On l’a beaucoup vu sur le terrain, dans les décombres, avec la population sinistrée après le passage de la tempête tropicale Fiona. Puis, descendre de l’avion qui emmenait le ministre délégué, chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco. Il a obtenu en se déplaçant deux jours à Paris, rencontrant les ministres, le déclenchement d’urgence de l’état de catastrophe naturelle pour les communes 22 impactées. Depuis, il affirme et réaffirme la nécessité d’un plan de reconstruction de grande envergure, soutenu par le gouvernement et ses alliés politiques locaux. Entretien.
Le passage de Fiona a révélé des failles : routes fragilisées, ponts souvent anciens et peu entretenus. On ne développe pas un pays si un coup de vent bloque les déplacements. Le réseau routier est à améliorer. Comment le rendre plus fiable ?
L’épisode cyclonique que nous avons connu est un épisode sans précédent. De mémoire d’observateur, on n’a jamais vu une telle quantité de pluie sur la Guadeloupe en si peu de temps.
Partout où la tempête Fiona est passée, on constate le même spectacle de désolation après son passage.
Les conséquences de cette tempête ont été désastreuses, pour notre population et pour les infrastructures du territoire.
Pour notre population, d’abord, car nous déplorons un décès et nos pensées vont vers cette famille à qui nous avons pu démontrer notre soutien.
Puis, pour les infrastructures, avec des routes départementales, nationales, des ponts et des infrastructures portuaires qui ont été durement touchés et éprouvés par la tempête.
Dès le samedi 17 septembre, les équipes départementales, en partenariat avec Routes de Guadeloupe, opérateur que nous avons créé avec la collectivité régionale, étaient sur le terrain afin de rétablir la circulation.
Passé le temps de l’urgence, il est désormais nécessaire d’effectuer un travail approfondi s’agissant de nos infrastructures et de nos réseaux routiers.
Chaque Guadeloupéen doit prendre conscience qu’on ne peut pas construire n’importe où n’importe comment. »
Comment ?
C’est le sens que je veux donner à travers la mise en place d’un Plan de reconstruction de grande envergure, qui visera notamment à engager une expertise sur les ouvrages du réseau routier qui ont été fragilisées et assurer la conduite de travaux de fond. Il faut réparer ce qui est visible mais aussi expertiser ce qu’on ne voit pas forcément.
Reconstruire oui, mais de manière plus intelligente, plus durable et en parfaite cohérence avec les spécificités et la géographie du territoire. C’est là, notre priorité.
Cinq jours après le passage de la tempête tropicale, 80 000 foyers n’avaient toujours pas d’eau. Le SMGEAG est-il à la hauteur des attentes ? Vous qui aimez l’efficacité, que proposez-vous pour que l’eau coule naturellement des robinets dans tout l’archipel ?
Face à la tempête Fiona, la collectivité départementale, comme d’autres collectivités, s’est attelée à gérer l’urgence : accompagner les familles, assurer le relogement de la population, garantir la distribution de fournitures scolaires, apporter une aide financière à travers le fonds de secours de la collectivité et bien sûr, trouver des solutions à la problématique de l’eau.
Nous savons tous que le SMGEAG, qui est une jeune structure, doit renforcer son organisation interne et son administration. C’est ce à quoi nous nous employons avec le concours de l’État, la Région et les EPCI, afin notamment de renforcer son ingénierie (ressources humaines, techniques) et de garantir sa capacité financière d’intervention.
Les travaux à réaliser sont colossaux – il y a des dizaines de kilomètres de canalisation à changer, des canalisations sous-marines à réparer, des milliers de fuites à colmater, bref.. Toute une organisation hydraulique à revoir.
C’est le sens de l’action que je mène en lien avec le ministre délégué aux Outre-mer et le gouvernement, à travers la mise à jour du programme pluriannuel d’investissement du SMGEAG.
L’accès à une eau de qualité en tous points du territoire : c’est ma préoccupation première et l’un des objectifs phares de notre Plan de Mandature 2021-2028. Nous poursuivrons le travail effectué depuis ces nombreux mois afin de donner de l’eau à tous les Guadeloupéens.
Fiona a touché certains quartiers de la Guadeloupe où l’on n’aurait peut-être pas dû laisser construire. Ne faudrait-il pas une politique d’aménagement hardie qui sécuriserait les bourgs et les sections ?
L’aménagement du territoire est une question qui concerne de nombreux acteurs.
Dès cette semaine, nous avons engagé des discussions afin de garantir le relogement des populations impactées par la tempête.
Il faudra nécessairement poursuivre les discussions avec les collectivités et les bailleurs sociaux afin de repenser notre politique d’aménagement, dans les bourgs, les sections et les campagnes.
Nous devons aujourd’hui changer notre manière de voir notre environnement : l’urbanisme doit s’adapter aux contraintes climatiques et aux risques majeurs auxquels nous sommes exposés.
Chaque Guadeloupéen doit aussi prendre conscience qu’on ne peut pas construire n’importe où n’importe comment.
Une politique d’aménagement cohérente et adaptée au changement climatique, ce sont des initiatives qui favorisent les conditions de vie des habitants, qui replacent les familles dans des « cœur de ville » intelligents, accordant une importance à la mobilité douce et qui soient en cohérence avec les politiques de gestion et de prévention des inondations.
L’économie c’est aussi les petits artisans, les agriculteurs et éleveurs, les marins pêcheurs. C’est toute une partie de la Guadeloupe qui souvent, quand il y a crise, voient que ce sont « les gros » qui sont indemnisés, aidés. Comment leur redonner réellement espoir ? Et donner envie aux jeunes générations ?
L’indemnisation doit concerner toutes les personnes qui ont été impactées par la tempête Fiona, sans distinction. Le Département, collectivité des solidarités, a d’ailleurs agi dès le samedi 17 septembre en mettant en place un fonds de secours afin d’aider financièrement les personnes impactées par la tempête. En appelant un numéro vert (0800 222 333), nous échangeons sur la situation de l’administré afin de l’accompagner au mieux. Au 20 septembre, nous avions près de 700 appels reçus.
Plus qu’une aide ponctuelle, notamment aux familles, il sera nécessaire d’accompagner tous les acteurs du territoire (entreprises, agriculteurs, pêcheurs) afin d’établir un véritable programme d’actions de relance de l’économie. Ces concertations nous permettrons de co-construire le Plan de reconstruction qui devra accompagner la relance de tous les acteurs de notre territoire.
« La situation dans laquelle nous nous trouvons me conforte
dans le chemin que nous empruntons aujourd’hui
en matière de transfert de compétences. »
Pour tout ceci, il faut des compétences nouvelles et des moyens financiers. Quelles seraient vos propositions à vos partenaires politiques naturels que sont l’État et la Région ?
La situation dans laquelle nous nous trouvons me conforte dans le chemin que nous empruntons aujourd’hui en matière de transfert de compétences.
Une domiciliation du pouvoir au niveau local, c’est avoir la capacité de repenser notre manière d’habiter et de décider des politiques d’aménagement en fonction de nos spécificités propres.
Nous devons plus que jamais poursuivre le dialogue engagé avec l’État et la Région sur l’évolution institutionnelle et le transfert de certaines compétences au niveau local.
C’est l’engagement que j’ai pris auprès de la population et que je poursuis dans mes échanges avec le ministre délégué aux Outre-mer et le président de la République. Nous poursuivrons nos efforts sans relâche, en collaboration avec les collectivités et les élus de la Guadeloupe.
Mais, la priorité pour le moment, c’est d’accompagner les Guadeloupéens en détresse, les mettre en sécurité pour les aider à retrouver une vie normale.
La Guadeloupe a toujours su faire preuve de résilience. Ensemble, nous nous relèverons !