PAR MICHEL N. CHRISTOPHE, professeur de leadership
Pourquoi le communautarisme doit-il nécessairement faire partie des éléments de réponse aux défis qui nous minent ?
Je n’en ai pas cru un mot, lorsqu’un ami m’a expliqué que, ne sachant comment vendre ses cassettes vidéo VHS (certains parmi vous s’en rappellent encore), un commerçant nigérian en utilisa une pour faire un petit film artisanal du voisinage qu’il diffusa ensuite sur un téléviseur dans son magasin. Heureux de se voir à la télé, les gens se sont mis à acheter ses cassettes vierges pour se filmer. J’ai vérifié l’information et quoiqu’elle soit véridique, le cinéma nigérian a débuté bien avant cela. C’est, par contre, à partir de ce moment-là qu’il s’est démocratisé.
Aujourd’hui, « l’industrie cinématographique nigériane est la deuxième plus importante au monde » contribuant à plus d’un million d’emplois dans un pays qui a un taux de chômage de 50 % », selon Le Temps, la référence suisse du journalisme de qualité.
Le communautarisme, une solution économique viable
Il y a plusieurs années, je me suis amusé à visionner des centaines de ces films sur DVD, avant d’y renoncer. Après mon emballement initial, j’ai fini par les trouver insipides et sans intérêt. Ils faisaient du mal à mon cerveau tant les thèmes étaient répétitifs : la sorcellerie, l’infidélité, et la jalousie. Et puis, la qualité s’est améliorée. Aujourd’hui, on peut dire sans risque de se tromper que les Nigérians consomment d’abord leur propre cinéma. Ce qui explique en partie son essor.
Cette réalisation m’amène à mon argumentaire. Le communautarisme apporte des solutions viables aux difficultés économiques que rencontrent les communautés minorisées. Qu’est-ce qu’une communauté ? C’est un groupe de personnes considérées comme égales en droits, vivant ensemble et partageant des intérêts communs.
Petit à petit, les efforts portent leurs fruits
Dans un pays qui interdit la collecte d’informations sur la distribution et la répartition de ses différents groupes ethniques dans les différents secteurs d’activité sur son territoire ; un pays qui nie la discrimination et insiste qu’en parler, c’est faire le jeu de la discrimination, il demeure impossible de confronter efficacement les problèmes spécifiques à ces communautés : les taux surélevés de chômage, le harcèlement policier, la sous-représentation dans les strates les plus élevées de l’activité économique, les difficultés d’ascension sociale…
Aux USA, les communautés ethniques s’organisent pour se défaire du joug historique des effets cumulés de leur domination économique et politique. Petit à petit, leurs efforts portent des fruits. À Atlanta, la richesse croissante de nombre de Noirs interroge la pauvreté de la majorité. Davantage de Noirs créent des opportunités pour eux-mêmes refusant d’attendre passivement le Salut qui doit venir d’un autre. Ces gens-là s’aiment comme si leurs vies en dépendaient. Et leurs vies en dépendent.
Être communautariste, c’est s’aimer soi-même
Nos vies aussi dépendent de l’amour que nous avons pour nous-mêmes. Être communautariste, c’est s’aimer soi-même, c’est prendre soin de soi parce qu’on en a marre d’attendre que ceux qui font semblant de nous aimer nous incluent dans le partage et la prospérité, ce n’est point rejeter l’autre. L’autre prend soin de ses intérêts comme il se doit.
Si les Nigérians ne s’étaient pas mis en tête de faire des films pour eux-mêmes dans lesquels ils contrôlent leurs représentations, pourraient-ils aujourd’hui se targuer d’une industrie cinématographique florissante ? Auraient-ils dû attendre qu’un étranger bienveillant daigne raconter leurs histoires ? Le communautarisme est un début de solution, pas la solution intégrale. Il y a urgence économique. Devrions-nous laisser la pauvreté avoir raison de nous ? Quel pourcentage de vos dépenses sont réinvesties dans votre communauté ?