Lundi matin, Lucette Michaux-Chevry comparaitra devant le tribunal correctionnel de Basse-Terre pour une série de faits qui lui sont reprochés dans le cadre de ses fonctions d’élue. A ses côtés, son ancien homme de confiance, Fred Madinecouty.
La CAGSC a décidé de se constituer partie civile dans ce qu’il est convenu d’appeler le dossier Lucette Michaux-Chevry/Fred Madinecouty.
Dans cet énorme dossier, Lucette Michaux-Chevry, ancien ministre, ancien président de Région et de Département, ancien député et ancien sénateur, Georges Chazelas, René-Claude Monrose et Fred Madinécouty, élus et administratifs, à la mairie de Basse-Terre et à la Communauté d’agglomération Grand Sud Caraïbes, ont été mis en examen pour avoir, de 2010 à 2017, détourné des fonds publics, participé à une entente avec des entreprises attributaires de marchés publics, avec des associations, Basse-Terre une passion et Basse-Terre aviron club, des élus et fonctionnaires de la CAGSC. Ce qu’on appelle crûment détournement de fonds publics, escroquerie, trafic d’influence, complicité d’escroquerie en bande organisée, recel de fonds provenant d’abus de biens sociaux.
Ce procès est prévu durer de ce lundi 8 au 19 février.
Que s’est-il donc passé ? Selon l’accusation , une utilisation de fonds publics à des fins personnelles, publiques ou privées, par des élus et des administratifs affidés. Selon la défense de Lucette Michaux-Chevry, une vaste tromperie dont elle aurait été victime de la part de son homme-lige, selon la défense de ce dernier, Fred Madinécouty, l’obéissance quasi aveugle à une élue toute puissante. Les autres mis en examen sont des seconds, voire des troisièmes couteaux…
Il semble que les associations Basse-Terre une passion et Basse-Terre Aviron-club aient servi à payer d’autres prestations que celles prévues par leurs statuts. De plus, les entreprises qui soumissionnaient des marchés publics auraient sponsorisé généreusement ces associations.
« C’est elle, a déclaré aux enquêteurs René-Claude Monrose, à la tête de ces associations, en parlant de Lucette Michaux-Chevry, qui décide de tout et de savoir si l’association travaille pour la communauté ou non. » Entendre la Communauté d’agglomération Sud Basse-Terre (CAGSC).
Depuis 2009, ces deux associations auraient reçu de la CAGSC, mais aussi de la mairie de Basse-Terre et d’entreprises 336 600 euros et débité en espèces 308 600 euros. L’enquête de police établit une similitude dans le fonctionnement des deux associations : décaisser des espèces, une fois des chèques ou des virements entrés.
Concernant Basse-Terre aviron-club, les sommes débités s’élèveraient à 29 600 euros entre 2010 et 2015.
Des accusations précises
Fred Madinécouty expliquait aux enquêteurs que « beaucoup de dépenses sont engagées par Lucette Michaux-Chevry ou à sa demande, beaucoup de promesses sont faites et ne sont pas honorées ». Après les régionales, quand des prestataires auraient réclamé d’être payés, Fred Madinécouty n’aurait pu faire face. Notamement pour des frais de sonorisation, des frais de transport, des frais de sécurité et des frais de réception sur l’esplanade du port de Basse-Terre… Il dit encore qu’un élu de Capesterre aurait reçu de Lucette Micheux-Chevry un chèque de 40 000 euros sous forme de prêt personnel… « Lors des campagnes électorales, poursuit-il, Mme Michaux-Chevry promettait des embauches, des aides financières, matérielles, et puis elle oubliait et je me retrouvais entre le marteau et l’enclume. »
Au point qu’il se serait retrouvé un jour retenu en otage et enfermé dans une maison par cinq voyous recrutés par un responsable d’entreprise qui avait fourni des objets publicitaires lors de la campagne régionale de 2004. « J’ai appelé Lucette Michaux-Chevry. Elle m’a répondu : va à ta banque et demande-leur de te faire un prêt de 25 000 euros. »
Son récit est précis : « Beaucoup d’actions ont été engagées lors des dernières élections municipales et régionales Ces actions se traduisaient par des réceptions, le financement de jeunes pour assurer la sécurité pendant la campagne, des frais de sonorisation, etc. »
Fred Madinécouty raconte comment « lors des campagnes électorales, des sommes importantes (auraient) été distribuées en espèce par Lucette Michaux-Chevry aux élus, des personnes responsables de terrain, des agents de la CAGSC, pour mettre en place et organiser différentes actions qui partent de l’achat de cartons, de colle jusqu’à la présence d’équipes dans les bureaux de vote. »
Fred Madinécouty : « Marie-Luce Penchard et Pascal Averne, responsable du financement de la campagne pour la circonscription de Basse-Terre, m’ont demandé de mettre en place un dispositif de campagne, c’est-à-dire l’installation d’une permanence, l’équipe de distribution de tracts, l’équipe de collage, l’équipe d’affichage, l’équipe de sécurité, l’équipe sono par secteur et d’organiser les réceptions, notamment pour le meeting du port. J’avais connaissance d’un budget de 5 600 euros et je pensais qu’il s’agissait du budget attribué à la commune de Basse-Terre pour le premier tour. J’ignorais qu’il s’agissait du montant global alloué pour les deux tours et attribué pour toutes les communes comprises entre Vieux-Habitants et Trois-Rivières. Une fois la campagne terminée, il a fallu régler les différents prestataires ou fournisseurs. J’ai donc contacté Marie-Luce Penchard pour lui exposer mes difficultés. Elle m’a répondu qu’il fallait que je prenne contact avec Pascal Averne. C’est à ce moment qu’il m’a appris que le plafond avait été largement dépassé et qu’il fallait essayer de trouver des sponsors. »
La défense
de Lucette
Michaux-Chevry
Lucette Michaux-Chevry a recruté Fred Madinécouty en 1986 alors qu’elle était « menacée par les bombes des indépendantistes ». Elle le considère comme un proche qui gère ses affaires courantes, sa maison et dispose de chèques en blanc présignés. Employé communal, puis agent régional, Fred Madinécouty devient le directeur de la communauté d’agglos et donne toute satisfaction. A partir de 2015, Lucette Michaux-Cevry constate un changement : elle l’aurait trouvé « de plus en plus distant et préoccupé ». Ce sont des lettres anonymes qui l’auraient contrainte à opérer des contrôles, mais surtout des lettres du trésorier payeur en 2016 qui déclenchent de sa part des contrôles approfondis et systématiques sur l’activité et les attributions de Fred Madinécouty. Dès lors, Lucette Michaux-Chevry dit ne pas apprécier la méthode de son ancien homme de confiance.
Ainsi pour les procédures des marchés. « Seul le DGS s’intéressait aux résultats des décisions de la commission d’appel d’offres. » Les accusations de sponsoring des associations ? « C’est Madinécouty qui a utilisé ce procédé pour faire payer sa taxe d’habitation »… Plus globalement, elle rappelle que la CASGC a eu recours à un cabinet de conseil financier et juridique afin de bénéficier de la meilleure sécurisation de ses services. Elle observe que « ce cabinet n’a jamais, dans un aucun rapport d’exécution annuel réalisé avec les services financiers de la collectivité, fait la moindre observation permettant à l’exécutif d’être informé ».
Elle explique en outre que son DGS avait une délégation de signature lui permettant d’engager financièrement la communauté à hauteur de 30 000 euros et que « usant de cette confiance, il a instauré une organisation en s’octroyant des pouvoirs exorbitants » et en « écartant systématiquement les élus communautaires de toute gestion, traitant directement avec les services extérieurs, prenant les pleins pouvoirs »…
Selon Lucette Michaux-Chevry, « le prétendu rôle de relais financier que Fred Madinécouty a attribué aux deux associations dans (son) action politique » ne résiste pas à l’examen.