Les restaurateurs de Guadeloupe en colère contre l’obligation du passe sanitaire manifestent devant la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre jeudi 28 octobre 2021. Ils demandent à être reçus par le sous-préfet pour expliquer quels sont leurs problèmes et proposer des solutions alternatives en attendant que la population soit plus vaccinée.
« On nous oblige à accepter seulement des clients vaccinés, qui ont un passe sanitaire valide. Mais, c’est nous condamner à mort ! Dans les restaurants, il n’y a jamais eu de cluster, nous appliquons strictement les consignes d’hygiène.» Ainsi s’exprime David Drumeaux, propriétaire de deux restaurants dans le vieux Pointe-à-Pitre. Il raconte comment il a participé, avec la création de deux restaurants dans ce quartier de Dugommier à faire revivre ce secteur de la ville qui se mourait lentement.
« Et aujourd’hui, j’ai dû licencier cinq salariés. Comme je ne sais pas comment faire avec fermeture, ouverture, ce jeu de yoyo depuis mars 2020, j’ai décidé de ne pas ouvrir avant 2022 », ajoute-t-il, dégoûté.
Fabrice Calabre a créé Cochon Plus, ouvert des restaurants aux Abymes, à Baie-Mahault. Maintenant, l’entreprise survit grâce à des repas à emporter. Survivre dans ces conditions, c’est casser les jambes des entrepreneurs de la restauration.
« Lorsque l’injustice vient d’en haut, il appartient aux citoyens libres de désobéir », lance-t-il à la foule qui applaudit. Il n’en dira pas plus. Le ton est posé, la détermination réelle.
Plus tard, David Drumeaux, qui est accompagné de fabrice Calabre, d’Alain Lesueur du fameux restaurant Chez Clara, à Sainte-Rose, expliquera que c’est la restauration à emporter, les grands groupes, comme MacDo et KFC qui, en France hexagonale et sans doute ici, en Guadeloupe, ont profité de cette crise.
« On ne peut pas venir chez nous, petits restaurateurs, alors on va chez ces grands groupes pour se nourrir. Se nourrir… Enfin, si on peut appeler ça se nourrir ! »
Pour David Drumeaux comme d’autres restaurateurs de la place qui ont misé sur des produits frais locaux, c’est comme une punition supplémentaire à la crise sanitaire.
« On nous casse, mais on casse aussi toute une philosophie, celle de la production alimentaire locale », dénonce-t-il, demandant aux autorités de l’Etat de prendre la mesure de ce qui se passe. De l’implication sociale qu’il y a derrière cette restriction.
Pour ces restaurateurs, il ne s’agit pas d’opposer grosses structures de restauration et restauration traditionnelle : « Les touristes vont revenir, des restaurants vont en profiter, ils vont pouvoir les accueillir. Pour eux, le passe sanitaire ne sera pas une difficulté. Ils ont le personnel pour faire les contrôles, ils auront cette clientèle-là. Tant mieux. Mais, pour nous dont la clientèle est locale, nous sommes pénalisés. Nous, artisans de la restauration, on nous condamne à fermer, à mettre nos salariés à la rue, à mourir. »
Pas question de mourir pour ces restaurateurs qui n’ont pas de grands groupes ou les banques derrière eux. Ils sont déterminés — « même s’ils n’ont pas de gros camions pour bloquer les routes et se faire entendre » — à tout faire pour vivre.
André-Jean VIDAL