A cause de conditions météorologiques désastreuse, la course ne partira que mardi ou mercredi. 138 voiliers de toutes tailles, de toutes formes quitteront Saint-Malo pour traverser l’Atlantique et gagner Pointe-à-Pitre. Depuis 1978, tous les quatre ans, la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, organisée par OC Sport Pen Duick, est une fête : fête du sport nautique, fête du rhum, fête des Antilles à Saint-Malo.
PAR ANDRÉ-JEAN VIDAL
La Route du Rhum – Destination Guadeloupe, mythique depuis 1978, affiche son optimisme : le vainqueur ne devrait pas mettre plus de 5-6 jours pour rallier Pointe-à-Pitre depuis Saint-Malo.
Le skipper le plus rapide de la traversée de l’Atlantique a mis 7 jours 14 heures 21 minutes et 47 secondes à une moyenne de 23,95 nœuds. C’était Francis Joyon, sur IDEC Sports, en Classe Ultime, vainqueur en 2018 après sa… septième participation.
Cette année, des skippers veulent faire mieux, entrer à leur tour dans l’Histoire (avec un grand H).
138 PARTANTS
42 ans après la première Route du Rhum (le départ a lieu tous les quatre ans), il y aura 138 participants.
Ce qui distingue cette épreuve sportive de très haut niveau de réputation mondiale, c’est qu’elle associe sur une même ligne de départ, pour une même course, des professionnels et des amateurs. Des jeunes skippers (s’ils ont trouvé le financement) et des routiers affûtés comme des lames de Séville ! Il y a aussi des vétérans pas moins ardents que les jeunes pousses.
Tous vont affronter les mêmes mers dures de l’Europe, entre Saint-Malo, le golfe de Gascogne et les Canaries, puis des mers plus calmes, au milieu de l’Atlantique, avant de jouer avec les vents alizés pour venir atterrir sur les côtes de Guadeloupe.
LE DÉFI SPORTIF
Dire que c’est un magnifique défi sportif est banal. C’est une merveilleuse aventure qui dure quatre ans… et quelques jours de traversée : décision, recherche de sponsors, choix d’un bateau, d’occasion ou neuf, recherche de sponsors, d’un chantier pour faire une refonte du bateau qui a déjà couru avec un autre skipper qui l’a vendu pour en acheter un plus grand, plus moderne, choix d’un architecte naval si le bateau est neuf. Et de l’huile de coude.
Le Guadeloupéen Kéni Piperol a participé à la création et à la construction de son bateau, tout en recherchant des financements, fort heureusement soutenu par son ami Didier Delpech, patron de FORE (organisme de formation). Celui-ci, comme à son habitude quand il a une idée en tête, s’est démené pour faire bouger les sponsors potentiels en Guadeloupe. Il a été immédiatement soutenu dans sa démarche par l’Association Walt, structure de promotion de l’Alternance en France et Outre-mer. Le bateau de Kéni Pipérol s’appelle Captain Alternance.
Ensuite, Kéni Piperol, comme les autres skippers (ils sont sept de Guadeloupe) a fait les essais, l’entraînement pour sentir le bateau par tous les temps, puis décroché sa qualification… puis encore participé à quelques courses pour se faire la main en condition de course… Plus muscu, diététique, course à pied.
Plus faire encore un tour des sponsors pour récupérer quelques sous pour un jeu de voile… un vrai défi sportif. Dimanche 6 novembre, un second défi, celui de l’endurance à la fatigue, commencera.
DES DÉBUTS POUSSIFS
Ils étaient une trentaine lors de la première Route du Rhum, en 1978. Partis dans une sorte d’indifférence totale, d’un bord à l’autre de l’Atlantique. Cette épreuve créée pour faire la promotion des rhums des Antilles françaises n’a pas eu les retombées qu’on en attendait. Seul le défi sportif et cette arrivée au finish du Canadien Mike Birch, dépassant le Français Michel Malinovsky dans les derniers mètres, relayé par les télévisions nationales, a eu sa part.
Certes, pour cette première transatlantique française le ministre des Sports, Jean-Pierre Soisson, avait fait le job en venant accueillir… non pas le Français attendu (Cocorico)… mais le Canadien ! Sourire figé.
D’ailleurs, les organisateurs s’attendaient si peu à ce que ce soit quelqu’un d’autre que Michel Malinovsky pour remporter la Route du Rhum… qu’aucune chambre n’avait été réservée pour Mike Birch. Il a fait du stop pour gagner la zone des hôtels au Gosier, abandonné de tous… Jusqu’à ces dernières années, le magnifique marin racontait cette aventure en souriant. Mike Birch nous a quittés mardi soir. RIP.
LA MANNE ÉCONOMIQUE
La seconde édition, puis les éditions suivantes, les rhumiers de Martinique qui n’avaient pas voulu de cette Route du Rhum ont fait sans barguigner l’assaut des bars et restaurants de Saint-Malo pour y installer leurs produits. Le rhum Trois-Rivières se voyait partout…
Aujourd’hui, c’est le rhum Damoiseau qui tient le haut du pavé, présent partout où il faut être. Damoiseau mais aussi Longueteau, Bologne, Reimonenq, les rhums de Marie-Galante, les rhums de Martinique en moindre quantité. Mais tous de très bonne qualité !
Mais, ne vend-on que du rhum ? Non, sur le village à Saint-Malo, pendant une dizaine de jours, 70 000 m2 de quais bordés de 2,5 kilomètres de stands et près de trois millions de visiteurs venus voir les bateaux avant le départ (cette année ils ont le choix, il y en a 138) on vend du rêve (les voiliers vont être de parade tous les jours précédant le départ), et les petits producteurs alimentaires bretons vendent de tout. La manne économique, c’est aussi pour les hôtels, bars, restaurants et commerces de Saint-Malo. Les retombées économiques pour la Bretagne, c’est sans doute plus de 200 millions d’euros en deux semaines. Sans compter les transports pour gagner Saint-Malo : trains, avions…
LE PLUS GRAND ÉVÉNEMENT NAUTIQUE
La manne économique, elle est aussi pour la Guadeloupe. Patrick Vial-Collet, président de la Chambre de commerce territoriale : « Il y a les retombées directes au départ et à l’arrivée et dans les 12 mois qui suivent, c’est-à-dire le chiffre d’affaires généré directement au départ de la Route du Rhum et à l’arrivée et pendant les 15 jours de novembre et puis l’excédent de l’année qui suit par rapport à une année normale. Ceci est lié à la forte communication pour notre archipel qu’il y a pendant trois semaines, un mois. Une communication qui, selon moi, permet de hausser de 5% la fréquentation de la destination l’année suivante. »
La Route du Rhum – Destination Guadeloupe est devenue le plus grand événement nautique au monde. Et ça se termine en Guadeloupe. Malgré les avances faites par d’autres îles voisines… En devenant le partenaire exclusif de la mythique transatlantique, la Région Guadeloupe a évité une entourloupe toujours possible.
Et puis, l’image des îles de Guadeloupe associée à ce Graal génère des recettes sur tout le commerce des produits Guadeloupe à l’export qui est difficile à estimer mais réelle.
Pour la Guadeloupe, on estime les retombées à près de 10 millions d’euros, dont 7 millions de retombées directes et immédiates.
La Route du Rhum, défi sportif, est aussi une bonne affaire !
André-Jean VIDAL