PAR DIDIER DESTOUCHES
Il y’a des questions structurelles, et pas seulement ponctuelles, que nos politiques et, je l’espère; la société civile dont les acteurs se regroupent pour agir, doivent enfin se mettre à travailler beaucoup plus sérieusement. En tant que juriste mais aussi simple citoyen, je ne cesse de répéter que les politiques feront toujours avec les règles en vigueur.
Pour oser faire ça, pour oser se projeter ailleurs ou au-delà, et bien, il faut être capable de privilégier la vision plutôt que l’élection. Et là, le terrain devient miné pour beaucoup… puisqu’il l’est déjà pour une bonne partie du peuple. Or pas de projet de relance ou de développement sans un cadre adéquat !
N’en déplaise à beaucoup. Tout projet sérieux de relance doit donc être construit en intégrant ce paradigme (qui en fait partie par nature). Arpenter ce chemin demande une certaine abnégation. Nous savons que nous devons avancer, et pour avancer il faut savoir sortir de sa zone de confort… Plus qu’un leader, Il faut une lucide et courageuse VISION commune pour notre pays car la Guadeloupe est un pays, riche et majestueux de surcroît.
Cette vision est celle du rejet du paradigme de la dépendance institutionnelle pour aller vers celui d’une autonomie économique et politique. Ne jetons pas la pierre aux politiques car il y en a de vaillants. Mais nous devons tous penser unité, créativité, et volonté (collective). Pas seulement panoramique ou transversal… Et pas qu’à cause des changements générés par la #covid19.
Nous entendons de plus en plus : « Consommons local ! » Oui telle est bien l’une des voies concrètes de relance et de développement.
Bien sûr qu’il faut faire des choix draconiens en privilégiant la consommation locale, en réduisant les importations fortement, en repensant le tourisme qui ne peut être le seul élément moteur du développement (quelle aberration !), rebâtir une agriculture paysanne moderne et aller résolument vers la souveraineté alimentaire, développer notre ingénierie numérique et technique et l’exporter, construire l’épargne et la mutualisation, faciliter l’accès aux financements.
Nous voyons avec plaisir que la grande majorité des têtes de listes candidates aux élections régionales veulent aller sur le fond, dans la bonne voie de l’autonomie politique et économique, et avec un volontarisme affiché. Il y a indéniablement un constat que comme la plupart des pays petits ou grands, nous n’avons plus le choix.
Les projets politiques ne devront pas pêcher par manque d’ambition et de concret, en particulier dans le domaine de l’énergie, de la coopération, de la transition écologique et de la structuration de nouvelles filières (aquaculture, ingénierie sociale, économie sociale et solidaire, sport…), de la transformation numérique et de son impact sur le travail.
Les propositions devront saisir la mesure de l’effondrement de l’entertainment et du tourisme et bien sûr de la projection juridique statutaire nécessaire pour faire face aux mutations du monde.
Nous avons savoirs-faire et compétences dans ce pays. Mais les économistes ou les juristes, les experts territoriaux ou consulaires, les cadres administratifs ne sont pas les seuls à devoir contribuer !
Commençons déjà d’ailleurs par les lire… idem pour les politiques et les entrepreneurs.
Au-delà des mots, des déclamations, et des aveuglements volontaires, Il y’a aussi un besoin d’écouter, de voir et de lire ce qui se fait réellement et concrètement, surtout chez nos jeunes qu’il nous faut écouter impérativement !
Il faut aussi, pour construire notre pays la Guadeloupe, avoir plus d’émissions de débat public en télé et radio, afin de changer nos mentalités, nos peurs et cloisonnements multiples qui nous emmènent un peu trop souvent sur les sables mouvants de l’hyper-communication, de l’inertie, et de la défiance mutuelle.
Continuons à élever le niveau du débat et celui de l’action.
Didier Destouches est universitaire, auteur de Du département au pays d’outre-mer : le choix de l’autonomie pour la Guadeloupe.
* version actualisée de Relancer le péyi : changer quel paradigme ?