avec les autres partenaires que sont la Guyane et la Martinique.

En bref, il a souhaité porter quelques remarques pour améliorer le système…

Verbatim.

« Je voudrais, cher Ary, te dire clairement que nous avons confiance en la Guadeloupe et il n’est pas question de remettre en cause le principe ni l’autorité organisatrice de la gestion des fonds Interreg. Je compte beaucoup sur toi pour apporter les modifications nécessaires pour atteindre un niveau de performance acceptable. Tu as eu le courage de dire que ça va bien. »

« On tient le coup, on consomme, malgré le Covid, l’Ukraine et malgré les complications d’ordre réglementaire que nous connaissons. Nous sommes conscients que nous n’avons pas encore atteint un niveau de performance acceptable. Les premières victimes, ce sont les porteurs de projets. On entend çà et là des grondements de porteurs de projets qui ne sont pas satisfaits sur les délais de réponse, etc. Ça peut influer considérablement sur la consommation des crédits et à ce titre là nous avons tous peur et nous ferons tout. »

« Pour être crédibles, il faut que la parole donnée soit respectée et qu’on ne soit pas devant la Commission européenne, la France et l’Europe en train de renvoyer l’argent parce qu’on n’aura pas consommé. Le dégagement d’office peut être latent. Je le dis pour Interreg, et je le dis pour nous aussi parce qu’en Martinique, nous menons un combat pour éviter ce dégagement d’office. Je n’ai qu’une responsabilité d’un an et demi mais peu importe, nous nous battons là-dessus. »

« Nous sollicitons de ta part (ceci s’adresse à Ary Chalus, NDLR) la mise en œuvre — et je suis à ta disposition — de changements profonds pour revoir le fonctionnement interne. Nous sommes encore à ta disposition, nous sommes prêts à aider, y compris par des moyens en personnels. Nous sollicitons aussi que les critères de sélection des dossiers soient revus et qu’on les étudie ensemble, de telle sorte que nous puissions être plus rapides. Nous sollicitons enfin qu’il y ait une organisation suffisamment efficace pour que la Martinique et Saint-Martin soient mieux impliquées sur la formulation de l’ensemble des projets. »

« Nous sollicitons des responsables européens qu’il y ait des dispositifs qui soient améliorés. Pour cela, nous souhaitons, monsieur le président (ceci s’adresse à Ary Chalus, NDLR), avoir l’audit qui a été lancé par la Communauté européenne. Nous n’avons pas cet audit et si vous pouviez nous le faire tenir, je serais particulièrement intéressé à voir le contenu de cet audit pour faire des propositions concrètes. Je demande officiellement que cet audit nous soit transmis de façon que l’on puisse travailler ensemble. »

« Plus nous serons efficaces comme partenaires, plus nous pourrons mieux accompagner les porteurs de projets et les initiatives prises par les acteurs économiques… »

Serge Letchimy dit qu’il souhaite qu’on sorte du classique financement de projets classiques avec des fonds européens pour passer au financement de projets économiques, en ouvrant les possibilités bilatérales RUP-pays tiers — fonds publics, fonds privés, fonds d’investissement… — de financer ces projets. « On peut difficilement parler de coopération quand on ne peut pas connecter les deux financements… Et je pense que c’est le seul moyen de s’en sortir. Sinon, nous allons rester avec des financements classiques… »

« Nous ne pouvons être les spectateurs de notre destin.
Il nous faut absolument être à l’OECS, à la CARICOM,
mais dans le marché, pas en dehors du marché. »

serge letchimy

Et de conclure : « Nous ne pouvons pas être les spectateurs de notre destin. Il nous faut absolument être à l’OECS, à la CARICOM, mais dans le marché, pas en dehors du marché. La question des membres associés et des membres de droit… Moi, je considère que c’est dans le marché, en étant à l’intérieur, que nous pouvons élaborer des choses extrêmement intéressantes. On ne peut pas être en dehors du marché économique, du marché d’échange e encore moins du marché du flux des capitaux car, si nous voulons avoir des politiques logistiques puissantes, il nous faut des moyens extrêmement importants pour pouvoir modifier la trajectoire et surtout le modèle économique local. Parce qu’en fait, mon cher président de la Guadeloupe, l’ambition, ce n’est pas seulement la modernité qu’on pourrait mettre en œuvre, c’est aussi la trajectoire du modèle économique que nous avons. Si vous ne modifiez pas la trajectoire économique, nous resterons dans un modèle qui ne permet pas de lutter contre les inégalités sociales et rien ne pourra nous permettre de lancer ce que j’appelle une nouvelle démocratie économique. »

Les différentes personnalités ont suivi avec intérêt l’ensemble des interventions qui ont permis de cadrer les priorités. A suivre.

André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com

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