Lundi 7 février, le procureur de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins, s’est dessaisi du dossier concernant huit individus dont un officier de police soupçonnés d’avoir agi en bande organisée durant les nuits chaudes de novembre et décembre 2021. Il a transmis le dossier à la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France. Il est vrai que ce dossier a donné lieu à diverses interprétations et que, pour éviter un emballement des uns et des autres, mieux vaut le confier à des personnes étrangères aux passions qui animent la Guadeloupe en ce moment.
Le 21 novembre, une information judiciaire était ouverte après des nuits de violences en région pointoise. Des magasins ont été pillés, des incendies de bâtiments ont été perpétrés, profitant de la mobilisation sociale contre la vaccination obligatoire et le passe sanitaire.
Ce qui a déclenché une montée en puissance des enquêteurs de la police et de la gendarmerie, selon les lieux de commission de délits, c’est que les « émeutiers » nocturnes, ont fait le coup de feu contre les forces de l’ordre. Et puis, une nuit, c’est le local des douanes et celui de la gendarmerie au Carénage, à Pointe-à-Pitre, en plein milieu d’un quartier réputé chaud, qui ont été attaqués, des vols d’armes (chez les douaniers ) ont été commis. Dont un pistolet-mitrailleur, des armes de poing, un fusil à pompe et leurs munitions. Ça devenait, désormais, pour les autorités judiciaires, une crainte : que ces armes servent contre les forces de l’ordre.
L’intervention du GIGN et du RAID, organes d’élite de la gendarmerie et de la police expédiés de l’Hexagone, calmait les ardeurs. Des interpellations étaient effectuées, en tout plus de 80, sur des barrages improvisés, dans les rues non loin de magasins pillés, pendant le couvre-feu. Du menu fretin.
Le 17 janvier, gendarmes et policiers procédaient aux interpellations de 8 individus dont un officier de police. Ils avaient écouté leurs indics, utilisé les moyens techniques pour tisser la toile, confirmer ce qu’ils subodoraient : les émeutes sur des sites pour fixer les forces de l’ordre et les attaques de nuit de magasins sur d’autres sites moins surveillés semblaient liées.
Le 21 janvier, le procureur de Pointe-à-Pitre, donnait une conférence de presse et révélait que les émeutes « spontanées » liées à la mobilisation sociale étaient en fait parfaitement planifiées organisées, avec des stratégies de détournement des forces de l’ordre vers d’autres lieux tandis que les gangs écumaient magasins de téléphonie, bijouteries, magasins de vêtements, etc. Patrick Desjardins allait plus loin, dévoilant certains détails de l’enquête qui allaient, ici et ailleurs, enflammer les médias : tout d’abord que des patrons de grosses entreprises avaient été démarchés pour une sorte de chantage : pas d’émeutes dirigées contre leurs enseignes mais il fallait passer à la caisse. Ensuite que certaines des personnes interpelées — des chefs de gangs, laissait-il entendre — entretenaient avec certaines personnalités politiques des rapports douteux.
Il admettait que d’autres politiques avaient été abordés, menacés… et que c’étaient plus des victimes que de possibles complices par action ou par omission… Il affirmait enfin que, dans le plan des personnes interpellées, il y avait la volonté de négocier, avec l’Etat ou des élus, des subventions pour alimenter des associations montées de toutes pièces aux fins de récupérer des subsides. « Leur motivation, c’était l’enrichissement personnel », devait-il conclure.
Le 1erfévrier, Patrick Desjardins, pendant l’audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, revenait sur les interpellations, non pas celles des 8 individus (entretemps, l’un d’eux a été remis en liberté, placé sous contrôle judiciaire), mais des 80 et quelques personnes attrapées par les gendarmes et les fonctionnaires de police en novembre et décembre. 64 ont été jugés, « dans de bonnes conditions », disait le procureur, « avec toutes les garanties du droit », soulignait-il, affirmant que de ces décisions rendues par une justice « qui n’a pas cédé à la panique », une seule avait donné lieu à un appel.
D’autres personnes ont été interpellées, depuis, d’autres, selon le procureur, le seront encore puisque l’enquête — ou les enquêtes — se poursuivent.
Lors des deux dernières interventions devant la presse, Patrick Desjardins a dit qu’il « ne souhaite pas revenir sur le dossier des 8 interpelés, qui ont été mis en examen pour crimes en bande organisée et d’autres chefs.
Dernier épisode, lundi 7 février : le procureur se dessaisissait du dossier « complexe » en le confiant à la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France. Comme une patate chaude !