A l’initiative de Raphaël Lapin, des Guadeloupéens, issus d’horizons divers font entendre leur voix. « Le cri du cœur d’une jeunesse en quête d’espérance », écrivent-ils. Au moment où la Guadeloupe traverse une profonde crise sociale, ils se disent prêts à prendre part aux décisions de sortie de crise.
Nous sommes les héritiers d’une Guadeloupe divisée, éreintée par l’insécurité, par la drogue. Nous sommes les héritiers d’un pays érodé qui prend l’eau de part en part et qui paradoxalement manque terriblement d’eau. Un pays étouffé par des algues sargasses qui s’amoncèlent sur nos littoraux. D’une terre polluée.
Les héritiers d’une Guadeloupe malade
Nous sommes les héritiers d’une Guadeloupe trop chère pour nous-mêmes… Nous sommes les héritiers d’un éternel crédit à la consommation. D’un pays en pleine crise identitaire. Une crise dont nul ne parle plus et que personne ne cherche plus à résoudre. Nous héritons d’une terre où le seul moteur du progrès social depuis au moins 30 ans est une mondialisation dont nous sommes les suiveurs éternels. D’un pays où le progrès institutionnel est pour ainsi dire tabou. Un pays où les opportunités économiques sont trop souvent confisquées où le dialogue social est une succession d’entraves, de barrages et de coups de poing.
Nous héritons d’un pays qui nous condamne à demeurer des spectateurs amorphes de notre propre destinée. Nous sommes les héritiers de la Guadeloupe d’une République à bout de souffle. D’une Guadeloupe malade… D’une Guadeloupe cassée, d’une igname brisée, d’une dent mal chaussée.
Cette fois, la colère a explosé
Ce monde-là, nous le jugeons tout bonnement inacceptable et il nous met en colère ! Cette colère est un refus catégorique des étiquettes arbitraires et chiffonnées qu’on nous attribue : d’une jeunesse délinquante, d’une jeunesse des barricades, d’une jeunesse fainéante et méchante ; d’une jeunesse presque idiote, déscolarisée et dont on ferait ce qu’on veut quand on veut. (…)
Cette fois, guidée tout droit sur tous les ronds-points et tous les ponts de notre archipel, la colère a malheureusement explosé. Comme la plupart des colères, elle s’est montrée toujours au mauvais endroit. Pour l’occasion, elle a éclaté dans les magasins de compatriotes. Elle ajoutait alors de la rage au désespoir ; et coup du sort, les codes imposés par notre réalité et notre lutte permanente pour survivre dans un environnement hostile nous éloignent des remords et des regrets que vous voudriez nous voir arborer. (…)
« Nous avons cessé de croire aux chimères ! »
Mais nous ne voulons pas d’états généraux, ni de grand déballage national. Nous refusons également des assises où la seule thérapeutique de la complainte serait expérimentée. N’imaginez pas non plus une nouvelle commission spéciale qui serait en charge de formuler des propositions jamais écoutées, jamais entendues, jamais mises en œuvre. Il y a déjà bien longtemps que les jeunesses de la Guadeloupe ont cessé de croire aux chimères.
Ce que nous voulons, c’est prendre part concrètement au devenir du pays, être concerté sur les décisions qui sont prises pour notre avenir et celui des générations qui viennent et cela commence d’emblée avec les décisions qui doivent conduire à la sortie de cette crise. Nous voulons transformer l’école afin qu’elle quitte sa fonction d’industrie de l’échec.
Travailler, vivre et être heureux en Guadeloupe
Nous voulons structurer une filière économique culturelle et audiovisuelle qui permettrait à bon nombre de ceux que vous pensez marginaux de vivre de leur passion. Nous voulons voir renaitre les lieux de la culture guadeloupéenne. Nous voulons retrouver dans la terre qui est la nôtre, la capacité à produire pour nourrir le pays et le voir s’épanouir.
Nous voulons élargir nos horizons sur la Caraïbe voisine, pouvoir y faire des stages de formation professionnelle, plus d’échanges linguistiques, universitaires, économiques. Nous voulons pouvoir travailler, vivre dignement, faire grandir nos propres enfants et être heureux en Guadeloupe.