Haïti. « La France ne se montre pas encore prête à aborder la question de la restitution comme il le faut », selon Fritz Deshommes

Selon le président du Comité national pour les restitutions et les réparations, Fritz Deshommes, la France ne se montre pas prête pour se pencher sur la question de la restitution de la rançon de l’indépendance versée par Haïti. Questionné sur ses attentes par rapport aux annonces des autorités françaises prévues pour le 17 avril, date qui amènera aux 200 ans de la dette de l’indépendance, M. Deshommes a livré ses impressions.

« La France ne se montre pas encore prête à aborder la question de la restitution comme il le faut », a déclaré Fritz Deshomme lors de sa participation à Panel Magik le vendredi 11 avril 2025. Il a tenu ses propos alors que la veille au Sénat français, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a indiqué que « des initiatives seront annoncées le 17 avril » par le président français.

Pour Fritz Deshommes, le président français Emmanuel Macron reste très attaché à « la mémoire de l’esclavage », toutefois a-t-il analysé, M. Macron comme ses prédécesseurs ne sont pas trop enclins à se pencher sur la question de la réparation et de la restitution. « Sur le fait que l’esclavage soit immoral, la France n’a pas de problème. Maintenant est-elle prête à restituer cet argent de manière automne, pour que cet argent ne soit pas utilisé comme l’aide au développement, sans qu’il ne soit géré par des organisations non-gouvernementale ou des agences françaises ? », s’est interrogé M. Deshommes, qui appelle à la vigilance pour la restitution concrète de la rançon de l’indépendance sans autre forme de procès.

À l’approche du 17 avril, le comité national des réparations a lancé toute une série d’initiatives autour de la question de la dette de l’indépendance, de la réparation et de la restitution. Conférence, projections et mobilisations sont au programme, selon Fritz Deshommes.

En Haïti ces activités sont organisées dans les entités de l’Université d’État d’Haïti à Port-au-Prince et dans les villes de provinces. D’autres activités dans la même ligne sont tenues dans les Universités publiques en région (UPR) et à travers les structures du Réseau national de l’enseignement supérieur public (ReNES).

À l’international, Fritz Deshommes a indiqué qu’une délégation du CNRR prendra part à une grande réunion qui sera organisée sur la question des réparations par les Nations Unies à travers son instance permanente pour les Afro-descendants. À cette réunion, a-t-il annoncé, la délégation haïtienne fera le plaidoyer pour la restitution de la rançon de l’indépendance.

Outre l’ensemble de ces manifestations, une pétition a été initiée par le CNRR. Selon l’ancien recteur de l’UEH, la pétition fait partie des « outils de la mobilisation », indiquant l’aboutissement à la restitution de la dette de l’indépendance « un travail de longue haleine ».

« Il faut qu’ensemble le pays se mobilise pour montrer à la France que nous sommes sérieux dans notre demande et que nous avons besoin de l’argent de la restitution mais il y a une manière pour que cela ne se passe pas comme l’aide au développement », a-t-il prévenu.

Compris entre 21 et 115 milliards de dollars selon le mode de calcul utilisé, Fritz Deshommes a rappelé que cette dette a atrophié le développement du pays, en accordant notamment des préférences commerciales à la France tant à l’exportation qu’à l’importation.

Au montant des indemnités, a-t-il indiqué, il faudra « ajouter entre 17 et 20 milliards de dollars qui constituent un manque à gagner en termes de droits de douane que le pays n’a pas collecté » qui représentent une baisse en termes de productions et de valeurs ajoutées.

Dans l’attente que la France se penche sur la question de la réparation et de la restitution, Fritz Deshommes a informé que le CNRR compte travailler sur un plan de développement et de dépenses qui prend en compte « les objets de dépenses » et « le rythmes des dépenses », pour la reconstruction et le développement du pays.

Par ailleurs, l’argent devait aussi contribuer à la réparation sociale de la société haïtienne et résoudre le blocage actuel lié aux inégalités économiques et sociales, a-t-il dit, rappelant que la rançon a été payée au dépend des paysans haïtiens, grâce notamment aux taxes sur l’exportation de café.

Une fois ce travail terminé, a souligné Fritz Deshommes, il sera mis en débat dans la société « pour permettre au pays d’embrasser cette question comme une cause nationale ». Au-delà de la restitution monétaire, Fritz Deshommes a plaidé pour le travail de mémoire pour parvenir à fixer la responsabilité des élites et comprendre le fil de la situation actuelle du pays.

En dehors des manifestations à l’approche du deux centenaire de la rançon imposée à Haïti par l’ordonnance de Charles X en 1825, en échange de la reconnaissance de son indépendance, le CNRR compte entreprendre plusieurs initiatives dont celle de la rédaction d’un livre blanc de la dette ou de projet pour perpétuer la mémoire des torts causés par l’esclavage. Le CNRR travaille sur volet réparation et sur un volet restitution.

« Le volet réparation concerne les torts causés à l’occasion de l’esclavage, ce volet n’intéresse pas seulement nous autres en Haïti mais également les Africains et les Afro-descendants. Sur le volet restitution, nous sommes le seul pays à payer pour son indépendance. Nous sommes pour la restitution de la rançon de l’indépendance et toutes les autres rançons payées aux XIX et XXe siècles », a indiqué Fritz Deshommes.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/255193/la-france-ne-se-montre-pas-encore-prete-a-aborder-la-question-de-la-restitution-comme-il-le-faut-selon-fritz-deshommes

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Actualité

Politique

Economie

CULTURE

LES BONS PLANS​