Politique. Jocelyn Sapotille : « Avec le ministre, nous avons envisagé l’évolution statutaire de la Guadeloupe »

Jeudi 25 novembre, les maires de Guadeloupe avaient rendez-vous pour une réunion en visioconférence avec le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. A l’issue de cette réunion de trois heures, Jocelyn Sapotille, président de l’Association de maires de Guadeloupe, a répondu à nos questions. 

Qu’est-il ressorti de cette réunion avec le ministre des Outre-mer ? 

Il y avait une forte représentation des maires. Quasiment tous les maires de la Guadeloupe y étaient là. Nous avons fait entendre nos propositions pour sortir de la crise, en précisant la gravité de la situation. Et nous avons dit notre attitude face au climat social insurrectionnel. Nous avons fait des propositions très concrètes. Nous sommes revenus sur des propositions qui étaient déjà sur la table depuis le rendez-vous de Paris, quand nous avons rencontré le Premier ministre.

« Nous avons demandé la suspension,
le temps du dialogue social,
de l’application de la loi. »

Quelles sont ces propositions ? 

La première proposition est un message d’apaisement. Qu’il soit clair, vis-à-vis du public concerné par l’obligation vaccinale pour des raisons professionnelles : il faut nouer le dialogue et trouver des solutions adaptées pour ceux qui sont suspendus aujourd’hui. Nous avons demandé à suspendre pendant un moment, le temps du dialogue social, l’application de la loi. Donc qu’il n’y ait pas de suspension du contrat de travail de ceux qui ne sont pas vaccinés. Et ainsi permettre à ces personnes de continuer à travailler avec obligation d’un test PCR ou antigénique. Parce qu’il s’agit aussi de respecter un certain nombre de règles de sécurité sur le plan sanitaire. Il faut que nous soyons responsables. Deuxièmement, nous sommes des maires. Nous sommes les officiers d’État-civil. Nous ne pouvons pas raconter n’importe quoi à la population. Le statut actuel de la Guadeloupe veut que la loi française s’applique. La loi française ne peut pas ne pas s’appliquer. Mais, nous pensons que des adaptations sont possibles. Cependant, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Mais, se fait de manière réfléchie, avec l’approbation du peuple et non sous la pression de la rue. Avec le ministre, nous avons décidé d’ouvrir une page sur la question de l’évolution statutaire de la Guadeloupe parce qu’il faut le dire très clairement, si cela peut nous sortir de là, j’en suis partisan. Mais, il faut dire les choses très clairement. Cela demande du travail, de la réflexion.

« Il faut rencontrer les personnes
concernées, les forces vives
de la Guadeloupe. »

Face à une situation difficile dont l’Etat détient une partie des clés de sortie, notamment en matière sanitaire, ne pensez-vous pas qu’il aurait été préférable que Sébastien Lecornu se déplace ? Les blocages ont commencé il y a 11 jours.

Oui. Nous avons demandé au ministre de se rendre en Guadeloupe. Et là aussi, il a donné une réponse favorable. Mais, il a émis des conditions, ce qui peut se comprendre au vue de la situation. Il faut qu’il arrive avec des solutions qui soient précises. Nous aurons une réponse dans les heures qui viennent quant à sa venue en Guadeloupe.

Il faut que l’on nous dise comment le ministre compte organiser ce dialogue. Il faut rencontrer déjà les personnes qui sont concernées, rencontrer les forces vives de la Guadeloupe. 

Justement, au nombre des forces vives, parce qu’il y a des revendications économiques, il y a les leaders du secteur économique. Les avez-vous contactés pour qu’ils participent aux négociations de sortie de crise ?

J’ai commencé à contacter ce matin les leaders économiques. J’en ai déjà eu quelques-uns. Je vais continuer à les contacter. Mais il n’y a pas que les leaders économiques. Il y a aussi le monde associatif, le monde sportif, les religieux, les associations religieuses, le monde culturel. Tout le monde a son mot à dire dans cette affaire. Cette crise-là ne touche pas que les politiques. C’est la Guadeloupe entière qui doit parler. C’est la Guadeloupe entière qu’on doit entendre. J’ai pris cette initiative de mon côté de rencontrer toutes ces personnes, de pouvoir, au nom des meilleures composantes de la Guadeloupe et avec les meilleures composantes de la Guadeloupe organiser ces rencontres. La première rencontre va se faire ce soir et une autre avec une partie du monde cultuel de la Guadeloupe. J’attends des retours du monde économique.

« Il faut que les réponses correspondent aux capacités économiques
de la Guadeloupe. »

Faut-il débarrer pour discuter ? Ne va-t-on pas encore une fois, le choc des barrages passé, laisser pourrir la situation et se retrouver avec encore plus de mécontents ? Et un rebond de la crise dans quelques semaines ?

Si on veut que le gouvernement travaille sérieusement sur ces questions et nous apporte des réponses, il faut qu’elles soient réalistes. Il ne faudrait pas que cela se passe sous la pression. Il ne faut pas nous apporter des réponses dans l’urgence. Et que, comme en 2009, 12 ans après, on se rende compte que cela ne tenait pas la route. Il ne s’agit pas de se dire des choses pour se faire plaisir. Il faut que les réponses soient des réponses qui correspondent à la capacité de la Guadeloupe sur le plan économique, à la volonté des Guadeloupéens de s’inscrire dans un débat institutionnel statutaire qui correspondent à leur volonté et qui ne soit pas celle que nous connaissons, celle des légistes, mais celle du Guadeloupéen. Tout cela se prépare. Cela ne se fait pas sous la pression. C’est très mauvais d’envisager l’avenir en travaillant sous la pression.

« Il faudrait que ceux qui sont derrière cette crise comprennent que cette méthode n’est pas payante. »

Qui profite de cette crise ? Jarry avec ses grandes entreprises fonctionne… Les conteneurs de jouets pour Noël débarquent au port et rejoignent les hypers mais les Guadeloupéens ne peuvent pas circuler en communes pour faire tourner leurs petites entreprises ?

Quand on n’est pas fort, il faut être malin. Ce qu’on a fait là, ce n’est pas très malin. La Guadeloupe ne sortira pas renforcée avec des actions violentes comme celles-là. Ce sont encore les plus petits qui vont perdre leurs emplois. Ce sont encore les plus petites entreprises qui vont devoir fermer parce qu’elles n’ont pas de trésorerie, parce qu’elles n’ont pas été approvisionnées, si ce sont des commerces, parce qu’elles n’auront pas pu passer là, contourner les barrages, si ce sont des artisans qui vont chez des clients. Les gros deviennent encore plus gros, les forts deviennent encore plus forts. Il faudrait que ceux qui sont derrière cette crise comprennent que cette méthode n’est pas payante. Elle ne paie pas et ne paie pas à long terme et pas plus à moyen terme. Il y a une seule voie qui paie, c’est celle de la réflexion. Celle de la construction, et je dirais même celle de l’intelligence. Ce n’est pas très intelligent de faire ce qu’on fait en ce moment en barrant tout. 

On a vu que ces jeunes guadeloupéens qui sont sur les barrages n’ont pas particulièrement d’affection pour les élus. Pensez-vous qu’il faille, comme vous l’avez fait, hier, avec les présidents du conseil régional et du conseil départemental, aller sur les barrages et leur parler ?

Moi, j’ai mon courage. Je l’ai fait, je suis allé à la rencontre des personnes qui tiennent les barrages, qui sont même à la tête des barrages. Mais, je suis conscient aujourd’hui cela peut présenter certains risques et c’est dommage. Ça veut dire quoi ? Que nous sommes dans un régime, soudainement, de terreur. Ça veut dire quoi ? Que les règles aujourd’hui, de respect, où on peut donner des avis, des points de vue, parler avec tout un chacun, cela n’existe plus. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui nous sommes tombés dans un système macoutiste en Guadeloupe. C’est grave. C’est grave d’entendre que untel ou untel ne peut pas se présenter sur un barrage, sans quoi il sera mal reçu. Je n’aime pas du tout cela.

« Si nous voulons sauver la Guadeloupe, il faut qu’on soit tous responsables. »

Donnez-nous de l’espoir !

L’espoir, aujourd’hui, c’est de retrouver un dialogue qui nous permettra de régler la situation des 1 300 personnes qui sont concernées par l’obligation vaccinale en sortant par le haut. Sortir par le haut, ce n’est pas faire comme s’il n’y a plus de Covid. Parce que, quand j’entends certaines personnes, j’ai l’impression qu’il n’y a plus de Covid. On ne veut pas du vaccin, on ne veut pas du passe sanitaire, on ne veut pas du masque, on ne veut pas de ceci, on ne veut pas de cela, on veut aller au cinéma, on veut aller dans les restaurants, on veut tout faire comme s’il n’y a pas de Covid. Ce n’est pas raisonnable, ce n’est pas réaliste, c’est de la folie. Quand quelqu’un dit qu’il ne veut pas du vaccin, je respecte son choix. Je comprends sa décision. Mais que, par ailleurs, ces personnes disent : je ne veux pas du vaccin, je ne veux de rien du tout, c’est irresponsable. Donc si vous ne voulez pas du vaccin, il faut accepter le passe sanitaire, il faut accepter les tests PCR. Il faut accepter de ne pas aller à certains endroits. Il faut accepter de se priver de certaines choses. Il faut comprendre aussi, et je dis ça pour ceux qui ont pris le vaccin, qu’il faut qu’ils acceptent de porter le masque, de continuer à respecter les gestes barrières, parce qu’on sait que, même vacciné, on peut transmettre le virus et on peut avoir une forme de Covid même si elle n’est pas grave. J’appelle à la responsabilité de tout un chacun pour sortir par le haut et à réfléchir. Le risque de ce qui vient de se produire, c’est que la cinquième vague arrive au plus vite et ce ne seront pas les avions qui vont nous apporter la cinquième vague. Ce sont toutes les personnes que je vois dans les manifestations, un peu partout, qui font toutes sortes de choses sans masque, sans gestes barrières. Si nous voulons sauver la Guadeloupe, il faut qu’on soit tous responsables. 

Propos recueillis par André-Jean VIDAL

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