A Pointe-à-Pitre, l’art s’exprime sous toutes ses formes sur le chantier du Centre des arts. Du sol au plafond, danseurs, graffeurs, plasticiens, photographes… occupent l’espace. Face à une situation qui n’a que trop duré, ils ont trouvé l’art et la manière d’entrer en résistance pour se faire entendre.
On aura rarement vu chantier aussi inspirant. Des artistes qui, hier, ne se connaissaient pas, trouvent aujourd’hui matière à collaborer. On se croirait presque dans un monde idéal si la situation n’était pas aussi lamentable. Fermé pour « travaux » en 2008, le Centre des arts est devenu au fil des années, l’arlésienne dont on a régulièrement annoncé la réouverte. En vain.
Pourtant, en 13 ans, les artistes se sont réinventés pour continuer à vivre de leur art, accueillant le public dans des lieux totalement inédits, mais qui ne pouvaient être que des solutions provisoires. Dans le même temps, les espaces de diffusion baissent le rideau les uns après les autres, limitant plus encore les possibilités de se produire. Alors, on en revient au point de départ : quand le Centre des arts, qui a été un véritable carrefour culturel en Guadeloupe pendant 30 ans, pour des artistes d’ici et d’ailleurs, pourra-t-il enfin retrouver sa vocation initiale ?
Comme souvent, l’histoire a bégayé. Les défaillances s’accumulant, les travaux n’en finissent pas de s’arrêter, puis de recommencer. On « découvre » au fil du temps que le projet initial ne pourra pas aboutir, à moins que…
Près de 40 millions d’euros engloutis
Quelques rallonges budgétaires plus tard, où en est-on ? Un gouffre de près de 40 millions d’euros pour un chantier à l’abandon et des artistes à la rue, privés d’un espace de création et de diffusion de proximité.
Face à un silence qui tend – lui aussi – à s’éterniser, les artistes de l’ANG ont décidé de se faire entendre en associant des acteurs du milieu culturel. Ils réclament « une véritable politique culturelle » pour le territoire. De concerts aux abords du bâtiment en ateliers, leur squat fait naître une énergie créatrice pluridisciplinaire qui se développe désormais à l’intérieur du site, autour d’une thématique commune : Rézistans é kilti.
Depuis le 5 juillet, les « artivistes » du Centre des arts poursuivent leur mouvement de résistance. Il y a eu le confinement, le 4 août, bientôt les premières phases du déconfinement, et pour eux, rien n’a changé. Le chantier qui n’est plus alimenté en eau, ni en électricité, reste leur cadre de vie et prend des couleurs.
Cécilia Larney
Un vaste espace de création
Grâce aux créations de professionnels ou amateurs, le chantier du Centre des arts de Pointe-à-Pitre se transforme en vaste espace d’exposition sur plusieurs niveaux, où chacun trouve sa place. Le site a accueilli une résidence de création pour un groupe de hip-hop, des répétitions de musiciens, de comédiens… Dimanche 19 septembre, une performance dansée s’y est déroulée. La levée des restrictions, à partir du 22 septembre, devrait permettre au Kolektif de convier à nouveau le public pour différents rendez-vous, notamment autour de la mode.
« Nous avons été conviés par Cap Excellence aux réunions de concertation destinées aux artistes et acteurs culturels susceptibles d’utiliser le lieu, indique Florence Naprix, du Kolektif Awtis Rezistans. Puis, nous avons tenté de rencontrer les représentants des différentes institutions, sans aucun retour. Pour l’instant, on est au point mort. Mais, artistiquement, le travail continue à l’intérieur. La culture et l’art en Guadeloupe ont besoin qu’on leur porte un regard nouveau. »