Conflit de la carrière de Rivière-Sens : « Nous sommes propriétaires des terrains que nous exploitons »

Cela fait des mois que le conflit dure dans deux carrières, une à Deshaies, l’autre à Rivière-Sens/Gourbeyre. Deux carrières qui sont exploitées par des entreprises différentes. Le conflit est entre l’UGTG et l’exploitant de la carrière — ici Rivière-Sens, Jean-Louis Pravaz. Deux carrières qui, semble-t-il, suscitent bien des convoitises quand on entend un leader du patronat lancer un véritable appel « au peuple guadeloupéen pour qu’il s’empare de ces carrières qui doivent revenir au peuple. » Fort heureusement, le peuple guadeloupéen a de la jugeotte et sait bien que l’on ne peut ainsi, sur le coup de tête d’une personne, se rendre en masse à Gourbeyre (ou Deshaies) s’emparer du bien d’autrui… car la carrière de Rivière-Sens appartient à celui qui l’exploite. Rencontre avec Jean-Louis Pravaz, propriétaire de la carrière de Rivière-Sens, qui explique.

Jean-Louis Pravaz. Photo DR

L’UGTG vous reproche de ne pas tenir compte des règles en matière de sécurité.

C’est vite dit et pas explicité. Nous répondons aux exigences réglementaires en matière de sécurité. Nous sommes contrôlé tous les ans par l’inspecteur de la DEAL qui a en charge l’ensemble des carrières. De plus nous disposons d’un OEP, Organisme Extérieur de Prévention, obligatoire dans la profession et qui passe 4 fois par an dans notre carrière pour repérer les points sur lesquels nous n’aurions pas suffisamment insistés. Chaque visite fait l’objet d’un rapport tenu à la disposition de la DEAL. Celle-ci nous a fait savoir que compte tenu de la bonne tenue de la carrière en matière de sécurité, les visites ne seraient plus annuelles mais tous les deux ans.

« Lorsqu’une zone est définitivement abandonnée en terme d’exploitation, de la terre végétale est régalée sur les gradins  réalisés. Immédiatement après, un jardinier va planter des espèces endémiques de la région. »

L’UGTG vous reproche d’être un destructeur de la nature. Il y a quelques mois, bien avant le conflit, une photo circulait sur Facebook et ailleurs, montrant la montagne, au-dessus de la sablière, éventrée jusqu’au sommet. Que répondez-vous ?

Des replantations sont faites sur les gradins. Photo DR

Nous avons une obligation de remettre le site en état au fur et à mesure de son exploitation. Ce que nous faisons. Lorsqu’une zone est définitivement abandonnée en terme d’exploitation, de la terre végétale est régalée sur les gradins  réalisés. Immédiatement après, un jardinier va planter des espèces endémiques de la région, de sorte que 15 à 25 ans après, on retrouve l’état initial de la forêt que nous avions défichée. Des contrôles périodiques sont effectués par des botanistes, des spécialistes de la faune, les services de l’Etat (ONF, Parc National, …) jusqu’ici notre méthode de travail a été exemplaire. Nous y sommes attachés.

Cette photo était floue et prise sous la pluie. Venez constater par vous-même, nous faisons visiter la carrière, cette activité est sous traitée à Caraïbes Factory. Nous disposons d’un film également sur YouTube : Sablières de Guadeloupe (voir ci-dessous).

Récemment, dans une conférence de presse, il s’est dit que les deux carrières, celle de Rivière-Sens, que vous exploitez, et celle de Deshaies, qui est exploitée par quelqu’un d’autre, devaient être reprises et distribuées à d’autres. Qu’en dites-vous ?

Ce n’est pas sérieux de la part de ceux qui ont tenu ces propos. Ce sont eux-mêmes des chefs d’entreprises qui défendent leurs entreprises à tel point qu’ils ont été jusqu’à créer un collectif qui a su bloquer la Guadeloupe pour montrer jusqu’où ils pouvaient aller pour défendre leur bien. Et ils veulent s’approprier les biens d’autrui ?

Nous sommes dans un état de droit me semble-t-il, et ce genre de dérive totalitaire n’a pas sa place ici. C’est un peu comme si vous entrez dans une boutique pour entendre les employés vous dire qu’ils n’ont pas été payés depuis 3 mois. Alors vous sortez votre chéquier, vous les payez et la boutique vous appartiendrait ? Ce dont des propos déplacés, surtout dans le contexte dans lequel ils ont été formulés.

« Les autorisations d’exploitation sont données pour 30 ans et la nôtre va jusqu’en 2043. »

Vous avez une concession d’exploitation longue durée. Elle s’achève quand ?

Il faut savoir que le métier d’exploitant de carrière, c’est à dire de carrier — ces gens en sont encore à confondre avec les carriéristes —, est un vrai métier qui nécessite un savoir-faire, des compétences, des moyens financiers, des machines et des hommes. De plus il faut un gisement et une autorisation d’exploiter nommément donnée à l’exploitant. Celle-ci s’obtient par arrêté préfectoral après une enquête sur les capacités de l’exploitant et une analyse de son plan et de sa méthode d’exploitation. Il y a une étude d’impact qui est réalisée par le demandeur et une proposition de remise en état par des plans quinquennaux.  Les autorisations sont données pour 30 ans et la nôtre va jusqu’en 2043. Par ailleurs le gisement est contenu soit sur des parcelles que l’exploitant possède, soit qu’il exploite avec un contrat de fortage signé avec le propriétaire.

A qui appartient le terrain où se trouve la carrière ?

Aux Sablières de Guadeloupe, nous sommes propriétaires des terrains que nous exploitons. En cas de changement d’exploitant, le dossier est étudié par les services de l’Etat qui se prononcera une nouvelle fois sur les méthodes d’exploitation et de remise en état. Notre dossier d’étude pour obtenir la dernière autorisation nous a pris 6 ans pour être complet.

C’est donc une affaire complexe, et je ne vois pas comment une autorisation d’exploiter, pourrait-être reprise par un autre sans autorisation, sans cession d’entreprise.

Pourquoi cet amalgame entre les deux carrières, de Deshaies et de Rivière-Sens ?

L’amalgame entre les deux carrières vient certainement du fait qu’elles sont en grève en même temps, avec le même syndicat, le même représentant syndical et la même liste de revendications. On découvre aujourd’hui que les motifs de ces grèves seraient certainement animés par des intérêts privés dont les protagonistes se seraient dévoilés des derniers jours.

Pensez-vous que ce conflit puisse s’arrêter rapidement ? Dans quelles conditions ?

Nous avons négocié, fait de nombreuses propositions qui ont toutes été refusées sans avoir été  discutées. Les 8 points sur 9 ont été réglés au début du conflit en deux heures. Le neuvième point — le cas des trois intérimaires qui ne peuvent pas être embauchés car ils ont agressé le directeur technique des Sablières de Guadeloupe, ce qui est une faute lourde au sens du code du travail — est en passe d’être réglé par la DIECCTE et la Région. Aussi nous ne comprenons pas pourquoi cette grève se poursuit.
Nos clients pâtissent de cette grève et du blocage de l’entreprise par une minorité de grévistes aidée par l’UGTG. Nous avons du stock de sable en quantité largement suffisante. Les salariés non-grévistes majoritaires continuent de produire. Personne ne comprend la motivation sinon une manipulation. Les Sablières de Guadeloupe existent depuis 52 ans. Nous n’avons jamais eu de délégués du personnel, il a suffit de la création des CSE par la loi Macron pour que l’UGTG s’empare de ce qui aurait dû être un lieu de réunion entre patron et salariés, pour dénaturer une ambiance de travail que beaucoup enviaient. Nous avons fait une nouvelle proposition de protocole, nous attendons la réponse.

Propos recueillis par André-Jean VIDAL

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