27 mai 1848 : il n’y a plus d’esclaves en Guadeloupe

En ce jour de commémoration, Gérard Lafleur, membre de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, rappelle le contexte qui a précédé l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe.

Le 27 mai 1848, le gouverneur de la Guadeloupe, Marie Jean-François Layrle, convoque le Conseil Privé de la Guadeloupe, à 6 heures. Cette heure matinale et inhabituelle montre l’urgence de la situation. Dès le 4 mars, le Gouvernement provisoire avait déclaré que : « Nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves » et le décret d’abolition de l’esclavage, accompagné de 14 autres organisant la société post-esclavagiste, avait été signé le 27 avril, mais l’article premier prévoyait que l’esclavage ne serait entièrement aboli que « deux mois après sa promulgation dans la colonie», causant la frustration de ceux qui attendaient cette liberté avec une impatience bien compréhensible. La tension était à son comble et, en Martinique, de violents incidents eurent lieu, notamment dans le nord de l’île.

Le mémorial Delgrès au fort Delgrès, à Basse-Terre.
Une situation insurrectionnelle en Martinique

Dès le 23 mai, le gouverneur de la Martinique, le général Rostoland, écrivit à son homologue de Guadeloupe, le gouverneur Layrle pour le tenir informé de la situation insurrectionnelle qui semblait devoir se répandre dans son gouvernement : des ateliers du Robert refusèrent de travailler et se dirigèrent vers Le Lamentin. Une insurrection se déroulait à Saint-Pierre où il se rendit immédiatement. Arrivé à 20 heures, il avait pu constater que le Prêcheur était en feu et que, dans le quartier du Fort, l’incendie avait éclaté également. Il lui annonçait que d’ores et déjà 20 personnes avaient péri par le feu ou par le fer. Le conseil municipal de Saint-Pierre, dès le 22 mai, avait demandé l’abolition immédiate de l’esclavage. Le maire faisait une déclaration par laquelle il avertissait ses administrés de sa demande et terminait ainsi sa proclamation :

« Réunissons-nous en frères

Devant la liberté il ne peut plus y avoir d’ennemis.

Votre Conseil municipal a demandé à l’unanimité l’abolition de l’esclavage.

Vive La Liberté ! »

Une délégation demande l’émancipation des esclaves

En Guadeloupe, on fut très rapidement au courant des événements survenus dans l’île voisine les 22 et 23 mai. Le jour suivant, le gouverneur reçut un rapport qui faisait la description de ce qui s’était passé à Saint-Pierre et au Prêcheur.

Le 26 mai, le maire de Pointe-à-Pitre réunit en urgence son conseil municipal. En Guadeloupe aussi, à une heure inhabituelle : midi. Il fit part des nouvelles qu’il avait reçues et notamment la proclamation du 22 mai du conseil municipal de Saint-Pierre qui demandait l’abolition immédiate de l’esclavage. Le maire Champy décida d’en faire autant, et fit une proclamation par laquelle il avertissait ses administrés qu’une délégation était envoyée au gouverneur pour demander « l’émancipation des esclaves ».

Un Conseil privé au lever du jour

Le maire avait reçu également la nouvelle de l’abolition de l’esclavage dans l’île voisine et, dans la même journée, on apprit que l’atelier de l’habitation de la veuve Dupuis, à Lamentin, avait déserté, les esclaves revendiquant leur liberté. A midi, l’ensemble des ateliers de la commune avait suivi leur exemple. Cette attitude allait se répandre sur toute la Guadeloupe.

C’est avec ces informations que le gouverneur arriva au Conseil privé accompagné de la délégation de la Pointe-à-Pitre qu’il avait reçue au lever du jour.

Ayant fait part de ces nouvelles aux conseillers, il proposa de prononcer l’émancipation immédiate des esclaves de la Guadeloupe. A l’unanimité, le Conseil privé appuya « cette mesure devenue d’une indispensable nécessité dans la situation actuelle de la colonie… »

Une messe pour consacrer l’acte d’émancipation

Un arrêté devait être rédigé immédiatement. Une commission composée de MM. Billecocq, directeur de l’Intérieur, Bayle-Mouillard, procureur général et Lignières, conseiller, fut désignée et se retira dans une salle voisine. Lorsqu’elle revint avec le résultat, la séance reprit. Le procureur général lut le projet d’arrêté, une seconde lecture fut demandée. Le gouverneur l’approuva et le signa avec tous les membres du Conseil et demanda que l’on en imprimât immédiatement 3 000 exemplaires destinés à être placardés dans toutes les communes.

La nouvelle qui était attendue fut accueillie avec enthousiasme par les esclaves dont une délégation se rendit à la préfecture apostolique (il n’y avait pas encore d’évêque) pour demander que l’on consacrât par une messe d’actions de grâce l’acte d’émancipation, de bénir le drapeau qu’ils avaient préparé pour ce jour et participer à la plantation de l’arbre de la Liberté.

« Vive la République, Vive la Liberté ! »

La même députation se rendit chez le gouverneur pour le prier de participer aux cérémonies. Il accepta et réunit les autorités civiles et militaires à son hôtel le 29 mai. Le cortège, précédé des chasseurs à cheval et de la musique, au milieu de la foule, se rendit à l’église Saint-François (l’actuelle cathédrale) où l’attendait le conseil municipal.

La cérémonie commença avec la bénédiction du drapeau. Un jeune palmiste, qui était destiné à être l’arbre de la Liberté était exposé. La messe terminée, le cortège sortit du bâtiment et se rendit sur la place où l’on avait dressé une estrade. L’arbre fut béni par le préfet apostolique et le gouverneur prononça un discours finissant par « Vive la République, Vive la Liberté ! » repris avec enthousiasme par la foule.

Le nouveau gouverneur, Adolphe Gatine, abolitionniste de longue date qui avait participé à la rédaction du décret d’abolition et des décrets l’accompagnant, aurait voulu être celui qui amenait la liberté aux esclaves de la Guadeloupe. Lorsqu’il arriva le 5 juin, il fut un peu déçu de constater que celle-ci était effective depuis peu, mais il ne put qu’entériner et approuver les mesures qui avaient été prises.

Gérard Lafleur

Pour aller plus loin

ADG et ANOM :

  • Délibérations du Conseil privé, séance du 27 mai 1848
  • Gazette officielle de la Guadeloupe, 31 mai 1848

Société d’Histoire de la Guadeloupe :

  • Une aube de liberté. L’abolition de l’esclavage à la Guadeloupe
  • Abolition de l’esclavage à la Guadeloupe. Quatre mois de gouvernement dans cette colonie. Adolphe Ambroise Alexandre Gatine.
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