Jocelyn Sapotille, nouveau président de l’Association des maires de Guadeloupe, les a réunis, samedi 28 novembre, à Lamentin, pour parler de la loi 4D. Mais, il a été question de bien d‘autres choses…
Le président de l’Association des maires de Guadeloupe, Jocelyn Sapotille, a réuni les maires de l’archipel en séminaire à Lamentin. Matinée de travail fructueuse car elle a permis, en plus de se concerter sur une réflexion sur le projet de loi Décentralisation – Déconcentration – Différenciation – Décomplexification (4D) que le Gouvernement a annoncé depuis près d’une année.
Il y avait plusieurs parlementaires sur place, Justine Benin, Olivier Serva, Max Mathiasin ou connectés depuis Paris, comme Victorin Lurel et Victoire Jasmin. Hélène Vainqueur-Christophe était représentée. Josette Borel-Lincertin, présidente du Conseil départemental, avait fait le déplacement, pour prendre le leadership sur les discussions par un discours à retenir.
Il s’agissait d’alimenter la réflexion des maires sur les enjeux de cette loi qui peut, si les élus s’en emparent, être un moyen d’améliorer l’efficacité des collectivités locales et les politiques publiques.
« Nous avons tous déploré que nous soyons consultés en un délai contraint, sans aucun avant-projet nous donnant les orientations du Gouvernement et dans le cadre d’une loi ordinaire», a commenté la présidente du Département sur son Facebook.
« Aller plus loin… »
Josette Borel-Lincertin
« Tous, nous avons considéré qu’il nous revenait de pousser le Gouvernement à aller plus loin et à entendre les propositions que nous avons formulées lors des deux congrès des élus départementaux et régionaux de juin et décembre 2019 », a-t-elle ajouté.
D’ailleurs, là où le Gouvernement a fait, en quelque sorte, un geste vers les élus locaux en leur permettant de commenter la loi 4D… sans garantie que ce qu’ils diraient serait pris en compte, Josette Borel-Lincertin, entraînant ses camarades parlementaires, mais aussi les maires, a proposé que, par un courrier qui sera expédié ce lundi, les Guadeloupéens proposent au Gouvernement d’aller plus loin et de mettre à l’ordre du jour de futures discussions les attendus des deux congrès des élus qui se sont tenus fin 2019, avant que la pandémie y mettent un tempo moderato, notamment concernant l’organisation politique de l’archipel.
A suivre.
André-Jean VIDAL
Photos JS
Josette Borel-Lincertin offensive
Voici des extraits du propos introductif de Josette Borel-Lincertin rassemblant les propositions qu’elle fera au Gouvernement dès ce lundi dans un courrier cosigné avec la députée Hélène Vainqueur-Christophe et les sénateurs Victoire Jasmin, et Victorin Lurel :
« Comme vous, j’ai été sollicitée par le ministre des Outre-mer, en ma qualité de présidente du Conseil départemental, pour adresser d’ici ce lundi des propositions au Gouvernement dans l’optique d’une discussion prochaine de ce texte au Parlement.
Il y a dans la démarche du Gouvernement une volonté louable de co-construction qu’il faut saluer. Car, le plus souvent, les textes relatifs aux collectivités territoriales sont décidés depuis Paris, sans véritable concertation avec les élus locaux. »
Mais, Josette Borel-Lincertin, qui fréquente les allées du pouvoir parisien depuis longtemps, a relevé qu’un loup s’y baladait…
« Chacun aura observé que l’exercice de co-construction qui nous est demandé est malgré tout singulier. En effet, nous voici dans une réflexion sur un projet de loi sans disposer, au préalable, d’un texte ou d’une base qui nous permettrait de connaître et de comprendre les intentions et les orientations du Gouvernement.
La seule chose dont nous disposons, en réalité, ce sont les quelques déclarations médiatiques de la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourrault. On pourrait y rajouter les éléments que nous avait communiqué le ministre Lecornu, de passage en février 2020, alors en tant que ministre chargé des collectivités locales et pas encore ministre des Outre-mer. Nous serons d’accord que c’est plutôt succinct pour travailler convenablement.
Outre ce problème de méthode, nous devons noter que l’exercice apparaît, de plus, relativement limité. »
« Le ministre nous précise d’emblée que nos propositions, dans le cadre de la loi 4D devront relever seulement d’une loi ordinaire. C’est à dire que nous devons limiter nos réflexions aux seuls champs qu’une telle loi permet de couvrir, sans envisager de loi organique, ni de révision constitutionnelle. Or, nous le savons tous, s’il s’agit de rechercher les voies et les moyens d’introduire davantage de différenciation dans les Outre-mer, la loi ordinaire offre en vérité assez peu d’intérêt. Car nos territoires sont en effet, à des degrés divers, à des stades plus avancés en la matière que les territoires de l’Hexagone. »
« Que ce soit, c’est une évidence, pour les collectivités d’Outre-mer (les COM) jouissant d’une large autonomie dans le cadre de l’article 74 ; ou que ce soit pour les Départements et régions d’Outre-mer (les DROM) qui disposent, pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, de certaines possibilités d’adaptation, de dérogation, voire d’habilitation législative, même si on connait les difficultés qu’il y a à les mettre en œuvre. Aussi, pouvons-nous dire que s’il s’agit de retoucher, ça et là, la Loi NOTRé ou la loi MAPTAM par exemple, le projet de loi 4D peut être un véhicule intéressant. Mais si nous souhaitons un renforcement de la différenciation dans nos territoires – ce que je crois nécessaire – il faut à mon sens en passer par des modifications d’ordre constitutionnel. »
Josette Borel-Lincertin rappelait qu’alors que le Gouvernement commençait à évoquer la notion de différenciation à la faveur de la volonté du président de la République de réviser la Constitution, elle avait pris l’initiative de réunir le Congrès des élus départementaux et régionaux pour relancer la réflexion commune en matière de gouvernance, précisément sous l’angle de l’approfondissement de la différenciation.
« Nous avions débouché collectivement sur l’expression unanime d’une volonté d’évolution de notre gouvernance et de recherche d’une plus grande différenciation territoriale, en vue de permettre, disions-nous, l’élaboration de normes à l’échelon local notamment pour ce qui concerne les politiques publiques de l’emploi, du développement humain, de la fiscalité, de l’urbanisme et de l’organisation territoriale.
Cette affirmation fut ensuite confirmée et, à certains égards affinée, par le Congrès organisé six mois plus tard, par mon homologue de la Région, à travers une résolution qui demandait d’abord au Gouvernement de doter la Guadeloupe d’une loi organique. Autrement dit, de nous permettre d’évoluer vers un statut à la carte idéalement en allant au bout de sa révision constitutionnelle qui pourrait, c’est en tout cas mon souhait, déboucher sur une fusion des articles 73 et 74, dont je pense qu’ils ne sont plus adaptés à nos réalités et à nos besoins.
Ensuite, nous disions que nous étions favorables à la mise en oeuvre d’une nouvelle répartition de certaines compétences à l’échelon local afin d’accroitre la lisibilité et l’efficacité de nos politiques publiques. Nous évoquions alors les transports, les routes, les établissements scolaires, mais également la culture, le sport ou encore le tourisme.
Enfin, nous avions ouvert un débat — souvenez-vous — passionnant et passionné sur la question de notre organisation territoriale, et plus précisément sur la place de nos intercommunalités. »
« La crise sanitaire intervenue au premier trimestre 2020 nous a malheureusement empêchés de poursuivre le travail engagé. Mais tout cela me permet néanmoins de dire aujourd’hui que nous avons déjà posé un cadre sur nos réflexions en matière de différenciation », constatait-elle.
Elle proposait de profiter de la consultation sur la loi 4D pour aller plus loin que les sohaits actuels du Gouvernement : « Il s’agit de saisir l’opportunité du moment pour rappeler et préciser nos objectifs. D’autant que ces objectifs sont validés par des décisions unanimes du Congrès qui est, je le rappelle, l’instance dédiée à cette réflexion. »
Comment ? Josette Borel-Lincertin énumèrait une série de propositions :
. faire que cette future loi 4D permette l’assouplissement de la notion d’adaptation et la simplification des procédures d’habilitations.
. saisir l’opportunité, ce serait par exemple nous permettre d’aller au bout d’une logique de blocs de compétences homogènes permettant une clarification des missions de nos différentes collectivités.
« Pourquoi ne pas en finir avec les routes du Département et les routes de la Région en confiant à une seule de nos deux grandes collectivités la compétence routière ?, s’exclamait-t-elle. Pourquoi ne pas faire de même avec la compétence scolaire en confiant à l’une ou l’autre les collèges et les lycées ? Et pourquoi ne pas envisager que les communes qui le souhaitent puissent décider de transférer leurs écoles à cette collectivité désignée, j’insiste sur la base du volontariat. »
Et encore : « Saisir l’opportunité, et j’en terminerai là, ce peut être aussi approfondir la question de notre organisation territoriale, même si nous savons que ce débat peut être explosif.
Et ce débat – c’est je crois l’un des acquis de nos deux congrès — ne peut plus se poser dans les mêmes termes qu’au début des années 2000 où nous avions deux collectivités — la Région et le Département – dotées toutes deux de la clause de compétence générale et, dès lors, dont on pouvait dire qu’elle se marchait sur les pieds. Et la solution naturelle était d’envisager une fusion de ces deux collectivités. »
« Aujourd’hui, même si on aime à dire — selon moi à tort — que c’est le statu quo qui l’a emporté après 2003, nous ne sommes plus du tout dans le même paysage. Les compétences de la Région et du Département ont été singulièrement clarifiées et l’une comme l’autre ne disposent plus de la clause de compétence générale.
Mais, surtout, nous avons vu naître 6 nouvelles collectivités — 5 communautés d’agglomération et 1 communauté de communes — dont on peut dire à tout le moins qu’elles éprouvent pour la plupart des difficultés à remplir leurs missions pour nos concitoyens.
La qualité de nos services publics d’eau, de déchets et de transport est hélas suffisamment détériorée pour que nous nous accordions sur la nécessité de nous pencher collectivement sur cette situation.
Le déséquilibre manifeste de notre territoire est également une raison de nous pencher sur cette question. »