Marine le Pen plébiscitée par les Outre-mer ? Les élus nationaux n’en sont pas étonnés. Ils l’affirment, les gens n’ont pas voté pour Marine le Pen, ils ont voté contre Emmanuel Macron.
Au premier tour, ils avaient fait la même chose en votant pour Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci éliminé, ils n’avait pas d’autre choix que voter Marine le Pen.
Pourquoi ? Parce que le chef de l’Etat et sa politique n’ont pas épargné les Outre-mer. Ces Outre-mer dont ils ont senti, dès les débuts de son mandat — et quoi qu’il ait pu faire par la suite pour donner le change — n’étaient pas sa priorité. Et puis, il a tenu la dragée haute aux élus, les a humiliés, leur a fait perdre la face en les maltraitant tout au long de sa mandature… jusqu’à il y a peu. Peu de temps avant la campagne, quand il a eu besoin d’eux pour tenter de faire passer des messages, il les a cajolés. Mais, ils n’était plus audibles. Ils le savent qui ont mené une campagne timide pour sa réélection, sur des places publiques vides… D’ailleurs, se sont-ils réjouis de sa victoire ? Ont-il clamé leur plaisir ?
A Paris, les grands élus, des sénateurs, ont dit leur sentiment. Pour Public Sénat, des élus ont parlé. « On le savait depuis très longtemps, si vous prenez la chronique de ces cinq dernières années dans les hémicycles. On leur disait : vous préparez une catastrophe. Ils ne nous ont pas écoutés. Le gouvernement, et singulièrement le président de la République, ont sous-estimé le malaise », a témoigné Victorin Lurel, sénateur socialiste de la Guadeloupe. « Ils », ce sont le chef de l’Etat, ses Premiers ministres, son dernier ministre des Outre-mer de la première mandature.
Victoire Jasmin, la seule sénatrice de Guadeloupe à avoir voté contre la vaccination obligatoire des soignants, allant avec courage à l’encontre des directives de son parti, le PS, dit encore : « C’est le rejet de la politique menée pendant cinq ans. On voit que c’est un vote de sanction. »
« C’est très préoccupant, ajoute-t-elle. C’est un véritable rejet qui traduit une grande souffrance et une précarité qui augmente. C’est un électrochoc. Je suis triste car cette situation est presque irréversible. », s’inquiète-t-elle. Elle parle là de la maltraitante vécue par des hommes et des femmes qui vivent de plus en plus dans un climat de paupérisation ambiante.
Entre novembre et janvier, des émeutes ont paralysé la Guadeloupe au prétexte qu’on voulait vacciner les soignants et que ceux-ci allaient être suspendus au 31 décembre 2021. Malheureusement, dès novembre, zélée, la direction du CHU de la Guadeloupe a envoyé les premières lettres de suspension. Passant outre la décision du Premier ministre. Et la rue n’a pas apprécié.
Le ministre des Outre-mer est venu en fin d’année quand la rue a dépassé les bornes, quand des tirs à balles réelles ont frappé les forces de l’ordre, ne faisant, fort heureusement, aucun mort. Le ministre est venu, une journée, a refusé de s’entretenir avec le Collectif des organisation en lutte contre la vaccination obligatoire. Pourquoi ? Parce que ceux-ci n’avaient pas condamné les émeutiers. A Fort-de-France où la situation était similaire, aucun repentir des organisations syndicale mais réception avec tapis rouge à la préfecture et ouverture des négociations par le même ministre. Deux poids deux mesures exploités par la rue. Une nouvelle maladresse. Une de plus.
« L’obligation vaccinale pour les soignants a été très mal vécue. Le nombre de personnes sans salaire depuis six mois est un vrai sujet, et cette difficulté s’accumule avec les autres qui existaient déjà », analyse la sénatrice Victoire Jasmin.
Alors, face à un chef de l’Etat dont ils ont le sentiment qu’il n’a pas joué le jeu avec eux, ne les a pas entendus — même s’il était lié par un texte de loi qui limitait ses possibilités de temporiser, celui du 5 août instituant la vaccination obligatoire pour les soignants et leur suspension en cas de refus.
Que n’a-t-on pas dit alorsd’Emmanuel Macron ? Les syndicats ont parlé de dictature… Ils ont savonné la planche à plaisir. Mais, les élus n’ont pas démenti cette impression d’une écoute distraite… d’une sorte de mépris, le mot a été prononcé, écrit partout.
« On a eu l’impression d’une verticalité psychorigide, l’impression de ne pas être entendu », a dit Victorin Lurel à Public Sénat. Le sénateur est un homme poli…
Le mot de la fin est laissé à Victoire Jasmin, qui veut encore croire qu’ils soit possible d’éviter l’explosion fatale dans ces territoires : « Il faudrait qu’il (Emmanuel Macron) prenne conscience de ce qu’il s’est passé dans nos différents territoires, humaniser la politique, revenir à de la sagesse. »
La sénatrice guadeloupéenne pense qu’il est possible de faire un geste. Elle veut y croire : « Il faut revoir le texte, le contenu, revoir les conditions d’applications. Dans son discours, j’ai cru comprendre que ce ne serait plus les mêmes méthodes. »
Y croit-elle seulement ?
André-Jean VIDAL