Guadeloupe. Violences urbaines, chantage aux entreprises, détournements de fonds publics : un réseau démantelé

Depuis lundi 17 janvier, jour de leur interpellation au terme d’une enquête débutée courant novembre 2021, huit personnes sont mises en cause dans une série de crimes et délits.

Quatre d’entre elles ont été placées en détention provisoire, quatre autres le seront sans doute ce soir, à l’issue de quatre jours d’interrogatoires par les services locaux de police judiciaire et l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour l’une d’entre elles, un fonctionnaire de police. 

« Ce n’est pas un dossier politique. Je ne suis pas aux ordres. Je ne suis pas là pour combattre une idéologie », a précisé le procureur de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins, qui tenait un point presse (monologue sans questions, c’était le préalable), accompagné de Laurent Chavanne, directeur territorial de la police nationale, et de son adjoint, le commissaire Jean-Pierre Frédéric. 

De quoi s’agissait-il ? D’une enquête judiciaire pour association de malfaiteurs visant à commettre des crimes et délits, depuis novembre à ce jour, de complicité de dégradations par incendie en bande organisée, d’association de malfaiteurs visant à commettre le délit d’attroupement armé, etc.

L’enquête a été ouverte en novembre 2021. Il y avait eu des émeutes suivies de pillages, des violences urbaines, particulièrement dans les nuits des 18, 19 et 20 novembre. 

Les enquêteurs de la police judiciaire, recoupant les modes d’opérer et des informations, comprenaient « que l’ensemble des émeutes intervenaient dans le cadre d’une organisation qui semblait très planifiée », expliquait le procureur Patrick Desjardins.

« Les gangs se partageaient les rôles
sur leurs territoires. »

Il précisait son propos : « Depuis le début de la crise sociale, il n’y avait aucune scène de violence urbaine qui n’ait pas été précédée d’une émeute, tout semblait parfaitement élaboré, planifié. »

Patrick Desjardins : « L’enquête des services de police judiciaire a permis de comprendre comment fonctionnait le groupe de personnes mises en cause. Et surtout comment les émeutes étaient préparées. Il y avait un partage des rôles, entre des jeunes de Baie-Mahault, de Pointe-à-Pitre et particulièrement Grand-Camp. Des jeunes appartenant aux gangs Chyen Lari et Seksyon Kriminel se partageaient les rôles, pour attirer la police et les gendarmes dans leurs territoires, sèment la panique, mettent le feu, pendant que d’autres se livraient à des pillages. »

Selon le procureur, des cibles étaient désignées, des policiers « à fixer » et des quartiers « à enflammer, comme Grand Camp », des bâtiments précis étaient attaqués. Il donnait pour exemple le bâtiment qui abritait le SPIP (Service de probation de l’institution pénitentiaire, aux Abymes) jusqu’à ce qu’un incendie le détruise partiellement, le soir du 25 novembres, et le cas d’un policier du RAID qui se trouvait non loin, le même soir, « qui, a-t-il dit, ne doit d’avoir conservé la vie que grâce à son gilet pare-balle et son arme de service qui ont dévié le projectile. »

« Ce même soir, poursuivait-il, il y a eu 19 tentatives identiques sur les forces de l’ordre, policiers et gendarmes. S’il n’y pas eu des morts, ça a été miraculeux. »

 « Un fonctionnaire de police renseignait
sur le positionnement de ses collègues. »

« Le bilan des différentes enquêtes menées après ces faits a permis de mieux comprendre que des renseignements précis avaient permis les passages à l’acte. Tout ce qui avait été dit a été fait. De là, les investigations se sont intensifiées, dans le plus grand secret et pour cause… », soulignait le procureur. 

« Il est apparu dans l’enquête, précisait-il, la complicité, pour ne pas dire l’implication active d’un fonctionnaire de police. Il était au-delà de la complicité. Il était déjà dans la trahison en renseignant sur le positionnement de ses collègues, qui définissait certains objectifs et qui est, d’après les interrogatoires, à l’origine d’opérations, dont une opération prévue le 30 décembre 2021, qui devait permettre à la manifestation qui avait lieu ce jour-là d’arriver jusqu’à l’aéroport tandis que, profitant de celle-ci, des membres de gangs seraient arrivés avec des voitures volées, auraient pénétré sur la piste et occupé celle-ci en mettant le feu aux voitures. »

Il semble que le même fonctionnaire de police ait été impliqué, avec d’autres membres dans le dossier, dans une tentative de pénétrer dans la sous-préfecture. Un objectif parmi d’autres recensés pendant les interrogatoires. 

« Des grands groupes
commerciaux menacés. »

« Dans l’esprit des personnes impliquées, martelait le procureur Patrick Desjardins, l’objet de ces émeutes était clair : une volonté de s’enrichir. D’ailleurs, les personnes interpellées sont très influentes dans des gangs. L’enquête a permis de déterminer que l’un des buts était d’obtenir d’importantes sommes de grands groupes en échange de ne pas lancer les émeutiers contre leurs entreprises. L’autre but était de bénéficier, le cas échéant, si elles devaient intervenir par la suite, de subventions, par le biais d’associations utilement créées à la faveur de négociations à venir avec l’Etat ou à la faveur de relations parfois troubles avec certains élus locaux. »

« Parmi ces élus certains sont des victimes qui ont subi des pressions extrêmement importantes », précisait-il.

Il concluait son propos : « L’enquête se poursuit, des personnes ont été identifiées et interpelées, d’autres le seront au cours des prochains jours, des prochaines semaines… » 

A ce stade de la procédure, il y a huit mis en examen du chef d’association de malfaiteurs visant à commettre des crimes et des délits depuis novembre 2021 à ce jour, six ont été mis en examen pour complicité de dégradation par incendie en bande organisée (crime) et pour association de malfaiteurs visant à commettre le délit d’attroupement armé, trois pour association de malfaiteurs en vue de commettre une entrave à la circulation et à la navigation d’un aéronef, sept pour association et vue de commettre le délit d’extorsion de fonds et pour association en vue de commettre des détournements de fonds publics.

Deux magistrats instructeurs ont été désignés pour un dossier complexe et qui n’est pas clos, comme l’a affirmé le procureur Patrick Desjardins.

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