Opinion. Respectons-nous !

PAR DIDIER DESTOUCHES*

Est-ce que le fait d’être un scientifique ou spécialiste commentateur de l’actualité et donc d’être une personnalité médiatique vous autorise à juger, critiquer, relativiser ou dénoncer en argumentant ?

Bien sûr que oui. Sans perspectives éthiques et philosophiques, l’analyse n’a ni sens ni sève. Et l’expertise ne dessaisit jamais le commentateur de son humanité. De même que son niveau d’études et son métier n’en font pas un prophète ou un oracle doté d’une parole toute puissante.

Il ou elle peut se tromper, ou penser contre la majorité ou avec elle puis faire l’inverse à une autre occasion. Rien n’est figé dans le marbre en matière de sciences de la société.

En revanche, l’avis d’un commentateur ne devrait jamais sombrer dans le dénigrement, l’insulte, le manque de respect, le déni de réalité, et la stigmatisation. Et cela qu’il ou elle soit universitaire, écrivain, intellectuel, blogueurs, you tubeur, influenceur, journaliste ou simple citoyen.

Le monde évolue et chacun a son rôle à jouer dans une Démocratie. Le débat contradictoire est une chose saine et vitale. Le bashing ou l’invective ne le sont pas !

Soyons lucides, il y a de quoi être très inquiet sur ce que nous faisons de nos rapports humains…

Combien d’élus, décideurs, leaders d’opinions ne se supportent plus et ne peuvent même pas concevoir d’échanger malgré leurs divergences. Il semble que la plupart d’entre nous préférons rester dans une conflictualité systématique qui deviendrait presque réconfortante dans ce climat anxiogène et propice à tant de frustration.

De la suspicion et de la méfiance mais surtout de la défiance vis-à-vis de ceux dont le rôle n’est que servir à améliorer le niveau d’informations fiables et de connaissances. Pourtant, au-delà des divergences d’opinions, nous devons nous discipliner pour être plus nobles dans nos attitudes sur les réseaux et savoir nous mettre à la place de l’autre pour le comprendre plutôt que le combattre.

Pa ni moun ki pli moun ki on dôt moun !

La simple rancoeur post-électorale de certains les ont poussés à montrer leur hostilité au peuple. Mais ils sont dans le peuple ! D’autres s’érigent en gardien ou porte-parole exclusif du peuple mais le peuple n’est pas monolithique. Il est divers.

Comment expliquer que certains n’hésitent pas à publiquement nier le travail effectué par des universitaires ou écrivains (dont je fais partie) et prétendent que nous ne faisons rien, que nous n’écrivons rien et que nous ne servons à rien ? Ont-ils seulement été en librairie ces derniers temps, où prennent-ils une revanche sur fond de vote Le Pen pour on ne sait quelle offense imaginaire.

Comment expliquer que d’autres refusent des propositions d’analyses sous prétexte que le simple fait d’être professionnellement apte à les faire nous discrédite aux yeux du peuple ?

Le nombre parfois élevé de likes ne fait pas de vous le porte-parole d’une majorité. Tout le monde n’est pas sur les réseaux sociaux… Profiter d’une audience médiatique ou sur réseaux pour clasher, insulter, et diaboliser est un acte vil, grave et déshumanisant pour son auteur et ses partisans.

La liberté d’expression à l’heure des réseaux sociaux est aussi un pouvoir. Elle implique donc des responsabilités. En ce moment les écrits, audios et vidéos se multiplient pour créer un bashing anti-intellectuel (y compris de la part d’autres intellectuels).

Du coup on serait pour la plupart d’entre-nous devenus nuisibles et parasites au sein du peuple. Nous sommes injuriés et calomniés, et nos noms, traînés dans la boue.

Des « fatwas » sont lancés suite à nos analyses (parfois critiques, parfois relativisantes ) du vote RN. Des généralisations de comportements outranciers regrettables nous mettent hélas tous dans le même sac d’indignité et de mépris.

Je ne vais pas m’exprimer ici au nom de tous mes collègues ou des « intellectuels », mais je vais juste préciser une chose me concernant. Ce que je fais, je le fais avec plaisir et honneur et n’en déplaise à certains, au service de mon pays, de mon peuple et d’une vision de l’avenir de notre société et du vivre ensemble ; mais aussi du rôle de la science, de l’éthique et de la raison en leur sein.

Je continuerai à le faire sans relâche, et sans insulter, mépriser, invectiver et dénigrer qui que ce soit avec lequel je ne serai pas d’accord. Il y en a beaucoup trop qui jubilent et savourent le fait que nous Guadeloupéens, soyons dans les divisions, l’auto-dénigrement et le chiraj permanent. Ceci n’est pas une fatalité !

Nous pouvons et devons nous respecter et dialoguer sans excès de langages ou de postures. Sans injures, sans haine et surtout sans peur… L’avenir est entre nos mains. Il sera le reflet de l’image que nous aurons donné de nos actes et de nos propos aux générations qui viennent.

*Universitaire, poète et essayiste
Auteur de Discours sur le néo-racisme, République à bout de souffle, Manifeste pour l’autonomie alimentaire, Solaires, Caramel Blues.

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