Lundi 5 juillet, 14 h 30. Le marché au poisson, à Lauricisque, à cinquante mètres du pied des tours de la Gabarre, a rarement connu une foule aussi dense. Il y a les personnalités, Etat, Cap Excellence, mairie de Pointe-à-Pitre, et puis il y a les gens. Le public. Ceux qui sont venus voir mourir un symbole fort de Pointe-à-Pitre.
Il y a Maurice qui a vu construire les tours de la Gabarre, entre 1972 et 1975. Il y a Josette, ancienne résidente, qui a passé une partie de sa vie là. Il y a Véronique, les larmes aux yeux, qui n’a pas pu se retenir de pleurer. Elle a passé son enfance, son adolescence dans une des tours, avec toute sa famille, sa grand-mère, sa tante, qui habitait dans un autre appartement.
Un symbole fort
Pout une grande partie des Pointois qui y ont vécu, les tours de la Gabarre sont un symbole. Décasés du quartier de l’assainissement en 1955-1960, on a mis les gens à Lauricisque, dans des petites cases qui sont vite devenues sommaires, puis de véritables taudis. Pas d’eau, pas d’électricité ou rarement. A l’époque, on estimait qu’être passé d’une case sans eau ni électricité à une autre case sans eau ni électricité, dans un département français des tropiques, ce n’était pas grave.
En 1970, la municipalité du Dr Henri Bangou, avec George Tarer comme maire-adjointe aux affaires sociales, décide que ça suffit comme ça. Qu’il faut que les personnes décasées, recasées… soit décemment logées.
Trois ans pour les construire,
un bel exploit
Les tours, trois tours, sont construites en trois ans. Elles sont comme un phare qui s’élève au-dessus de la ville, sur une langue de terre, reposant sur des piliers de plusieurs dizaines de mètres de long, 33 exactement, enfoncés dans la vase, le sable, les sédiments jusqu’au calcaire solide.
Quand, pour la première fois, les Pointois qui sont logés dans ces tours regardent par leurs fenêtres, ils ont un mouvement de recul. Jamais ils n’ont été aussi haut. et dire qu’ils vont dormir là.
Certains vont avoir du mal à s’y faire. De longues semaines, d’autres de longs mois. Les mêmes qui passeront trente ou quarante années de leur vie dans ces appartements à 60 mètres du sol.
« Nous vivions là comme dans un gros quartier, en famille, tout le monde se connaissait, on s’entraidait. Il y avait des associations, des parties de football, en bas, dans la cour. » Fred est venu assister aux derniers moments des tours, il a apporté son pliant.
Lui se souvient que, les dernières années, le quartier avait changé, que les habitants des tours avaient quitté le coin pour aller habiter ailleurs. Il se souvient aussi qu’il devenait de plus en plus difficile de loger dans un immeuble aussi haut quand les ascenseurs étaient mis en panne… Avec sa famille, ils ont déménagé avant les travaux de déménagement et de désavantage, il y a cinq ans, ils sont logés dans des petits immeubles, dans la même rue.
Ce lundi, il y a du beau monde : Ary Chalus, président de Région, Alexandre Rochatte, préfet de Région, Teddy Foule, représentant Eric Jalton, président de Cap Excellence, puissance invitante, Thierry Romanos, président de Sikoa, le sous-préfet de Pointe-à-Pitre et la Grande-Terre, André Bruno. Et une grande partie du staff de communication de Cap Excellence, autour de Catherine Bique, pour l’accueil des invités.
Des marins et marinettes d’apparat sont dans le public, vont danser sur une musique nostalgique, c’est un groupe de quadrille pointois qui s’exerçait non loin des tours jusqu’à la crise sanitaire.
Moment émouvant que celui où la pelle a mordu sur le haut de la façade de la première tour : des gravats ont dégringolé au ralenti jusqu’au sol.
Etonnement de voir ce bras articulé, cette pince impitoyable qui déchiquète le béton comme vous déchireriez une vieille enveloppe de papier.
Que va devenir ce vaste terrain une fois les gravats évacués ? C’est Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pitre qui répond : un quartier vert, avec des bâtiments élégants, des espaces où se retrouver, où la jeunesse pourra s’exprimer. Une réhabilitation de ce quartier bienvenue.
De l’émotion et de l’espoir
Les témoignages sont nombreux, chacun veut dire un mot devant les personnalités, c’est l’émotion qui l’emporte. Souvenirs. .
Maurice Nourel, a vu construire les tours Gabarre en 1972 :
Josette Passave, ancienne résidente :
Véronique Jules, qui a passé toute sa jeunesse dans une des tours :
Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pitre :
La partie cérémonie officielle est achevée. Le public, serré derrière des barrières métalliques ajourées, regarde, surpris, la pelle (300 tonnes, presque 70 mètres de long), attaquer le haut d’une des tours.
Pendant les prochaines semaines, ce sera un spectacle banalisé, et puis il ne restera plus rien des trois tours Gabarre, après cinquante ans de présence tutélaire.