PAR JEAN-MARIE NOL*
L’idée de la création d’un grand musée de l’histoire de la Guadeloupe, intégrant également les dimensions caribéennes, apparaît aujourd’hui comme une nécessité stratégique, à la croisée des enjeux culturels, économiques et diplomatiques du territoire.
Tout le monde s’accorde à dire que le développement touristique est un enjeu d’avenir majeur pour la Guadeloupe. Un musée préserve le patrimoine local, favorise l’engagement communautaire et stimule l’économie en offrant des expériences éducatives uniques qui attirent des visiteurs divers.
En présentant des objets et des histoires locales, le musée contribue à maintenir les identités culturelles et à combler le fossé entre les générations, tout en servant de centre communautaire, en accueillant des événements culturels et des ateliers pour unir les gens.
Le musée peut également s’associer à des écoles et l’université des Antilles pour améliorer l’éducation et inspirer les générations futures. Dans la perspective de l’adhésion prochaine de la Guadeloupe à la Communauté des Caraïbes (CARICOM), ce projet prend une ampleur nouvelle, s’inscrivant dans une dynamique de coopération régionale et de valorisation du patrimoine partagé entre les îles de la Caraïbe.
Mais au-delà de cette ambition politique et culturelle, ce musée pourrait aussi devenir un levier essentiel pour la relance économique, notamment en soutenant un secteur du BTP en mal de commandes publiques sur le territoire de la Guadeloupe . Financé par les fonds régionaux et européens ainsi que par le ministère de la Culture, il constituerait une réponse concrète aux défis de l’emploi et du développement territorial.
L’enjeu fondamental de ce projet repose sur la nécessité de regrouper les collections éparpillées à travers les différents petits musées de Guadeloupe. Aujourd’hui, ces structures souffrent d’un manque de visibilité et de moyens, freinant leur capacité à remplir pleinement leur mission de transmission et de valorisation du patrimoine. Un grand musée permettrait non seulement de préserver et d’exposer ces collections de manière cohérente et moderne, mais aussi de les inscrire dans un récit historique et identitaire renouvelé, au croisement de l’histoire locale, nationale et caribéenne.
Ce musée devrait être un outil de rayonnement culturel et un atout majeur pour le développement du tourisme notamment de croisière pour le pays Guadeloupe
Le musée n’est pas simplement un espace de conservation, il est aussi un lieu d’éducation, d’innovation et d’échanges. En réunissant en un seul lieu les trésors historiques et culturels de la Guadeloupe et de la Caraïbe, il pourrait jouer un rôle fondamental dans la structuration d’une identité caribéenne partagée.
L’adhésion à la CARICOM ouvre une opportunité unique de dialogue et de coopération culturelle. Ce musée pourrait devenir un centre d’expositions itinérantes , d’événements culturels et de résidences d’artistes en lien avec les autres territoires caribéens. Il serait un vecteur de diplomatie culturelle, permettant à la Guadeloupe de renforcer ses liens avec ses voisins tout en affirmant son rôle au sein de cet espace régional en pleine mutation.
Par ailleurs, ce projet s’inscrit pleinement dans les grands enjeux internationaux contemporains. À travers ses collections et sa programmation, ce musée pourrait aborder des thématiques majeures telles que l’héritage colonial, les mémoires de l’esclavage, les mouvements de décolonisation ou encore les influences croisées entre les cultures africaines, européennes et amérindiennes. Autant de sujets qui résonnent avec les débats actuels sur l’identité, la justice sociale et la réappropriation du patrimoine dans le monde post-colonial.
Ce nouveau projet devrait être, à n’en pas douter, un moteur économique pour la Guadeloupe.
L’impact économique d’un tel projet ne peut être sous-estimé. La construction d’un grand musée représente un chantier d’envergure qui donnerait un second souffle au secteur du bâtiment et des travaux publics en Guadeloupe. Dans un contexte où les entreprises du BTP souffrent du ralentissement des commandes publiques, ce projet serait un moteur de relance économique, mobilisant des architectes , des artisans, des ingénieurs et des entreprises locales.
Une fois construit, ce musée deviendrait un véritable pôle d’attractivité pour la Guadeloupe. Le tourisme culturel est en pleine expansion et les visiteurs, de plus en plus sensibles à l’histoire et à l’authenticité des destinations qu’ils explorent, seraient séduits par un tel lieu. En intégrant ce musée dans un circuit touristique structuré à partir de la croisière, la Guadeloupe pourrait capter un public nouveau, attiré non seulement par ses plages et ses paysages, mais aussi par la richesse de son patrimoine et de sa culture.
Les retombées économiques dépasseraient largement le secteur du tourisme. Un musée d’envergure crée des emplois directs et indirects : conservateurs, médiateurs culturels, restaurateurs d’œuvres, gestionnaires d’événements, artisans et commerçants locaux bénéficieraient de cette nouvelle dynamique. En intégrant une offre éducative et numérique innovante, ce projet pourrait aussi renforcer les liens avec les établissements scolaires et universitaires, favorisant ainsi la transmission du savoir aux jeunes générations.
Un musée pour aujourd’hui et pour demain de nature à apaiser les tensions identitaires…
Loin d’être une institution figée, un grand musée de la Guadeloupe aurait vocation à s’inscrire dans la modernité, en intégrant des technologies immersives et interactives pour offrir aux visiteurs une expérience enrichissante et captivante. Il pourrait être un laboratoire d’expérimentations muséales, en lien avec les enjeux contemporains du développement durable et de la transition écologique.
Plus encore, ce musée ne serait pas seulement un lieu d’exposition, mais un espace de dialogue, de réflexion et de création. Il pourrait accueillir des conférences, des débats, des projections, des performances artistiques et des événements dédiés aux grandes questions sociétales qui traversent la Caraïbe et le monde.
Enfin, ce musée aurait un rôle essentiel dans la préservation et la transmission des mémoires. Il garantirait que les générations futures puissent comprendre leur histoire, leurs racines et les luttes qui ont façonné la Guadeloupe et la Caraïbe. En cela, il s’agirait d’un véritable projet de société, ancré dans les valeurs de diversité, d’inclusion et de partage.
Une opportunité à ne pas manquer , car la Guadeloupe souffre d’une absence d’attractivité culturelle , et c’est pourquoi j’ai la conviction que le musée représente un atout politique et social considérable pour la Guadeloupe. Loin d’être un équipement du passé, le musée sera un lieu d’éducation, de divertissement, de recherche et d’innovation. Le musée joue un rôle d’outil essentiel pour relever les défis de demain, en réponse à des objectifs concrets et à des enjeux transversaux définis par des politiques internationales sur le long terme telles que les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU et l’Agenda 21.
Aux différents niveaux de conception et d’intervention, le grand musée de la Guadeloupe constituera pour les communautés dans lesquelles il est ancré, non seulement un formidable levier de développement économique mais un outil fondamental pour construire une coexistence pacifique et un vivre-ensemble dans un contexte de fortes tensions identitaires, exacerbées par la crise existentielle.
Sa mission fondamentale de protection et de valorisation du patrimoine pour les générations actuelles et futures ne le réduit pas à un rôle cosmétique ou superficiel. Au-delà de sa contribution à la résolution des problèmes économiques et sociaux au niveau local, le musée contribuera de plus en plus, dans un contexte touristique international concurrentiel, à mettre en œuvre des visions diplomatiques et à favoriser des stratégies d’influence, mais aussi à contribuer au rapprochement et à une meilleure compréhension entre les peuples de la région des Caraïbes.
L’idée d’un grand musée de l’histoire de la Guadeloupe est bien plus qu’un simple projet culturel : c’est une vision stratégique qui répond à des enjeux multiples, économiques, sociaux et diplomatiques. Il serait un levier de développement et d’attractivité pour la Guadeloupe, tout en affirmant son appartenance à la communauté caribéenne et en renforçant son rayonnement à l’international.
Son financement, possible grâce aux fonds européens et aux aides du ministère de la Culture, ne serait pas une dépense, mais un investissement sur l’avenir. À l’heure où la Guadeloupe s’apprête à intégrer la CARICOM, ce projet prend tout son sens : il permettrait d’ancrer le territoire dans une dynamique régionale et internationale, en mettant en lumière son histoire, sa richesse culturelle et son identité unique.
Face aux défis de notre époque, il est temps pour les décideurs publics et les élus de saisir cette opportunité et de donner à la Guadeloupe le musée qu’elle mérite. Un musée qui ne serait pas seulement un lieu de mémoire, mais aussi un moteur de transformation pour toute une société.
« Sé jodi nou ka mété rasin démen an tè… »
Traduction littérale :C’est aujourd’hui que nous mettons les racines de demain en terre.
Moralité : Signifie que si l’on veut mener à bien des objectifs de développement, il faut savoir se fixer une ligne de conduite non plus idéologique mais pour l’essentiel économique dès le moment présent.
*Economiste