Guadeloupe. 59% des Guadeloupéens votent pour une fusion de la Région et du Département

Les Guadeloupéens qui se sont accrochés à comme des arapèdes à leur rocher quand on leur a posé la question du changement de statut en 2003, serait-ils prêts à faire un pas vers l’avenir ? La question est posée à quelques jours d’un Congrès des élus qui doit se tenir le 7 juin 2023.

A la demande du CAGI (Centre d’analyse Géopolitique et Internationale) de Guadeloupe, l’institut de sondage Qualistat a interrogé 512 Guadeloupéen (ne)s de 18 ans et plus, de 6 au 17 mai 2023.

Erick Mérion, co-fondatrice de Qualistat, présente les résultats.

Quatre questions :

. Etes-vous favorable à la fusion du département et de la région en une collectivité territoriale unique ?
. En cas de fusion, selon vous faut-il garder le même nombre d’élus, c’est à dire 42 conseillers départementaux et 41 conseillers régionaux, soit 83 élus ?
. Souhaitez-vous que la Guadeloupe ait un pouvoir de décision dans les domaines suivants (plusieurs réponses possibles) ?
. Souhaitez-vous que la Guadeloupe dispose d’un statut fiscal et douanier particulier, notamment pour fixer des taxes et récupérer des taxes jusqu’alors prélevées par l’Etat (exemple les taxes sur les jeux de hasard …) et protéger la production locale en taxant les importations ?

Fusionner Région et Département

Sont-ce des préoccupations des Guadeloupéens ? En fait, lors des publications des baromètres de Qualistat, qui paraissent régulièrement depuis vingt ans, exprimant les préoccupations des Guadeloupéens, en novembre 2022, c’étaient l’eau, le pouvoir d’achat, dans celui en cours la sécurité, la délinquance.

D’un baromètre à l’autre, la place de l’évolution statutaire fait 6 à 7%.

La question posée d’une fusion entre Région et Département permet de constater que 32% des sondés sont tout à fait favorables, 27% plutôt favorables. 59% sont donc favorables à une collectivité unique.

Toutes les tranches d’âge sont considérées dans le sondage. Ainsi, les 18-24 ans souhaitent cette fusion pour 54% d’entre eux, les 40-59 ans pour 56% d’entre eux, les 60 ans et plus pour 68% d’entre eux.

Leur localisation (domicile) permet de voir que les ressortissants de la CCMG (Marie-Galante) sont ceux, après ceux de Cap Excellence (69%) et de la CANBT (66%) ceux qui sont les plus favorables à une fusion (64%). Les moins favorables sont les ressortissants de la CASBT (Sud Basse-Terre) (47%).

Le niveau d’étude influe aussi sur les réponses : moins on est diplômé moins on veut d’une fusion entre les deux entités de la Région et du Département.

Moins d’élus dans une assemblée unique

La deuxième question, celle d’une baisse du nombre d’élus dans une collectivité unique, attire la réponse suivante : 82% des sondés veulent d’une baisse…

L’alternative était de 83 élus actuellement à 43… ou 53. 48% des sondés pensent que 43 c’est bien, soit diviser par deux le nombre des élus de la nouvelle collectivité, 33% que 53 c’est mieux .18% veulent que rien ne change.

Les sondés du territoire de la CCMG sont (45%) pour une fusion avec le même nombre d’élus ou 53 élus, s’évitant le risque de ne pas être représentés. Ceux des EPCI de CANBT et CANGT seraient satisfaits avec 43 élus.

Une fois la fusion réalisée, sur quels dossiers devraient se pencher les élus ?

L’urbanisme : adapter l’habitat et les constructions aux réalités du territoire guadeloupéen, préserver les terres agricoles et l’environnement : protéger les sites naturels et les espèces recueillent 65 et 55% des réponses, l’emploi avec préférence locale 48%, la gestion du littoral 45%, la coopération régionale 40%, la culture 39%.

Sept Guadeloupéens sur dix sont favorables à l’obtention d’un statut fiscal et douanier particulier. Pourquoi ? Selon les observateurs pour protéger la production locale en taxant l’importation de productions concurrençant les productions locales.

Ericka Mérion, co-fondatrice de Qualistat :

Deux commentateurs de ce sondage : Fred Réno, professeur d’université, politologue, Julien Mérion, politologue, tous deux à l’initiative du CAGI.

Que vont-ils dire ?

Fred Réno que la question posée était celle de savoir ce que veulent les Guadeloupéens. Il ressort du sondage qu’ils veulent voir la situation politique changer. En fait, pose-t-il, a-t-on peur du changement ?

Il faut, dit-il, relativiser l’idée de peur. Qui a peur ? De quoi ? Qui fait peur ?

Il rappelle que la Martinique et la Guyane, tandis que la Guadeloupe a préféré le statu quo, ont changé de modèle. « En Martinique, ils n’ont pas régressé… Ils font même valoir leur identité (référence au drapeau et à l’hymne), officialisent la langue créole au côté de la langue française, s’investissent dans la coopération régionale. En Guyane, les élus de tous bords sont unanimes pour un statut à la carte et un développement du pays. »

Les gens n’ont plus peur du changement

Il conclut : « La fusion Région Département pour aller vers une collectivité unique ne fait plus peur. »

A-t-on besoin de 83 élus dans deux assemblées ? La réponse semble être Non, pour 81% des sondés. Il y a vraisemblablement trop d’élus pour une population qui diminue. 40 « places » sont ainsi supprimées.

Fred Réno (fils d’élu précise-t-il pour expliquer qu’il connaît bien ce sujet) : « Les élus sont légitimes, ils sont élus par les citoyens. Ce sont aussi les premiers à craindre une diminution du nombre d’élus. »

Pourquoi leur tâche est-elle difficile ? Parce qu’ils font là un temps plein. C’est difficile de jongler entre une profession, un ou plusieurs mandats électifs. Ils n’ont pas toutes les compétences, les situations sont de plus en plus complexes, il faut maîtriser un tant soit peu les textes réglementaires… On pense souvent qu’ils viennent là pour se servir.

Pour Fred Réno, il convient de relativiser : « Même s’ils ne se servent pas, les élus sont servis par la politique. Ils occupent une position de pouvoir, avec des avantages immatériels. Un élu sans poste perd du pouvoir, toutes les rétributions symboliques. Petit à petit on l’oublie, le téléphone sonne moins souvent… »

70% des sondés sont favorables à un statut fiscal spécifique. Fred Réno l’explique par une volonté de sortir du droit commun dans l’intérêt de la Guadeloupe.

Fred Réno, politologue :

Julien Mérion prend la parole à son tour, pour rappeler qu’il s’agit, dans ce débat, de comprendre les aspirations des Guadeloupéens au travers des réponses du sondage.

Sondage qui fait suite à une série de rencontres, en décembre 2021 pour parler d’autonomie (trois conférences), en mai 2022 pour voir quelle autonomie pour la Guyane, en mai 2023 pour le thème Le statut de la Guadeloupe en question. Chaque fois, ce sont des politiques, des experts qui se sont exprimés. Après l’Etat au travers de ce qu’avait dit Sébastien Lecornu, les élus qui parlent de leur projet, la population des électeurs devait être sondée.

Que veut le peuple ?

Quand on regarde le sondage, on se pose la question : que veut le peuple ?

« Il condamne, dit Julien Mérion, le système des deux collectivités majeures. 59% des sondés souhaitent que ça change. »

« Il en ressort aussi une volonté de préservation du territoire contre tout sorte de prédation : 65% des sondés veulent que la législation sur l’urbanisme, l’aménagement du territoire soit adaptés, que les terres agricoles soient préservées, avec sous-jacente l’idée de souveraineté alimentaire, que la sécurité des biens et des personnes soient aussi protégée, de même que l’environnement au sens large du terme : faune, flore, biodiversité. Les Guadeloupéens ont un sentiment de dépossession. »

Pour Julien Mérion, la question du statut fiscal est intéressante parce qu’il faut prélever des taxes qui sinon partent, quittent le pays. Les taxes sur les jeux de hasard devraient être reversées pour doter le pays, des taxes à l’importation mises en place pour protéger la production locale.

André-Jean VIDAL

Aj.vidal@karibinfo.com

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