Plénière de la Région avec des invités à la fin des débats : Maïté Hubert-M’Toumo, secrétaire générale de l’UGTG, accompagnée d’une douzaine de personnes. Des soignants, des suspendus. Ils ont témoigné longuement de leur vie d’après le 5 août 2021, quand par une loi qualifié de « scélérate » tant par Elie Domota, que par Gaby Clavier, anciens secrétaires généraux de l’UGTG, que par l’actuelle secrétaire générale, la vaccination contre la Covid est devenu obligatoire pour les soignants et autres personnes en présence professionnelle de personnes fragiles.
La venue de ce petit groupe n’était pas une surprise. Elle avait été annoncée en début de débats, une visite estimée importante d’un commun accord entre le président de Région et l’UGTG. Une visite qui restera sans doute comme un moment clé de la crise sociale liée à la Covid : moment où les élus ont, pour la première fois, entendu des témoignages de soignants suspendus en détresse.
A ce jour combien y a-t-il eu de rencontres avec le président de Région ? Difficile de les dénombrer : il y en a eu une avec tous les syndicats du Collectif des organisations contre la vaccination obligatoire, à l’Espace régional du Raizet, au Abymes, puis une seconde d’un commun accord, toujours à l’Espace régional pour rédiger un protocole de méthode, une troisième à la Faculté de droit et de sciences économiques de Fouillole, à Pointe-à-Pitre. Enfin, une quatrième un peu provoquée par l’intrusion du Collectif dans l’immeuble de la Région puis dans l’hémicycle, à Basse-Terre. Rien n’était ressorti de ces quatre réunions, la première ayant fait l’objet d’une protestation des élus, qui auraient été « insultés », ont-ils dit.
La seconde étant un moment d’apaisement, de discussion, de rédaction, de signature. Les parties en présence s’étaient entendues sur un protocole de méthode. Pour pouvoir discuter en sachant où l’on va. La troisième, une fois le protocole de méthode signé… avait vu le recul des élus, arguant qu’is ne pouvaient négocier sur des questions qui ne regardaient que l’Etat. Départ sous les huées des soignants venus aux nouvelles à la Faculté de Droit de Fouillole où se tenait la réunion. La quatrième réunion étaient plutôt une sorte de coup de force pour se faire entendre… le Collectif pénétrant dans le hall d’accueil de l’hôtel de Région, après avoir heurté la porte vitrée de l’immeuble, puis entrée en chansons dans l’hémicycle brusquement déserté par les élus qui étaient en plénière. Mouvement suivi de quelques heures dans le bureau et l’antichambre du président de Région, avant un départ en pleine nuit de toutes les parties. Sans avoir rien obtenu que les gros titres des médias.
Ce vendredi 7 avril, c’étaient encore les gros titres de médias que semblaient rechercher les suspendus qui accompagnaient la secrétaire générale de l’UGTG.
Pourquoi ? Parce que personne ne les écoute. Ils ont beau marcher tous les samedis après des meetings en semaine, criant leur détresse, l’Etat est muré dans une posture qui veut qu’on ne négocie pas avec un Collectif qui n’a pas condamné les violences des émeutes de novembre et décembre derniers. Les élus sont eux aussi murés dans une posture tout aussi rigide : ils ne peuvent négocier sur des points qui ne sont pas de leur responsabilité, disent-ils. La loi est la loi.
Au fil des semaines, pour faire droit aux souffrances réelles des soignants suspendus sans salaire et qui connaissent des difficultés épouvantables — difficultés à régler leur loyer, à conserver leur voiture, à simplement nourrir leurs enfants —, des élus, notamment des parlementaires, mais aussi des responsables de collectivités dont les présidents Chalus et Losbar, ont rencontré Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer — qui leur a proposé l’autonomie, rien de moins, pour faire droit à leur demande sibylline de « plus de pouvoirs, notamment en matière de santé », Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, qui leur a dit, tout comme le Premier ministre Jean Castex et même Emmanuel Macron, que Guy Losbar a rencontré en tête-à-tête, qu’ils ne pouvaient pas revenir ainsi sur une loi de la République, celle instaurant la suspension pour les soignants réfractaires à la vaccination anti-Covid.
Ce vendredi, Maïté Hubert-M’Toumo a pris la parole pour dire les choses, nettement, l’obligation vaccinale refusée, les menaces, les suspensions de soignants et les conséquences calamiteuses de celles-ci. Un moment de vérité.
Le cadre fixé, la parole était donnée à une douzaine de soignants suspendus parce qu’ils refusent la vaccination.
Une infirmière de Beauperthy (Hôpital de Pointe-Noire, en Côte sous-le-Vent) explique qu’elle travaillait au service addiction, qu’elle a refusé la vaccination, qu’elle a été suspendue. Elle sait que ce service addiction est spécifique à cet établissement, qu’il est difficile à maintenir en activité car il y a de nombreux soignants qui sont suspendus. « Ce sont les malades qui pâtissent de cette situation ! », accuse-t-elle.
Une infirmière du CHU, qui exerçait au service d’endocrinologie-diabétique, fermé depuis juillet 2021. « Les malades ne sont plus pris en charge alors qu’on ne demande qu’à travailler. »
Un manipulateur en radiologie, contractuel au CHU, a eu la Covid en août 2020, puis en juillet 2021. Il pouvait être repris au CHU, mais on a refusé son retour car son contrat, lui a-t-on dit, est caduc. Ne perdant pas espoir alors qu’i a tout quitté dans l’Hexagone où il pouvait trouver du travail pour rentrer au pays donner sa force de travail « pour son peuple», il ne rejette pas sa décision : « Je suis fier d’avoir mené ce combat ! »
Une aide-soignante au CHU, qui est elle aussi suspendue. Mère de famille, sans emploi, sans ressources, elle s’exclame : « Vous nous avez lâchés ! »
Cette infirmière du bloc opératoire insiste sur son diplôme d’Etat. C’est une spécialiste du bloc opératoire. « Je n’avais jamais pensé qu’à mon âge je puisse accepter des aides extérieures simplement pour survivre. » Elle est sans salaire depuis le 3 novembre 2021.
A l’AGIPSAH, gestion des adultes handicapés, il y a vingt suspendus, dont lui qui témoigne : « certains ont eu la Covid et ont repris leur travail. » Lui reste déterminé, même si depuis janvier il est sans salaire.
Techniciennne de laboratoire à l’Etablissement Français du Sang, elle fait partie des suspendus.
Elle explique l’impact sur l’offre de collecte de sang, non seulement sur la Guadeloupe, mais aussi à Marie-Galante, à Saint-Martin, en Guyane puisque l’établissement local a cette compétence. Non seulement il y a des difficultés à avoir du sang mais encore faut-il pouvoir le collecter faute de personnels. Et dire que l’EFS local essayait d’être autonome pour avoir toujours du sans sans être obligé de faire appel au national avec les lenteurs administratives…
Ils et elles prennent la parole les uns après les autres dans un silence sépulcral.
Un médecin, chef de service de l’établissement public de santé mentale explique que les urgences psychiatriques ne sont plus ou peu pratiquées ces temps-ci faute de personnel. Des malades, faute de lits d’accueil, de personnels, ne sont pas pris en charge. Il donne quelques anecdotes à donner froid dans le dos…
Un infirmier libéral explique que les soignants —médecins, infirmiers — qui n’accueillent plus de patients parce que contraint de cesser leurs activités faute d’être vaccinés, laissent des milliers de malades à la rue. Son calcul, qui mériterait d’être vérifié, confirmé, présente plus de 17 000 malades sur le carreau, pas soignés faute de soignants…
Ary Chalus rappelle que la loi n’est pas de son fait et que, pour sa part, la Région a mis 20 millions pour les établissements de santé afin de les doter de matériels performants… alors que ce n’est pas son rôle. De même, des démarches ont été entamées avec les autorités de l’Etat.. En vain.
Le président de Région refuse qu’on puisse dire que les élus ne font rien :
Maïté Hubert-M’Toumo demande que les élus prennent une délibération pour que les suspensions soient annulées et que les soignants suspendus touchent des indemnités pour les mois où ils ont été sortis du système.
A l’issue de la plénière, Ary Chalus rappelait qu’il a toujours souhaité qu’il y ait des négociations avec le Collectif où, à tout le moins, les syndicats :