D’abord programmée au Festival des petites formes de Tropiques Atrium, en Martinique, la pièce de théâtre Les Revenants de l’impossible amour, de l’auteur haïtien BOLIVAR, achève sa tournée avec le Cedac en Guadeloupe, ce dimanche 3 avril. Entretien avec l’auteur.
Votre pièce, Les Revenants de l’impossible amour se déroule dans un cimetière. Ce n’est pas banal ?
BOLIVAR : Non. Mais, c’est peut-être un parti pris de dire que le cimetière c’est le lieu idéal pour parler de ces choses.
Pourquoi ?
Parce que l’amour nous renvoie à notre fragilité, à certaines interrogations : Qu’est-ce qu’aimer ? Quand on aime, jusqu’où est-on prêt à aller en termes de sacrifice ? Est-ce qu’aimer, ce n’est pas réduire l’autre à soi ? Le cimetière est le lieu où toutes les questions sont résolues. Le cimetière est aussi le lieu d’où tout repart. La mort n’est pas la fin : c’est la régénération. C’est pour cela que l’action se déroule dans un cimetière.
Les Revenants de l’impossible amour est une pièce inspirée de la culture Guédé, l’esprit de la mort qui se manifeste les 1er et 2 novembre. Paradoxalement, les Guédé sont des esprits qui aiment faire la fête, tenir des propos grivois, parler de sexualité avec des mots crus. Leur message est simple : il faut profiter de ce moment où nous avons la chance d’être en vie parce qu’après, il est trop tard.
Bien qu’inspiré du culte vaudou, votre texte, primé en 2017 par Textes en paroles, effectue un retour aux sources en Guadeloupe avec la tournée organisée par le Cedac dans les communes ?
Oui. J’ai écrit les premiers mots de cette pièce en Guadeloupe : je participais à l’époque au Congrès des écrivains de la Caraïbe. D’ailleurs, à l’origine, le texte s’intitulait Fauves des basfonds, en référence au corps à corps entre un homme et une femme. La première mise en lecture du texte s’est aussi déroulée en Guadeloupe, en 2018, au Mémorial Acte.
Vous êtes aujourd’hui basé en Martinique, mais que vous inspire la situation en Haïti ?
Haïti est un pays en gestation depuis 1986 : il y a quelque chose qui prend forme, du moins, je l’espère ! C’est une bataille pour la démocratie. Aujourd’hui, il y a des retours en arrière qui ne sont plus permis, comme les coups d’Etat militaires. Mais, il ne faut jamais désespérer des gens et particulièrement de la jeunesse. Sur les réseaux sociaux, les jeunes Haïtiens utilisent le créole. C’est fondamental : cela signifie que les Haïtiens sont de plus en plus nombreux à s’ancrer dans le réel à partir d’un langage qu’ils comprennent, qu’ils maîtrisent. A partir du moment où la barrière de la langue ne se pose plus, tout le monde est capable de décrypter une réalité. Cette masse critique de jeunes ne permettra plus de continuer à fonctionner comme par le passé, ni comme aujourd’hui. Je reste optimiste !
Quelle est votre prochaine actualité ?
J’écris. Des poèmes, des pièces de théâtre. Depuis des années, je me suis lancé dans l’écriture d’un texte en créole haïtien qui m’habite vraiment. D’un point de vue plus général, avec l’association Balisaille que nous avons créée, nous préparons un festival de poésie pour le mois de mai.
Entretien : Cécilia Larney