En Guyane, pour les territoriales des 20 et 27 juin, quatre listes s’affrontent, dont Changer d’air, conduite par Jessi Américain, conseiller municipal de Saint-Laurent du Maroni.
Vous avez écrit un ouvrage paru chez Ibis Rouge, Nègre Marron, itinéraire d’un enfant du ghetto. Nègre Marron, c’est vous ?
Dans cet ouvrage, vous trouverez un peu de moi, de mon vécu en Guyane, en Colombie, à Paris. mais j’ai aussi romancé. C’est un roman qui permet de suivre mon parcours, qui me permet de dire des choses, sur ce que j’ai vu, constaté.
Qui êtes vous ?
J’ai 32 ans, je suis Guyanais, ma famille est de Maripasoula, Papaichton Apatou, mais ils sont venus s’installer à Saint-Laurent du Maroni. J’ai fait mes études à Sciences Po Paris et à Colombia University. Je suis diplômé en gestion des ressources humaines et relations internationales basées sur l’Amérique du sud. J’ai aussi, j’aime le dire, une capacité professionnelle agricole. J’ai, avant de revenir en Guyane, travaillé en région parisienne, notamment avec des anthropologues. Ah, h’oubliais, j’aile beaucoup la musique !
De retour en Guyane, vous vous engagez en politique…
Tout à fait. Nous avons, avec des amis, fondé un club de réflexion, avant de nous engager encore plus pendant la campagne des municipales en 2020. Nous voulions être au conseil municipal pour changer les choses de l’intérieur. C’est fait. Nous travaillons. De plus, ça a permis de nous faire connaître en Guyane.
Conseiller municipal de Saint-Laurent du Maroni, vous avez décidé de passer à la vitesse supérieure.
Il s’agit dune démarche globale. Nous avons parlé, longtemps, et nous avons décidé d’aller aux territoriales. Notre liste s’appelle Changer d’air.
Quelle est l’ambition de Jessi Américain et ses colistiers ?
Nous voulons agir pour impacter la vie politique de la Guyane. Pour nous, les valeurs traditionnelles sont essentielles. L’amour de la terre, l’amour de la population, c’est important. Nous voulons défendre le peuple, lui apporter un modèle qui nous ressemble. La liste est équilibrée avec quatre femmes et quatre hommes en tête de section. Il y a des jeunes et des personnes expérimentées. Ces personnes sont engagées, en politique, puisqu’il y a d’anciens élus, dans la culture, dans le sport.
Changer d’air, le nom de votre liste, est original.
Oui, nous voulons apporter de la fraicheur à cette campagne.
Qu’est-ce qui ne va pas en Guyane ?
La situation de la Guyane est dramatique, avec 30% de chômeurs, 50 de jeunes sont au chômage. Il y a beaucoup de pauvres sur ce territoire : la moitié de la population. Et il n’y a pas de proposition pour développer économiquement et socialement la Guyane. De plus, cela fait 60 ans qu’on se prend la tête sur un outil institutionnel. Moi, ce que je voudrais résoudre comme équation c’est simplement : comment faire vivre plusieurs identités sur un même territoire ? Seul le littoral est développé. Le reste, c’est laissé à l’abandon, il y a des villages où personne ne va, vers le Haut Oyapock. Nous demandons, avec notre liste, qu’il y ait un rééquilibrage du territoire, dans le respect de l’environnement.
Il y a la forêt et ses villages, mais il y a aussi des quartiers des villes qui sont abandonnés…
Oui, il y a des quartiers populaires, à Cayenne, à Matouri, à Saint-Laurent, Kourou. Dans ces quartiers, il n’y a rien, aucun espoir. C’est tragique. Tragique, aussi, l’état de nos fleuves. Pollués par l’exploitation aurifère. Le mercure tue tout.
Selon vous, il n’y a pas de volonté de développer l’économie en dehors du littoral et de Cayenne ?
Je ne crois pas. La Collectivité Territoriale de Guyane ne s’intéresse qu’au littoral. Cependant, après les mouvements sociaux de 2017, l’Etat a compris et fait son travail. Il y a un lycée qui va être construit, il va y avoir des routes…
Vous voulez gagner cette élection !
Oui, nous y allons pour l’emporter. Nous voulons travailler pour la population.
Si vous deviez avoir trois priorités, quelles seraient-elles ?
Tout d’abord, avoir une vraie politique de connaissance de nous-même. Comment pouvoir impulser une action avec la population si les gens entre eux ne se connaissent pas ?
Ensuite, construire un vrai modèle guyanais et investir pour créer des emplois, produire localement. Il faut encourager la création de structures à taille humaine, de petites entreprises qui fassent vivre les Guyanais. Il y a des choses à faire en agriculture, pêche agro-transformation, pour l’environnement, pour la culture, le tourisme.
Enfin, engager une réflexion. Que est l’objectif de la vie en Guyane ? Etre libre, être heureux.
Propos recueillis par André-Jean VIDAL
Pour en savoir plus : https://chronique-du-maroni.fr/jessi-americain-portrait-dun-enfant-du-ghetto/