Apiculteur depuis près de 30 ans à Saint-Louis (Marie-Galante), Jean-Marc Hégésippe fait partie des pionniers de la profession. Son activité, impactée notamment par le changement climatique, évolue désormais vers la transformation de nouveaux produits. Rencontre.
Traditionnellement, la saison de production de miel débute en janvier et se termine en août. Est-ce toujours le cas ?
Pendant un temps, la saison se terminait fin août. Et, de manière exceptionnelle, en septembre, on pouvait encore faire une petite production de miel. Avec le temps, il y a des variations : les saisons peuvent être écourtées. Il y a 3 ans, par exemple, la saison s’est arrêtée fin mai.
Comment l’expliquez-vous ?
Avec l’expérience, on se dit que, dans la mesure où il fait plus sec, les arbres qui ont besoin d’eau pour vivre, en ont moins. La saison de miel se rétrécit parce que la saison sèche est plus longue. Cette année, nous avons eu des grains successifs, mais si ces périodes ne correspondent pas au moment de la floraison, il y aura un impact sur la production.
Idéalement, il faut qu’il y ait suffisamment d’eau, mais pas trop, avant la floraison. Autrement, les plantes n’ayant pas reçu la quantité d’eau souhaitée, ne pourront pas fleurir, ou si elles fleurissent, il n’y aura pas de nectar. Les abeilles qui ont besoin de nectar pour vivre, vont en trouver, mais pas suffisamment pour en stocker. Or, le travail de l’apiculteur consiste à inciter l’abeille à surstocker les aliments pour en récupérer une partie. Si les arbres n’ont pas pu sécréter suffisamment de nectar, l’abeille en retour ne trouve pas de nectar suffisant pour en stocker et permettre ainsi à l’apiculteur de récupérer une partie de ce miel.
Comment compenser le manque à gagner, quand on est un apiculteur professionnel ?
L’apiculteur peut toujours prendre le peu de miel qu’il trouve dans la ruche, mais il affamera les abeilles ! Dans mon exploitation, j’ai choisi de faire plusieurs produits et pas seulement du miel. Quand la production est faible, on consacre une partie à la transformation pour proposer d’autres produits.
Souvent, les clients ne s’imaginent pas que le miel appartient aux abeilles : elles transforment du nectar en miel dans le seul but de le conserver pour les jours où il n’y en aurait pas, sans qu’il parte en fermentation. Nous ne faisons que les inciter à surproduire pour en récupérer une partie.
Quand il n’y a pas de miel, ce n’est pas du fait de l’abeille, ni de l’apiculteur : c’est la nature ! Il faut pouvoir l’accepter. De fait, il y a une augmentation du prix : comme pour tout produit, quand il se raréfie.
Sans parler de tout ce qu’il y a autour et dont le prix augmente ! Quand on achetait une bouteille à 0.40 centimes, aujourd’hui, la même bouteille vaut 1.80 euros. Même le prix de l’étiquette a augmenté.
Ces variations du cycle de production sont une conséquence directe du changement climatique ?
Oui ! La production de miel va se raréfier de plus en plus avec les périodes de fortes chaleurs qui s’intensifient. C’est pour cela que j’ai choisi de développer d’autres produits à partir de la canne à sucre. Sur un territoire comme Marie-Galante où il y a des agriculteurs qui ont encore de la canne alors que les usines et distilleries arrêtent d’en recevoir, il y a quelque chose à faire. J’y travaille depuis 15 ans. Je serai bientôt en mesure de présenter les résultats de mes recherches. Il fallait le temps de voir vieillir le produit, son évolution au fil du temps et se mettre en règle avant de lancer la commercialisation.
La production de miel est en danger ?
Non ! S’il s’agit de faire une petite production, ce sera toujours possible. Aujourd’hui, il y a plusieurs petites productions qui créent une grande diversité. Quand j’ai commencé, il y a 28 ans, on vendait du miel et j’étais l’un des premiers à dire qu’il fallait valoriser chaque production : campêche, mille-fleurs…
Mais, si on respecte le cycle de la nature, avec le temps, il sera difficile de sortir de gros volumes de miel. D’ailleurs, sur le marché, au niveau mondial, il y a de plus en plus de miel produit artificiellement.
Votre production a été plusieurs fois primée, notamment au salon de l’agriculture. Dans les meilleures années, quel était votre volume de production ?
Quand j’ai commencé, j’atteignais facilement 6 tonnes de miel, par an. J’ai pu faire une année exceptionnelle à 9 tonnes de miel, à la fin des années 1990. Aujourd’hui, quand je produis 3 tonnes de miel, je trouve cela exceptionnel ! On ne peut plus produire autant de miel qu’avant pour diverses raisons. Le changement climatique, c’est une chose. Mais, nous sommes sortis d’un produit que les gens dénigraient un peu, à un secteur professionnalisé. Quand j’ai débuté à Marie-Galante, trois personnes, décédées depuis, qui avaient les ruches autour de leur maison.
L’augmentation du nombre d’apiculteurs, donc des personnes qui possèdent des ruches, associée à une diminution des plantes, de la floraison… en lien avec le changement climatique, on se retrouve avec un nombre insuffisant de fleurs disponibles toute l’année pour satisfaire les abeilles du territoire, ce qui entraîne une baisse de la production. C’est un ensemble de choses qui conduit à ce changement. On continuera à faire du miel, mais en moins grandes quantités qu’avant.
Et la qualité ?
Elle y sera ! La qualité d’un produit dépend de l’apiculteur, de sa technicité. Aujourd’hui, les gens viennent chez moi parce que j’ai développé une technique qui a été reconnue.
Les dénicheurs de miel
Autrefois, on appelait les producteurs, des « dénicheurs de miel ». Pour se former, il fallait partir dans l’Hexagone. J’ai formé, pour ma part, à l’époque où j’étais à l’Apigua (Association des apiculteurs de Guadeloupe), une centaine d’apiculteurs, dont une quinzaine à Marie-Galante. Aujourd’hui, il y aurait 300 apiculteurs formés sur un territoire qui n’est pas extensible et dont les espaces boisés se réduisent pour faire du pâturage, pour construire des maisons, des villes…
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