Pour le retour « au pays » des fonctionnaires d’Etat ultramarins

Présidée par Sacha Houlié, la commission des lois examine, ce mercredi 12 avril, la proposition de loi favorisant l’emploi et le retour des fonctionnaires d’Etat ultramarins dans les territoires d’Outre-mer.

La nécessité d’une proposition de loi pour le retour des fonctionnaires d’Etat ultramarins en Outre-mer fait suite à « un constat alarmant ». Dans les territoires d’Outre‑mer, les Ultramarins sont minoritaires aux postes d’encadrement dans la fonction publique d’État. Les enquêtes Emploi réalisées par l’Insee, de 2014 à 2019, estiment qu’il y a « une surreprésentation des cadres hexagonaux ». Ainsi, seuls 11 % de fonctionnaires sont Réunionnais contre 45 % d’Hexagonaux. La situation est similaire en Martinique (10 % contre 40 %), en Guadeloupe (10 % contre 34 %) et en Guyane (6 % contre 25 %).

De plus, comme l’avait mentionné le Sénat dans un rapport d’information en 2009, un paradoxe « domien » existe ; les jeunes diplômes locaux peinent à accéder aux emplois qualifiés offerts localement. La question de l’emploi en Outre‑mer perdure, ce qui rend nécessaire cette proposition de loi.

Des discriminations persistent

Si le niveau d’études justifie la présence des « hexagonaux » à des postes d’encadrement, il n’en reste pas moins qu’à diplôme équivalent, des discriminations persistent. Selon l’enquête Emploi de l’INSEE, à La Réunion, 60 % des fonctionnaires issus de l’Hexagone qui ont un Bac+2 ou +3 occupent un poste d’encadrement, contre seulement 35 % des Ultramarins.

Dans nos territoires ultramarins, la fonction publique est le secteur professionnel qui recrute par excellence. On ne compte ainsi pas moins de 71 000 travailleurs de la fonction publique à La Réunion, 37 000 en Guadeloupe et 38 000 en Martinique en 2018.

L’exil, un choix contraint

Selon les députés, aujourd’hui, il est « urgent d’œuvrer pour un rééquilibrage des affectations des fonctionnaires de catégorie A et B et pour le retour des ultramarins diplômés. » L’exil étant trop souvent un choix contraint en raison d’un manque d’offres de formations, mais aussi d’opportunités.

L’histoire nous prouve également que les migrations des populations ultramarines ont été contraintes et soutenues par les pouvoirs publics. Qu’il s’agisse du BUMIDOM des années 1963 à 1981 ou du CNARM de 1965 à aujourd’hui, les politiques publiques sont surtout fléchées pour le départ, mais ne sont pas suffisamment pensées pour une intégration de la population locale à des postes à responsabilité.

Les fonctionnaires ultramarins travaillant loin de leur territoire sont souvent contraints à vivre éloignés de leur famille, séparés de leurs enfants et conjoints, privés de leurs droits à une vie privée et familiale. Ces situations ont des conséquences sur l’état de santé des personnes et familles concernées, elles engendrent de la souffrance et parfois des drames humains.

La continuité territoriale : à quel prix ?

Aujourd’hui, le dispositif mis en place pour pallier l’éloignement est la continuité territoriale. Dans un contexte inflationniste où le prix des billets d’avion ne fait qu’augmenter, rallier l’Hexagone et les Outre‑mer devient de plus en plus compliqué. La continuité territoriale n’est donc pas une réalité et une solution viable à cet enjeu que constitue le retour durable des fonctionnaires ultramarins sur leur territoire.

Cette proposition de loi permettra de renforcer l’emploi et les mutations des fonctionnaires issus des territoires ultramarins, pour les personnes « justifiant de liens suffisants avec les territoires ultramarins au sein de la fonction publique d’État dans les territoires dont ils sont issus ».

Lutter contre la « fuite des cerveaux »

La lutte contre la « fuite des cerveaux » constitue un autre enjeu de cette proposition de loi. En effet, l’Hexagone attire plus de 42 % des jeunes diplômés des Outre‑mer, ce qui contribue à accentuer la crise sociale dans ces territoires. Plus d’un quart des 18‑24 ans (soit 27 % environ) ont migré vers l’Hexagone pour leurs études ou pour y trouver un emploi, selon une enquête de l’INED sur les Départements et Régions d’Outre‑mer.

Cette « fuite des cerveaux » se voient principalement parmi les plus diplômés. Ceux qui trouvent un emploi après leurs études sur le continent y restent, les autres rentrent, ce qui accentue la crise sociale de l’emploi dans les territoires ultramarins. Ces départs vers l’Hexagone viennent aussi des idées reçues selon lesquelles il y serait plus facile d’étudier ou de trouver un emploi. Ainsi la moitié des jeunes adultes ultramarins se disent prêts à quitter leur territoire sils trouvent un emploi ailleurs. Ils seraient ainsi 67 % à envisager de partir de Martinique, 58 % de Guadeloupe, 56 % de Guyane et 41 % de la Réunion.

Cette « fuite des cerveaux » et cette volonté de la jeunesse ultramarine à vouloir partir témoignent d’un manque d’attractivité des territoires Outre‑mer, qu’il semble urgent de solutionner, au risque de voir la démographie de ces territoires déjà mise à mal.

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