Le Premier ministre Ariel Henry a déjà boudé deux invitations du tiers du Sénat qui entame une série de rencontres avec divers secteurs de la société sur la crise politique qui sévit dans le pays. Après avoir envoyé deux invitations au chef de la Primature, le sénateur Joseph Lambert indique avoir invité une troisième fois Ariel Henry pour ce mardi 22 mars tout en demandant à la population de prendre note « de la mauvaise foi caractérisée que veulent afficher Ariel Henry et ses alliés de l’accord du 11 septembre dans leur refus de dialoguer. »
Les négociations politiques ont du plomb dans l’aile. Entre les signataires de l’accord de Montana qui attendent depuis plus d’un mois une réponse de la part d’Ariel Henry pour la reprise des négociations, les deux invitations du Sénat boudés par le Premier ministre et la multiplication des cas de kidnapping, le pays s’enfonce de jour en jour dans une crise multidimensionnelle.
Les gangs armés sont en train de ceinturer la capitale, a dit constater le président du tiers du Sénat. « Cette situation fait peur ; cette situation doit révolter la conscience de ceux et celles qui ont la responsabilité au niveau de l’Etat et au premier chef le Premier ministre Ariel Henry », a fulminé jeudi le sénateur Joseph Lambert après avoir constaté l’absence du Premier ministre à la rencontre du Sénat.
Pour aborder cette situation d’insécurité, a ajouté le parlementaire, le Sénat a déjà rencontré un ensemble de secteurs, des signataires des accords, des membres du secteur privé des affaires, de l’Église, de l’université… « Ils sont tous d’accord et unanimes pour la tenue d’un grand dialogue afin d’arriver définitivement à un consensus. Seul le Premier ministre Ariel Henry n’a jamais répondu à l’invitation du Sénat alors que c’est lui qui a la responsabilité de faire ce que le Sénat fait aujourd’hui », a déploré Joseph Lambert.
« Nous avions envoyé une invitation au Premier ministre le 4 mars. Il n’est pas venu à la rencontre ni n’a répondu à l’invitation. Nous lui avions envoyé une autre invitation pour le 17 mars, il n’est pas venu à la rencontre ni n’a répondu. Nous allons lui envoyer une autre invitation pour le mardi 22 mars, peut-être la dernière », a indiqué le président du tiers du Sénat.
Si le Premier ministre décide de bouder pour une troisième fois l’invitation du Sénat, « à ce stade de la situation, le Sénat prendra acte et continuera à faire preuve de patience, parce que ce qu’il fait, il le fait pour la population », a dit Joseph Lambert.
Le parlementaire demande à la population de prendre note des efforts du Sénat et « de la mauvaise foi caractérisée qu’affichent Ariel Henry et ses alliés de l’accord du 11 septembre dans leur refus de dialoguer », a tancé l’élu du Sud-Est.
Pour sa part, le sénateur Patrice Dumont déclare au Nouvelliste : « Ariel Henry se pose en tyran puisque, toute concession faite à propos de la source de son pouvoir, depuis le 7 février, il est incontestablement usurpateur du pouvoir d’État et ne fait que soliloquer. Il parle donc à lui-même, alors que le Sénat de la République le presse au dialogue après un discours et une attitude pour le moins démocraticides, irrespectueux et arrogants vis-à-vis de protagonistes d’un accord politique, le Montana-30 août, aussi bigarré et inclusif que transparent et démocratique. »
« Dans cette conjoncture de crise totale, s’il ne s’agissait pas du problème le plus sérieux de notre pays, le risque de totale désagrégation, il y a longtemps qu’on laisserait le Premier ministre-Président, j’allais dire docteur Jekyll, se cogner la tête dans le mur qu’il monte depuis huit mois face à l’avenir de notre pays. Nous ne pouvons pas attendre ‘’jiskaske nou tounen pwa tann’’, ni attendre comme sœur Anne et ne rien voir venir de positif. Nous, nous ne connaissons pas Godot. La morgue d’un usurpateur ne peut pas tenir lieu de politique de sortie de crise », a lancé le sénateur de l’Ouest.
Pour Patrice Dumont, « Quant au Sénat de la République, ses rencontres avec des associations ou des chefs de partis participent de la nécessité, non pas de penser que les uns et les autres ont une préoccupation commune, mais de s’écouter, d’enregistrer les comment et les pourquoi, d’arriver à la décantation de ce massif informe et complexe qu’est cette crise. Je suis personnellement soulagé que la très grande majorité des 10 reconnaisse que la position de facilitateur est celle qui sied au Sénat dans cette macabre conjoncture. »
Les signataires de l’accord du 11 septembre avaient indiqué que le mandat du dernier tiers du Sénat avait déjà pris fin le deuxième lundi du mois de janvier 2022. Pour eux, Joseph Lambert n’a aucune légitimité pour prétendre initier un processus de dialogue.
Il faut rappeler que le Bureau de suivi de l’accord de Montana (BSA) attend toujours la réponse du Premier ministre Ariel Henry à la suite de la correspondance du 14 février 2022 dans laquelle le BSA avait fixé les conditions pour reprendre les négociations avec le locataire de la Primature. Des négociations interrompues le 14 février dernier.
Selon ce qu’avait confié cette semaine au journal un proche collaborateur du Premier ministre, Ariel Henry n’entend pas limiter les négociations politiques aux signataires de l’accord de Montana.
« Il n’y a pas que l’accord de Montana à avoir un accord politique. Le Premier ministre entend ouvrir le dialogue aux huit autres signataires d’accords politiques afin d’avoir un plus large consensus. Le Premier ministre est quelqu’un ouvert au dialogue. Nous ne sommes pas en compétition avec l’accord de Montana. Il y a une dizaine d’autres accords. Ce n’est pas simplement une affaire de Montana ni de l’accord du 11 septembre. Les négociations doivent impliquer un maximum de personnes. L’un des objectifs du Premier ministre, c’est d’avoir des élections avec une forte participation… », avait déclaré au Nouvelliste ce membre du gouvernement.
Source : le Nouvelliste