Politique. Une plénière du Département sous le signe de l’après-Fiona et de la reconstruction

La plénière du Conseil départemental se tient ce mardi 27 septembre, sous la présidence du président Guy Losbar. Les élus arrivent peu à peu, un chantier de nettoyage de la route et ses abords ralentit fortement la circulation qui se fait sur une seule voie, au niveau de la sortie de Bananiers, à Capesterre Belle-Eau.

Ils sont venus, ils sont — presque — tous là ! La plénière peut commencer.

Plénière consacrée aux finances du département. Elis califer, président de la Commission des Finances, relit son discours, stylo en main. On n’a pas été enseignant toute sa vie sans qu’il en reste quelque chose : le sens de la phrase, le goût du « sans-faute. »

L’appel est fait. 26 élus, le quorum est atteint. Certains élus se sont fait représenter. D’autres changent de place pour être dans l’axe du président, en occupant les fauteuils vides.

Le budget supplémentaire — qui s’établit à plus de 221M€ en dépenses et en recettes —sera passé au peigne fin par le président Califer. Et voté sans contestation.

Un nouveau venu. Eric Latchoumanin remplace Christian Baptiste, conseiller départemental de Sainte-Anne, devenu député. Il va le remplacer, précise Guy Losbar, dans toutes les fonctions et représentations occupées précédemment par l’ancien maire de Sainte-Anne.

« Contexte pesant », « période extrêmement difficile, « lourd tribut dont la Guadeloupe porte encore les stigmates. » Les mots du discours introduisant la plénière sont choisis et rendent compte du moment.

« Nous manifesterons, dit le président Losbar, notre solidarité envers la famille du disparu de Rivière-des-Pères, Etienne jean-Baptiste, par une minute de silence. »

Une minute de silence, pleine de gravité. Les regards sont dans le vague, il y a des têtes baissées.

Une minute de silence pour le disparu de Rivière-des-Pères. @CD971 – BMV

Guy Losbar rend hommage à tous ceux qui œuvrent encore pour réparer les dommages, humains et matériels, humains parce qu’il y a encore des sinistrés directs de la tempête Fiona, mais aussi des victimes collatérales, tous ceux qui, au travers de l’archipel, n’ont pas d’eau.

Matériels parce que des routes sont endommagées, comme des ouvrages d’art, ponts, ponceaux, gués. Quelques bâtiments publics (et privés) ont été ébranlés.

Le discours.

« La Guadeloupe paie un lourd tribut à l’issue du passage de la tempête Fiona… »

Le président Losbar détaille : « Ce sont des centaines de familles qui sont sinistrées et qui pour certaines ont quasiment tout perdu, Ce sont des enfants privés de matériel pour poursuivre leur scolarité,
Ce sont des milliers de guadeloupéens privés d’eau et d’électricité, Ce sont des chefs d’entreprise dont l’activité se retrouve quasiment à l’arrêt du fait de la perte de tout ou partie de leur matériel de production, ou parce que leur entreprise se trouve subitement enclavée,
Ce sont des routes et des ponts désormais impraticables, à rivière des pères à Basse Terre, à Goyave ou au gué de saint louis,
Ce sont des ouvrages d’art, des ports et des routes qui ont été fragilisés par ces intempéries exceptionnelles, Ce sont des bâtiments publics qui sont endommagés… »

« Nous mobiliser collectivement
pour la reconstruction »

Guy Losbar a lancé l’idée, au vu des conséquences désastreuses de la simple tempête tropicale qu’était Fiona, d’entreprendre la reconstruction de la Guadeloupe.

« Au-delà des urgences et de la gestion de crise, nous devons désormais nous mobiliser collectivement pour la reconstruction !

Cela signifie tout d’abord, que nous allons devoir adapter le budget départemental pour faire face aux enjeux de la reconstruction, dans le cadre de la Décision Modificative que nous examinerons au mois d’octobre.

Je pense aux 530 000€ supplémentaires que nous mobiliserons avec le concours de l’État au titre du fonds de secours pour les besoins de première nécessité et de relogement des foyers sinistrés.

Je pense à l’accompagnement en ingénierie que nous prodiguons aux communes sinistrées pour chiffrer les besoins en réparation et lister les grands travaux à réaliser et pour lesquels nous mobiliserons le Fonds d’Aide aux Communes dans le cadre de l’élaboration des Contrats de Péyi.

Je pense aux travaux d’urgence pour rétablir des voies de circulation et sécuriser des ouvrages d’art qui nous conduiront à revoir le périmètre de notre section d’investissement.

Je pense à la mobilisation inédite de crédits, notamment via l’Office de l’eau, pour accompagner le SMGEAG à rétablir un service public d’eau et d’assainissement digne de ce nom.

Oui mes chers collègues, nous mobiliser collectivement pour reconstruire la Guadeloupe, cela signifie surtout que les pouvoirs publics, État, Région, Département, EPCI, Communes, doivent plus que jamais mutualiser leurs efforts et leur vision !

Cela signifie que nous devons élaborer conjointement un plan de reconstruction de grande envergure, évalué à plus d’un milliard d’euros à ce stade, qui nous permettra de rétablir des infrastructures totalement sécurisées et performantes. »

« Cette stratégie territoriale doit surtout
nous pousser à agir collectivement et autrement ! »

Comment engager ce plan d’un milliard d’euros ? Le président du Conseil départemental répond : « Le plan de reconstruction doit être adossé à l’élaboration d’une véritable stratégie territoriale, que j’appelle plus que jamais de mes vœux.

Penser une véritable stratégie territoriale, c’est toute l’ambition que nous portons pour l’action départementale au travers du plan de mandature qui fixe notre cap collectif jusqu’à 2028 !

Penser une véritable stratégie territoriale, c’est poursuivre la belle démarche que nous avons initiée avec le président Chalus et l’assemblée régionale dans le cadre du contrat de gouvernance concertée.

C’est tout le sens du travail entamé sous l’égide des commission mixtes région-département et que nous allons intensifier dans les semaines à venir en concertation avec les communes, les EPCI et les acteurs du territoire.

Vous l’aurez compris, mes cher-e-s collègues, et le contexte nous y oblige, cette stratégie territoriale doit surtout nous pousser à agir collectivement et autrement !

Nous devons plus que jamais tirer les enseignements des erreurs du passé et agir différemment !

Cela signifie que nous devons revoir profondément notre manière de vivre et d’habiter le pays !

Cela signifie que les règles de construction et d’urbanisme doivent être davantage et mieux adaptées aux risques majeurs auxquels notre territoire est régulièrement soumis ! »

« Tirer les enseignements du passé c’est prendre enfin conscience que nous devons habiter ce pays de Guadeloupe différemment ! »

« Je crois sincèrement que le contexte
est particulièrement favorable ! »

Vous le savez, je suis quelqu’un de résolument optimiste !
Et le sens même de mon engagement en politique c’est précisément de créer les conditions d’un meilleur épanouissement de nos compatriotes, et d’un développement toujours plus harmonieux de notre territoire.
Au risque de vous surprendre, je crois sincèrement que le contexte est particulièrement favorable !
Il nous appartient de nous retrousser les manches pour fixer ensemble le cap de notre ambition collective, au- delà de cet hémicycle !
Il nous appartient de mutualiser nos efforts, région, département, EPCI, communes et de nous concerter avec les acteurs du territoire !
Oui le contexte est favorable, et les récentes séances de travail avec le ministre délégué aux Outre-mer, avec le ministre de l’Intérieur, avec la Première ministre et le président de la République confirment que le plus haut niveau de l’État est à l’écoute de nos propositions. Qu’il s’agisse du financement des grands projets du territoire au travers du Contrat de Convergence et de Transition dont nous avons obtenu qu’il soit prolongé,
Qu’il s’agisse de la question de nos institutions, pour laquelle « il n’y a aucun sujet tabou » pour reprendre les termes du président Macron, 2023 sera résolument une année de concertation et de planification de notre ambition collective pour le pays !
Une année cruciale dont il appartient à chacun de nous de faire qu’elle soit une année résolument utile pour le pays ! »

Mais encore :

. Retarder la rentrée pour qu’elle soit en octobre, « le mois de septembre étant celui des ouragans »

. Travailler sur la sensibilisation aux risques majeurs

. Faire un audit des voies de communication pour les intégrer dans un vaste plan de reconstruction de la Guadeloupe.

Ce sont des pistes lancées par le président du Conseil départemental.

Il faut mettre de côté (le président utilise le mot « enjamber ») les ambitions personnelles pour penser Guadeloupe et agir Guadeloupe, rappelle-t-il.

Il invite ensuite le nouveau conseiller départemental, Eric Latchoumanin à prendre la parole.

Elie Califer, président de la Commission des Finances, égrène des litanies de chiffres, y compris les centimes d’euros après la virgule. On sent qu’il y a pris plaisir au moment de la rédaction, moins à la restitution. Le compte administratif (CA) a de beaux restes… à réaliser.

Le budget supplémentaire est nettement plus intéressant. L’affectation des résultats du CA permet d’avoir un fonds de roulement à 151 millions et quelques. Les restes à réaliser 164 millions en dépenses, et 53 millions en recettes. Et les chiffres défilent…

Le budget du Département se monte à 1,118 milliard « injectés dans notre économie », précise-t-il.

Des chiffres, des chiffres… (voir le détail plus bas).

« La tempête a permis de constater la solidarité locale et nationale. Le fonds de solidarité Outre-mer doit être abondé. Le Plan de reconstruction reposera sur une stratégie territoriale », rappelle-on encore.

Ils ont dit

Adrien Baron, vice-président du conseil départemental, maire de Sainte-Rose, rappelle sa solidarité. « Le Conseil départemental a été très réactif, le président, les services, l’ensemble du dispositif du CD, ce qui n’est pas toujours pareil partout. »

Elie califer : « Nous avons encore des personnes dans les communes qui viennent nous signaler des dégâts. Nous ferons en sorte que les dossiers en retard soient retenus. »

Il demande que le président Losbar quantifie le fond de secours, ce qui a été fait et peut encore être fait par le Département pour aider les sinistrés.

Il rappelle ce qui a été fait pour Maria.

« Très tôt nous avons mis en place le fond de secours, avec un numéro vert. Ce qui est important, c’est que les dégâts dans les communes soient recensés par des assistantes sociales que le Département a positionnées dans les CCASS. De plus, 5 personnes sont dédiées à l’étude des dossiers. Le fonds de secours qui était de 300 euros est passé à 700 euros. Nous avons mis en place un dispositif pour nettoyer… Un autre dispositif pour aider les sinistrés. Des psychologues ont été dépêchés dans certaines communes. Les premiers travaux seront remboursés à 80% par l’Etat pour remettre en état. Pour la reconstruction, il faut travailler ensemble, définir les besoins, éviter de retraiter les financements déjà prévus… », rappelle Guy Losbar.

Marie-Yveline Pontchâteau, conseillère départementale et maire de Bailif : « Concernant la voirie communale, les fonds mis à disposition… » Bref, l’élue de Baillif collecte des devis pour voir combien Fiona va coûter à sa commune sinistrée. Comment va-t-on l’aider ? Et qui ?

Guy Losbar : « L’Etat a demandé très rapidement des évaluations. Trois jours, c’est rapide ! Il y a eu des évaluations globales, mais des constats de ce qui a été endommagé se feront au fur et à mesure, ce qui va nourrir ensuite le plan de reconstruction financé par l’Europe, l’Etat, les collectivités… »

André-Jean VIDAL

Comment utiliser au mieux
les ports départementaux ?

Jean Dartron a présenté au cours de la plénière l’avancée des travaux du Schéma portuaire départemental. Car, le Département est propriétaire de 21 ports départementaux, dans la quasi-totalité des communes de Guadeloupe. 5 ports ont bénéficié de financements, 4 autres en voie de le faire.

Il faut les utiliser stratégiquement. « Il faut une harmonisation de nos ports », dit Jean Dartron.

Deux points :
. mise en valeur et partage des résultats et diagnostics (communes et EPCI)
. participation active des conseils portuaires pour élaborer le nouveau projet pour que d’ici 2027 l’ensemble des 21 ports aient profité du schéma.

Une étude est présentée par un prestataire qui a fait un audit de chaque port. Le but est de faire un état des lieux, de voir les orientations stratégiques et de concrétiser avec un schéma des ports.

7 enjeux

L’expert énumère les enjeux :

. patrimoniaux (besoin de remise en état) : 22 millions d’euros
. réglementation portuaire, occupation du domaine public sans droit ni titre
. économiques et financiers (gestion, développement)
. environnementaux (gestion des déchets, etc.
. filière pêche (accueil des pêcheurs, machines à glace, zone technique, vente…)
. transport de passagers et de marchandises (accueil des voyageurs, fret…)
. tourisme/loisirs/plaisance (mieux l’organiser).

Il y a, dit l’expert, un besoin de mise à niveau, penser à l’occupation des espaces portuaires départementaux, envisager des recettes, etc.
il chiffres à 60 millions d’euros pour répondre à l’ensemble des enjeux.

Quatre propositions

L’expert propose :
. Budget annexe à celui du Département
. Marque forte (Label Ports de Guadeloupe)
. Plan pluriannuel d’investissement
. Pôle de gestion des ports

Quatre piliers d’action

L’expert a identifié quatre piliers d’actions :
. optimiser la gestion
. remettre en état
. améliorer le niveau de service (standards professionnels)
. programmer des besoins identifiés

L’étude se poursuit. Le 21 octobre, le projet devrait être disponible pour préparer le plan d’action et le schéma, la feuille de route pour le Département.

En mai 2023, selon Jean Dartron, « on devrait passer à la phase 3. »

« Il serait judicieux de voir sur la commune de Basse-Terre comment nous pourrions retrouver notre petit ponton, qu’il soit départemental ou régional… », intervient Brigitte Rodes, conseillère départementale de Basse-Terre/Saint-Claude.

« Ça va de soi que les ports qui ne sont pas des ports départementaux seront pris en compte… », répond Jean Dartron.

Parlons chiffres

Le Budget Supplémentaire 2021, arrêté à 221,5 M€, prenant appui sur le résultat du Compte administratif 2021 d’un montant de 41 M€, porte le budget total du Département pour l’exercice 2022 à plus d’un milliard d’euros (1,12 Md).

Afin d’accompagner la famille guadeloupéenne, le Département consacre l’essentiel de ses dépenses de fonctionnement à des actions de solidarité sous diverses formes :
• Abondement des crédits du Revenu de Solidarité Active (RSA) avec une enveloppe
de 2,9 M€.
• Une enveloppe supplémentaire de 2,55 M€ pour le soutien aux familles et à la jeunesse dont principalement 2,2 M€ pour la Maison Départementale de l’Enfance et 0,05 M€ de participation à la tarification des établissements accueillant des enfants à l’instar des foyers, centres maternels et maisons d’enfants à caractère social.
• 0,9 M€ destinés à l’accompagnement des personnes handicapées et notamment le rattrapage de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH).

Soucieux de poursuivre son engagement en faveur du soutien à l’économie guadeloupéenne, le Conseil Départemental maintient ses dépenses d’équipement à un niveau élevé (+42,2 M€ inscrits dans le Budget Supplémentaire).
• 13,3 M€ pour les routes, destinés à permettre la poursuite des travaux d’entretien et de sécurisation du réseau, et spécifiquement 2,5 M€ pour des travaux de réalisation de pistes cyclables en complément à la commune de Saint-François.
• 9,6 M€ pour les travaux dans les bâtiments dont 7,8 M€ pour les collèges et 1,1 M€ pour les travaux à réaliser au Parc des Roches Gravées.
• 2 M€ pour les équipements portuaires dont 1 M€ dédié au port de Grand-Bourg pour la création d’un skate parc et 0,4 M€ de travaux divers.
• Des enveloppes supplémentaires sont également prévues pour l’entretien de certaines infrastructures tels que les bâtiments (0,12 M€), les routes (0,45 M€) et le ramassage des sargasses (0,55 M€).
• 0,7 M€ pour les équipements portuaires destinés à l’aérodrome de La Désirade.

L’après-Fiona : les engagements du département

Dans le cadre de la Décision Modificative au mois d’octobre, le budget départemental sera adapté afin de faire face aux enjeux de la reconstruction suite au passage de la tempête Fiona :
• 530 000 € supplémentaires avec le concours de l’Etat au titre du Fonds de secours pour les besoins de première nécessité et de relogement des foyers sinistrés.
• Un accompagnement en ingénierie aux communes sinistrées pour chiffrer les besoins en réparation et lister les grands travaux à réaliser et pour lesquels le Département mobilisera le Fonds d’Aide aux Communes dans le cadre de l’élaboration des Contrats de Péyi.
• Des travaux d’urgence pour rétablir des voies de circulation et sécuriser des ouvrages d’art qui conduiront le Département à revoir le périmètre de sa section d’investissement.
• Une mobilisation inédite de crédits, notamment via l’Office de l’eau, « pour accompagner le SMGEAG à rétablir un service public d’eau et d’assainissement digne de ce nom », a commenté le président Losbar.

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