Johnny Hajjar, député martiniquais, a fait de la cherté de la vie Outre-mer son affaire. Depuis le 9 février 2023, sa proposition de créer une commission d’enquête sur le coût de la vie en Outre-mer vit sa vie, sans doute jusqu’en août où il pourra rendre son rapport.
L’objectif de cette commission est de diagnostiquer les mécanismes à l’origine de la disparité de pouvoir d’achat entre les territoires ultramarins et l’Hexagone et de proposer des solutions pour tenter d’y remédier.
Les auditions et visites sur le terrain se succèdent.
Les paramètres sont connus : niveaux de vie inférieurs, avec une précarité évidente, un fort taux de chômage, beaucoup de « pauvres ». Et pour contrebalancer, des prix à la consommation supérieurs de 20 à 30%.
On l’a vu (L’Hebdo Antilles-Guyane n°73), les importateurs/marchands (ce sont souvent les mêmes) se défendent d’augmenter artificiellement les prix pour s’assurer des marges confortables : ils accusent la logistique.
En effet, une marchandise part de l’usine, arrive au port, est stockée en attendant le bateau puis est embarquée, traverse la mer, est débarquée, entreposée, distribuée… avec des frais de transport, de stockage, des taxes diverses. Dont le fameux octroi de mer. Ensuite, le commerçant prend sa marge.
Le député Johnny Hajjar, qui connaît parfaitement la situation dans les Outre-mer, sait que, régulièrement, les plombs sautent : manifestations sociales ici, émeutes là…
« Aujourd’hui, face à la spirale inflationniste qui vient encore frapper ces territoires confrontés au mal-développement, les Outre-mer pourraient de nouveau se transformer en poudrière sociale », a-t-il dit devant la représentation nationale.
La commission s’est vue doter de pouvoirs importants dont l’audition sous serment et l’obligation à la transparence.
« La commission d’enquête devra porter ses travaux sur la formation des prix, l’accumulation des marges, la concentration verticale, particulièrement en mettant en lumière la consolidation des phénomènes oligopolistiques et monopolistiques », a exposé Johnny Hajjar face aux députés.
Sans jouer les procureurs de tribunaux révolutionnaires, Johnny Hajjar entend bien faire parler les personnes convoquées qui devront s’exprimer sans langue de bois.
Une vidéo circule qui reprend l’audition d’un président de groupe alimentaire martiniquais. Le député demande quel est le chiffre d’affaires de cette société. On comprend qu’il doit être de plusieurs dizaines de millions et le chef d’entreprise promet de transmettre les chiffres demandés… même s’il ne les donne pas en public. La vidéo est un extrait de La Chaîne parlementaire LCP !
Le ministre délégué aux Outre-mer, à son premier passage en Guadeloupe, avait dit qu’il souhaitait que des mesures soient prises pour « pouvoir diminuer fortement la vie chère » Outre-mer.
Le Bouclier Qualité Prix + ou ++ fait partie de cet arsenal de mesures promises. Mais, il reste insuffisant. En fait, une concentration entre quelques grands groupes locaux tant de sources d’approvisionnement que de distribution fait que les prix sont fixés sans réelle concurrence, ce qui permet de se répartir la manne.
Et, dans ce commerce aux relents « d’économie de comptoir », les fonctionnaires, avec leur 40% de rémunération supplémentaire, sont des clients attractifs… et tant pis pour les autres qui travaillent pour un SMIC ou un demi-SMIC, quand ils trouvent un emploi.
Traquer le gros gibier, c’est bien, mais il faudrait se pencher avec acuité sur la composition des sociétés ultramarines.