Caraïbe. Depuis mars 2022 Haïti n’a pas d’ambassadeur à la Caricom 

Alors que la Caricom est de plus en plus présente dans l’actualité politique en Haïti ces dernières années, le pays n’a pas d’ambassadeur dans cette organisation de la Caraïbe depuis 2022. Si pour le ministre haïtien des Affaires étrangères Jean Victor Généus ce n’est pas nécessaire pour le moment d’avoir un ambassadeur à la Caricom, Peterson Noël et Beausoleil Sam, respectivement ambassadeur d’Haïti à la Caricom en 2018 et 2022 soutiennent le contraire…

Entre le sommet Caricom-Canada sur Haïti en octobre à Ottawa et l’envoi en Haïti de plus de quatre missions chargées de jouer le rôle de médiateur dans la crise politique, 2023 a été l’une des années au cours de laquelle la Caricom a pesé lourd dans l’actualité du pays. Cependant, depuis 2022 Haïti n’a pas d’ambassadeur dans cette organisation régionale. Interrogé par Le Nouvelliste sur cette situation, le ministre des Affaires étrangères a dit au journal que « seul le Suriname est représenté à Georgetown au rang d’ambassadeur. D’autre part, le budget de la Caricom ne lui permet pas de faire fonctionner des bureaux dans les pays membres. Il n’en existe aucun. »

« Il existe à la chancellerie haïtienne un porteur du dossier Caricom. C’est sous le président Martelly qu’Haïti a nommé son premier ambassadeur à la Caricom. Cette pratique fut suivie par le président Moïse », a expliqué Jean Victor Généus.

Est-ce que cela voudrait dire que ce n’est pas nécessaire pour Haïti d’avoir un ambassadeur à la Caricom ? À cette question de Le Nouvelliste le chancelier a répondu en ces termes : « Pour le moment, non. En raison de problèmes institutionnels nous n’avons ratifié que la moitié des instruments d’adhésion. »

Beausoleil Sam, le dernier ambassadeur d’Haïti à la Caricom, soutient que « la désignation d’un ambassadeur auprès de la Caricom est un acte important dans la dynamique régionale à plus d’un titre. Premièrement, c’est l’établissement d’une courroie de transmission entre le Secrétaire général et le chef de l’État d’une part; et entre le Secrétariat général et les différentes autres parties prenantes nationales (administration publique, secteur privé et société civile). »

L’ambassadeur, a-t-il ajouté dans une interview accordée au Nouvelliste, est aussi un élément important qui permet aux États membres de défendre leurs intérêts au niveau du Comité des ambassadeurs de la Caricom (CCA). « Le CCA a été mis en place dans les années 2011-2012 dans le cadre de la réforme de la Caricom. L’accent a été mis sur la manière de rendre plus effective la gouvernance régionale. En effet, le CCA participe à la préparation des sessions de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement et des conseils ministériels. Il valide le budget avant adoption par le Conseil des ministres de la Communauté (Ministères des Affaires étrangères) et décision de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement », a-t-il relaté.

Selon Beausoleil Sam, le manque à gagner pour Haïti, qui n’a pas d’ambassadeur à la Caricom, est multiforme. « Cela concerne l’absence de toute participation à différents mécanismes de négociations régionales (réforme du Secrétariat et des institutions régionales, agenda des chefs d’État/gouvernement, négociations commerciales, en particulier le marché et l’économie uniques de la Caricom [CSME], etc. ) », a-t-il souligné.

« Il est important pour Haïti d’avoir un ambassadeur auprès de la Caricom car il s’agit de faire un travail qui doit faciliter la dynamique d’intégration régionale en permettant une synergie entre des acteurs en Haïti et au niveau de la région dans la gestion de questions politiques et économiques notamment », a affirmé Beausoleil Sam.

« Nous éprouverons davantage le besoin d’un ambassadeur auprès de la Caricom fonctionnel du moment où nous pourrons revenir à une normalisation politique, avec une paix sociale qui permettra aux différentes branches de l’administration publique de contribuer à l’avancement régional, aux travailleurs de profiter du marché régional du travail et aux entreprises haïtiennes d’être mieux en position d’exploiter le marché régional de 34 millions de consommateurs (incluant environ 24 millions de touristes) », a avancé Beausoleil Sam.

L’ambassadeur avait présenté ses lettres de créance au Secrétaire général de la Caricom le 14 septembre 2020. Il a été écarté en mars 2022 et depuis il n’a jamais été remplacé.  

Pour sa part, Peterson Noël, ambassadeur d’Haïti à la Caricom en 2018, affirme que le dossier de la Caricom n’est pas une priorité pour le gouvernement haïtien. « Normalement Haïti devait assurer la présidence de la Caricom », a-t-il affirmé au Nouvelliste.

Pour l’ancien ambassadeur, le fait que le pays n’a pas d’ambassadeur à la Caricom représente un manque à gagner pour Haïti. « Si on prend en compte la situation actuelle, les entreprises pourraient bénéficier du marché de la Caricom pendant que notre économie est en crise. Plusieurs entreprises haïtiennes regardent déjà la possibilité d’accéder au marché caribéen, estimé à plus de 8 millions de consommateurs hors touriste », a-t-il dit.

« De plus, on vient de découvrir le pétrole en Guyana; les estimations mettent ce pays de la Caricom au même niveau que le Venezuela et l’Arabie saoudite en termes de réserve de pétrole », a-t-il précisé.

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