Le titre de notre article peut prêter à un reproche : celui d’exagérer. Or, que ce soit en Guadeloupe, en Martinique, un jour en Guyane (l’étendue du territoire ne va pas freiner le danger puisque seule la bande côtière est soumise aux caprices écologiques des hommes) le danger est là d’une pollution massive et durable.
D’autant que les chiffres présentés, notamment lors du séminaire de Synergîles, mais aussi par la Région Guadeloupe ou l’ADEME, ne sont pas bons.
La Loi NOTRe a confié à la Région Guadeloupe une compétence de planification en matière de gestion des déchets et d’économie circulaire. Le plan régional de prévention et de gestion des déchets qui permet de coordonner les actions menées en matière de déchets à l’horizon 2026-2032, dans une logique de cohérence et d’équilibre territorial.
La collectivité régionale a saisi cette opportunité pour définir « une stratégie ambitieuse et partagée : faire de la Guadeloupe, un archipel zéro déchet en 2035. »
UN PLAN AMBITIEUX
Les enjeux de ce plan sont multiples : réduire la quantité de déchets ménagers produite et les recycler, maîtriser les coûts de gestion des déchets, rééquilibrer le territoire en équipements structurants et répondre aux impératifs d’autonomie énergétique à l’horizon 2030.
Aujourd’hui, deux tiers des déchets de l’archipel sont éliminés sans valorisation. L’idée vertueuse est d’inverser la tendance.
Comment ? Par la construction de nouvelles déchèteries et de trois unités majeures de valorisation des déchets. L’objectif à tenir est de valoriser 89 % des déchets dès 2023 et d’en éliminer environ 30 000 tonnes (contre 260 000 tonnes normalement).
En fait, le plan se donne pour ambitions de réduire de 10% la production de déchets ménagers et assimilés, par habitant, entre 2012 et 2026.
Mais aussi de réduire de 50% la production d’ordures ménagères résiduelles, volume qui passe de près de 146 000 tonnes en 2016 à moins de 70 000 tonnes en 2032.
Encore, et c’est important pour éviter la pollution des sols et la mise en danger des nappes phréatiques, limiter drastiquement l’enfouissement (- 91 % en poids) et orienter 68 % des déchets vers des filières de recyclage et de valorisation matière, et 21% vers de la valorisation énergétique.
Et puis, déployer un programme d’actions en faveur de l’économie dite circulaire pour faire des déchets une ressource créatrice de valeur ajoutée et d’emplois locaux
L’élaboration du plan a été soutenue par les fonds européens et par l’ADEME.
UNE MÉTHODOLOGIE RIGOUREUSE
En fait, le plan répond à des objectifs nationaux.
Que disent-ils ? Qu’il faut donner la priorité à la prévention et à a réduction des déchets en réduisant de 10% les quantités de déchets ménagers et assimilés produits par les habitants et les quantités de déchets provenant des activités économiques par unité de valeur produite.
Qu’il faut lutter contre l’obsolescence programmée des produits manufacturés.
Qu’il faut développer le réemploi et augmenter la quantité de déchets réutilisables (équipements électriques, textiles, éléments d’ameublement par exemple).
Il faut trier à la source, pour pouvoir valoriser au mieux tous les déchets, à tout le moins entre 55 et 65% d’ici 2025.
Pour ce faire, il faut que les citoyens aient à leur disposition des solutions : boites de tri, aire de compost, et que les collectivités locales, par la taxation, encourage les bons gestes.
Les entreprises ne sont pas en reste qui doivent pratiquer la récupération effective des appareils ménagers, des emballages carton et plastiques et leur recyclage ou traitement ; les entreprises de BTP lors des démolitions d’immeubles doivent pouvoir valoriser 70% des déchets.
Le tout étant que les autorités, les collectivités, mettent à leur disposition des installations aux normes ainsi que l’impose l’article L545-1 du Code de l’environnement.
UN ARTICLE FONDAMENTAL
Que dit cet article ? Essentiellement, qu’il faut organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume selon un principe de proximité. Ce principe de proximité consiste à assurer la prévention et la gestion des déchets de manière aussi proche que possible de leur lieu de production afin de permettre de répondre aux enjeux environnementaux tout en contribuant au développement de filières professionnelles locales et pérennes. Le respect de ce principe, et notamment l’échelle territoriale pertinente, s’apprécie en fonction de la nature des déchets considérés, de l’efficacité environnementale et technique, de la viabilité économique des modes de traitement envisagés et disponibles à proximité pour ces déchets, des débouchés existant pour ces flux et des conditions techniques et économiques associées à ces débouchés, dans le respect de la hiérarchie de la gestion des déchets et des règles de concurrence et de libre circulation des marchandises.
De cet article découle la volonté que l’on ne peut contester du président Ary Chalus en Guadeloupe, du président Serge Letchimy en Martinique, de multiplier les déchèteries sur le territoire.
Ces déchèteries jouent un rôle fondamental dans la gestion des déchets ménagers et assimilés pour les collectivités. Les déchèteries sont en effet conçues comme des dispositifs indispensables pour la collecte, la valorisation, le réemploi ou bien l’élimination de déchets spécifiques occasionnels qui ne peuvent faire l’objet d’une collecte ordinaire en raison de leur nature, de leur poids, de leur quantité ou de leur taille.
TAMBOUR BATTANT
La Région Guadeloupe, présidée par Ary Chalus, souhaite donner un coup d’accélérateur à la politique des déchets sur l’archipel.
Pour ce faire, elle finance des installations de déchèteries dans les communes afin de parvenir à un objectif 0 déchet en 2035.
En ce moment, c’est la Basse-Terre qui bénéficie de cette politique hardie, afin que, le plus vite possible, les habitants de toutes les communes de la Basse-Terre puissent avoir, non loin de chez eux, dans ces sites stratégiques, des déchèteries modernes.
Huit déchèteries sont prévues sur les territoires de la Communauté d’agglomération du Nord Basse-Terre et sur celle du Grand Sud Caraïbes.
Si ces installations sont gérées par les communautés d’agglomération, celles-ci n’ont pas la totalité des moyens financiers pour les créer. La Région a décidé, avec le soutien de l’Europe (FEDER), de financer ces installations.
Les équipements de la déchèterie de Baillif, qui devrait être livrée rapidement (fin du dernier trimestre de 2022) — le président Chalus a nettement dit que si le chantier n’est pas livré en temps et en heure, il déclencherait une procéder pour pénalités de retard contre les sociétés qui ont bénéficié des marchés — comprennent 9 quais de déchargement, des belles spécialisées, mais aussi une zone d’apports volontaires avec des bornes dédiées.
Après Pointe-Noire, Bouillante… cette semaine Petit-Bourg, c’est une politique hardie qu’il faut saluer.
André-Jean Vidal
aj.vidal@karibinfo.com