Chantal Ambroise, préfète : « On ne fait pas la révolution en six mois ! »

Chantal Ambroise, préfète en mission, a été chargée par le gouvernement, à la demande du préfet de la Région Guadeloupe Alexandre Rochatte, d’auditer les potentiels de Marie-Galante en matière de développement économique.
En fin de mission, la préfète pourrait être reconduite pour quelques mois à la demande des élus de la Grande Galette.

Vous avez été nommée pour une mission de six mois afin d’auditer ce qui existe en matière de potentialité de développement à Marie-Galante. Qu’avez-vous constaté ?

Il y a beaucoup de bonne volonté autour du développement de Marie-Galante. Les gens sont très investis avec plus ou moins de succès. Des grands projets que l’on connaît n’ont pas eu une longue durée de vie : l’abattoir, la zone d’activités de Grande Anse… mais ils ne sont pas abandonnés pour autant.

Les priorités en fait sont celles du désenclavement, maritime, aérien, numérique. Il y a des projets visant à travailler sur ces sujets pour les améliorer. On ne conçoit pas la suite logique, le développement économique sans ces sujets transversaux.

Une population vieillissante, des jeunes qui vont voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Pas simple… pourtant il y a des potentiels, notamment en matière agricole ou touristique.

Il y a effectivement décroissance et net vieillissement de la population. Les perspectives d’emplois sur l’île restent limitées, avec un développement économique lié à l’agriculture qui a moins d’attraits pour les jeunes. Pourtant, il y a des pistes nouvelles : l’agriculture a évoluée, avec des pratiques agriculturales modernes, il y a des possibilités pour l’agro-transformation.

Mais, Marie-Galante a des potentiels, en matière agricole, touristique, ceci avec un développement maîtrisé. Ce qui n’est pas une idée nouvelle. Il faut préserver l’authenticité. C’est une île où il fait bon vivre, ou l’on vient se ressourcer. En même temps, il y a un besoin d’évasion, de tranquillité, recherchée par les touristes. Il faut prendre le contexte actuel : il faut faire du tourisme un vrai potentiel, une ressource de revenus. D’ailleurs, les Marie-Galantais investissent dans des chambres d’hôtes, des gites. La location de voiture. Il faut, cependant, être professionnel quand on accueille les touristes. Il y a une nécessité de faire du tourisme en répondant à des critères puisque les touristes recherchent une certaine qualité de service que devra offrir encore plus Marie-Galante.

La crise de l’usine sucrière, en 2021, avec la chaudière qui tombe en panne, la récolte qui tombe à l’eau, ont été un vrai électrochoc pour la filière agricole !

En effet. La situation de l’usine sucrière qui emploie 250 salariés, qui fait vivre 1 400 planteurs, sur des superficies qui restent stables, ce qui est un bon point, est à mesurer à l’aune de ce qui s’est passé en 2021 avec cette panne de la chaudière. Il y a eu une crise de conscience qu’il fallait que les acteurs de la filière se ressaisissent autour du développement économique. Les actionnaires de l’usine se sont positionnés pour une modernisation de l’outil industriel et une remise aux normes. Il y a un projet de modernisation d’une trentaine de millions d’euros. La Région entre à l’actionnariat de la société. Que l’usine fume rassure les planteurs et la filière agricole.

Autour de la canne il y a la fabrication du sucre et celle du rhum. Pour ce qui est du sucre, les actionnaires de l’usine veulent faire du sucre à forte valeur ajoutée, ce qu’on appelle des sucres spéciaux. C’est une alternative intéressante. Pour le rhum, il prend naturellement et depuis longtemps sa place sur les différents marchés, notamment à l’international. Ce qu’il faut développer c’est la diversification : le maraichage. La commune de Capesterre a été le jardin de la Guadeloupe.

Des projets sont en cours pour remettre en eau les mares pour faciliter l’élevage, la culture maraichères.

Pour faire de l’agriculture, il faut de l’eau. Marie-Galante connaît d’importantes sécheresses.

Avec le changement climatique, Marie-Galante subit souvent des sècheresses importantes. Des projets sont en cours pour remettre en eau les mares pour faciliter l’élevage, la culture maraichères. Il y a des forages à réhabiliter. Ce sont des pistes qui sont comprises dans les différents projets. Avec une feuille de route qui est le contrat de relance et de transition écologique. Ce sont des pistes évoquées par le rapport d’audit de la mission interministérielle qui avait fait onze recommandations après la crise liée à la panne de chaudière de l’usine en 2021.

Où en est-on pour ce qui concerne l’avenir de la canne, l’avenir de l’agriculture locale ?

Il y a eu plusieurs réunions autour de la filière canne-sucre-rhum. Deux campagnes cannières ont été l’une chaotique, en 2021, l’autre médiocre en 2022, et il faut passer de 40 000 tonnes à 70 000 tonnes de cannes récoltées en 2023. Il y a eu des réunions entre l’usinier, les représentants des planteurs, les syndicats pour se mobiliser et avoir des perspectives de rendement meilleures. Il y a une volonté d’aller vers du mieux, tout en ayant conscience qu’il y a des difficultés : la sècheresse, l’âge des agriculteurs, une moyenne d’âge de 55 ans, des difficultés pour attirer des jeunes dans cette profession. Il y a une plateforme à destination des jeunes, pour les attirer justement. Il y a des mesures d’accompagnement pour ceux qui veulent s’installer, il y a des formations. Et puis, il y a des tiers-lieux autour de l’agriculture, des endroits où se rencontrer pour parler des pratiques et des attentes. A Marie-Galante, il y a des activités autour des fruits, de l’agro-transformation… Ce sont des pistes ouvertes avec une volonté de structurer la demande des professionnels et de leur apporter des réponses. Rien n’est imposé, que ce soit par les collectivités ou l’Etat. Il y a une volonté de réunir des acteurs et de leur demander quelles pistes ils souhaitent voir prospérer. Dès la première réunion, j’ai compris qu’il y a de fortes attentes. A ce premier tiers-lieu, il y avait l’Université, l’INRAE, l’Institut Pasteur. Il y a beaucoup de connaissances, de l’expertise. Il faut que les experts et ceux qui travaillent sur le terrain sachent que cette expertise non négligeable est à leur service.

Que sont les l’objectif pour Marie-Galante ?

C’est de mettre les conditions pour faire de Marie-Galante, terre de grands potentiels, avec le concours de l’Etat et des collectivités, une île où le développement est pris en compte de manière globale pour que tout le monde s’y retrouve. Cet accompagnement est voulu par la Communauté de communes de Marie-Galante, au centre des dispositifs, avec les collectivités en fonction de leurs compétences.

L’Etat continue d’apporter son soutien à la filière agricole. Les discussions pour une convention canne vont débuter en septembre et prendront en compte les résultats des campagnes précédentes et les demandes sur la campagne à venir.

Aujourd’hui, on est en phase de labours et de replantation. Il y a une volonté de préparer activement la prochaine campagne.

La Communauté de communes dans le développement de Marie-Galante fait d’énormes efforts pour mutualiser les moyens humains et matériels.

Et pourquoi pas passer de trois communes à une seule commune ? On a vu des regroupements de communes comme ceci ailleurs.

Le dispositif qui consisterait à faire de trois communes une commune nouvelle existe. Je l’ai fait ailleurs, en Alsace. Mais, la demande doit être portée par les communes et comprise par les élus et la population. Un projet comme celui-ci ne s’impose pas. Il faut que les élus et la population voient les plus. La mutualisation se fait déjà par la Communauté de communes. Cette construction va se faire au rythme des différentes propositions et d’une prise de conscience de l’intérêt qu’il y a de travailler de façon mutualisée. Le projet de halte de plaisance de Saint-Louis en est un exemple : il faut mettre en commun des projets proposés par des privés, la Communauté de communes. Les communes sont dans une situation financière difficile mais il y a des améliorations. Ainsi, la Communauté de communes devrait trouver une situation financière normalisée en 2023. Pour les communes, il faut encore regarder à l’euro près mais la volonté est là.

Les finances nécessaires, ce sont les grandes collectivités. Mais aussi les conditions du développement agricole. Le Département a d’immenses étendues de foncier. Le Département travaille, en ce moment, sur l’identification des terres qui lui appartiennent, ceci de façon à mettre à disposition du foncier. L’étude sera rendue en septembre. De même, l’usine souhaite prendre sa part en mobilisant des planteurs autour de l’unité sucrière. Tout le monde est conscient de la nécessité qu’il y a à agir sur tous les leviers : planter, replanter. Utiliser cette belle expérience des agriculteurs qui sont de bons praticiens. J’ai vu des exploitations d’ananas ou d’autres fruits en Guadeloupe dont les expériences pourraient être transposées à Marie-Galante. Le point de l’eau ne doit pas être un point de blocage. Il faudra être économe sur la question de l’eau. Il faut rechercher des productions économes en eau. Il faudra être astucieux pour recycler l’eau. Les solutions sont déjà mises en œuvre par les planteurs et les acteurs de terrain. Le barrage de Grand Bassin mérite de retrouver son fonctionnement. Il faut optimiser les ressources en eau.

Il faut développer le tourisme, mais pas un tourisme de masse.

Tout à fait. Il faut développer le tourisme. Il y a environ 100 000 touristes chaque année à Marie-Galante. Les établissements hôteliers sont de bonne qualité et répondent aux standards de trois étoiles. Il y a des projets en cours. Des résidences hôtelières vont être livrées prochainement. L’offre hôtelière mérite de se développer car l’offre d’hébergement ne peut pas se contenter de chambres d’hôtes. La partie restauration s’est développée, avec de bonnes prestations. Ce qu’il faut, c’est augmenter la durée de séjour. Il y a un travail à faire sur la desserte avec plus de navettes, en y incluant un départ à midi, un retour de la desserte aérienne aussi puisqu’il y a une demande réelle. Le département a été sensibilisé à cette question. Qu’est-ce qu’on veut, avec qui ? Aujourd’hui, quel que soit le type d’avion qui desservira Marie-Galante, ce sera un plus.

Former les jeunes c’est aussi une priorité. A-t-on les moyens de le faire ?

Oui. Concernant la formation, il y a un lycée polyvalent, la Maison familiale et rurale, bientôt Saint-Jean Bosco devrait être un partenaire du tiers-lieu. Il y a aussi, ce n’est qu’un exemple de ce qui peut être fait, une nouvelle formation mise en place par le Pôle Emploi pour faire découvrir les filières autour du rhum et des alcools pour former des serveurs d’hôtels et restaurants.

On ne peut pas faire de tourisme sans avoir un territoire sûr. Qu’en est-il à Marie-galante ?

Pour ce qui est de la sécurité, j’ai eu des échanges avec la gendarmerie sur place et avec le commandement de la gendarmerie. Marie-Galante, hormis quelques épiphénomènes, est une île sûre où la délinquance est rare. C’est une petite île, tout le monde se connaît.

De même, l’immigration clandestine est jugulée : il y a des contrôles de gendarmerie, des contrôles douaniers pour tout ce qui peut être vecteur de troubles. On peut difficilement avoir des activités délictuelles sur un aussi petit territoire sans que tout le monde soit au courant.

Quelles préconisations feriez-vous pour développer Marie-Galante ?

J’en suis à la phase de diagnostic. Préconiser me semble un peu hâtif. Ce que je peux dire c’est qu’il y a une prise de conscience de tous qu’il faut construire un avenir pour Marie-Galante. Les acteurs locaux sont dans l’attente que cette prise de conscience soit officiellement reconnue. Ma prise de fonction, cette mission, les a rassurés. Ils savent bien qu’on ne fait pas la révolution en six mois mais c’est un point fort. Il y a besoin de coordonner l’action des différents acteurs : Etat, Région, Département, et de mettre tous les acteurs en phase. Ils le sont sur le foncier, la partie loisirs sur Saint-Louis, Grand-Bourg revoit tout son aménagement devant la gare maritime. Il y a des projets comme la halle aux poissons. Il y a cette volonté forte d’avancer. Il y a le problème des sargasses sur Capesterre, qu’il faut résoudre. Capesterre c’est 40% de l’échouage des sargasses en Guadeloupe. Mais, il y a des dispositifs pour pallier cet inconvénient : digue, barrage flottant, c’est en cours d’étude. En attendant, il y a le plan Sargasses II.

Les difficultés liées au numérique existent. Il ne faut pas le nier. Nous comptons beaucoup sur la fibre pour améliorer la technique et la qualité de service. Le câble sous-marin est posé.  Il faut les raccordements, amener la fibre à cent mètres devant chaque maison. Le diagnostic est posé, en concertation avec tous les acteurs. La volonté est là d’avoir un développement harmonieux, intégré à Marie-Galante.

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