Les assises de la Sécurité routière de Guadeloupe ont été ouvertes, hier soir, jeudi 17 mars, au Cinestar des Abymes.
Le préfet de Région, Alexandre Rochatte, y tenait parce qu’il a trouvé en Guadeloupe une situation préoccupante. Ancien délégué national adjoint de la Sécurité routière, c’est un spécialiste.
« Quand je suis arrivé en Guadeloupe, a-t-il témoigné, j’ai été horrifié par le résultat de ce qu’on voit sur les routes. J’ai été meurtri parce que, de toute évidence, les messages ne passent pas. Il y a des difficultés à s’adresser aux bonnes personnes. Je pense qu’il faut agir sur le comportement par des opérations de prévention et de sensibilisation. Il faut que nous envisagions, au cours de ces assises, quels messages faire passer, quelles stratégies mettre en action. Il nous faut tous réfléchir pour savoir comment s’adresser aux usagers de la route : piétons, cyclistes, motards, automobilistes, professionnels du transport. Nous devons, ensemble, bâtir une stratégie. »
Le bilan de la sécurité — ou de l’insécurité — routière était laissé à Tristan Riquelme, directeur du cabinet du préfet.
Il a dit les chiffres et une situation dramatique. Avec, curieusement, en 2021, une augmentation du nombre d’accidents, de blessés, de tués alors que c’était une année de confinements et de crise sociale. Donc, les gens ont moins roulé. Et pourtant !
Un chiffre à retenir s’il fallait n’en retenir qu’un, c’est celui des 14 piétons décédés. Et de citer : un piéton écrasé 2 fois sur un passage protégé et une jeune de 12 ans écrasée sur un passage protégé en plein Pointe-à-Pitre.
Il a donné le chiffre des tués, 65 en 2021. Et cette année n’est sans doute pas meilleure puisqu’on enregistre déjà en mars une remontée du nombre des accidents. « Il y a urgence à trouver des solutions », a-t-il asséné.
Les morts sur la route ? Des conducteurs de deux-roues et des piétons. Beaucoup. 38% des tués, ce sont des conducteurs de deux-roues (cyclistes, cyclomotoristes, motards).
L’âge des morts ? Entre 18 et 44 ans, nulle partie de l’archipel n’étant épargnée. Chaque fois, c’est le conducteur qui est en cause, rarement un souci mécanique ou la configuration de la route.
Le Dr Portecop, responsable du SAMU de Guadeloupe a souligné qu’il « est très difficile pour un soignant de perdre un patient qu’on a à peine connu. »
Les raisons de ces accidents, il les diagnostique sur les blessés qu’il reçoit dans son service : l’alcool, la prise de stupéfiants, la perte de contrôle, l’inattention.
« L’impact entre une voiture et un piéton ou un deux-roues à des conséquences terribles. Il faut être prudent sur la route. Nou pé fèy nou ké fèy ! »
Raphaël Spéronel, psychologue, a fait part de son expérience : 30 ans de pratique.
Qu’est-ce qu’on ne veut pas voir ? Que le couple homme-voiture est un symbole de modernité.
La route est un espace de liberté, on peut aller n’importe où, c’est un facteur de socialisation.
La route qui est un élément de gestion des déplacements est considéré comme un lieu de transfert mental. L’espace routier scénarise des choses. Comment expliquer que le ratio des morts soit 2 à 3 fois supérieur aux ratios nationaux.
Selon lui, « c’est le comportement qui est en jeu : après 2009, après les confinements, en 2020 et 2021, il y a eu une augmentation des accidents. Les gens se sont sentis libérés.
Il y a un effet cocktail : le conducteur, acteur passif, jouit plus qu’il ne maîtrise. Il voit dans la conduite une invitation à vivre comme un électron libre. Il a une volonté de vivre pleinement et le cocktail devient explosif. Cela s’apparente à un comportement suicidaire.
Il joue sa vie et celle des autres. Il y a un comportement ordalique. Une oblitération des niveaux de conscience. »
Fabrice Golabkan est en fauteuil roulant.
Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2000, fatigué par une longue journée de travail et des soucis personnels, il s’est endormi au volant sans ceinture… Depuis il est paraplégique. Après son accident, il est resté de longs mois allongé et s’est repris en main, entouré de sa famille. Il conduit et s’est engagé dans la sécurité routière. Il est IDSR, ce qui veut dire qu’il va dans les écoles faire de la sensibilisation.
« Il faut passer par les enfants qui parlent aux parents », affirme-t-il.
T-Shaa est artiste.
Le 17 juillet 2009, elle a été victime d’un accident de la route suite à un aquaplaning. C’était à l’Hermitage Trois-Rivières, en allant à Basse-Terre avec des amis pour manger un agoulou. Trois décès. Hospitalisée quatre mois « pour un agoulou à Basse-Terre. » Quand elle dit ces mots on sent toute son amertume.
Elle ne savait pas si elle allait marcher de nouveau. Alitée puis en fauteuil roulant puis en rééducation. Le plus dur : « Après. Le retour chez moi. J’ai été victime une deuxième fois, cette fois-ci d’un stress post-traumatique et depuis j’ai peur de conduire ou de me faire conduire. Une fraction de seconde à brisé des vies et des familles. »
Le préfet Rochatte a détaillé le contenu des 7 tables rondes. Il est possible d’apporter des idées en allant sur le site securiteroutiereguadeloupe@gmail.com.
. Santé et handicap
. Aménagement et sécurisation des infrastructures
. Risque routier professionnel
. Deux roues motorisés et sport automobile
. Services de l’Etat en mesure de contrôle
. Communication et sensibilisation
. Formation et éducation
Le 1er rendez-vous est aujourd’hui, sur le thème Santé et handicap à 14 h 30 au Cinestar. C’est ouvert pour tout public.