Cinéma. Magma, une histoire de Guadeloupe

Actuellement à l’affiche en Guadeloupe, Guyane et Martinique, avant sa sortie nationale, le 19 mars, Magma, film de Cyprien Vial, tourné en Guadeloupe, est inspiré de l’éruption de la Soufrière en 1976.

Partant de l’éruption de la Soufrière, en 1976, de la migration de plusieurs milliers de Guadeloupéens, ironiquement surnommés « Magma », de la Basse-Terre vers la Grande-Terre, de la polémique entre Haroun Tazieff et Claude Allègre, de la délicate gestion de crise…, de l’angoisse, la colère des uns à la suffisance des autres, Cyprien Vial a tissé une histoire contemporaine. Un film engagé qui reflète avec justesse l’âme de la Guadeloupe.

Qu’est-ce qui vous a conduit à Magma ?

Cyprien Vial.

Cyprien Vial, réalisateur : J’aime les volcans. La Soufrière a été le premier que j’ai « rencontré ». La première fois que je suis venu en Guadeloupe avec mes parents, j’avais 12 ans. Nous étions chez des amis à Saint-Claude. Pendant tout le séjour de deux semaines, je ressentais une très forte attirance pour la Soufrière, mais on ne la voyait pas : le temps était couvert en permanence. Finalement, le dernier jour du séjour, nous l’avons escaladée, mais on ne l’a pas vue… Elle ne s’est jamais dévoilée. Ce premier contact avec la Soufrière était très ludique, j’avais l’impression qu’elle jouait à cache-cache, qu’elle nous échappait !

Enfant, j’allais beaucoup en Haute-Savoie : j’aime la découpe des montagnes ce sont des paysages très graphiques. En Guadeloupe, j’ai vraiment vécu comme une frustration de ne pas voir la Soufrière. Mais, le fait d’y monter, de la ressentir, plus que de la voir, c’était vraiment très frappant. En l’entendant, on sent bien qu’il s’agit d’un être vivant, complexe, qui a des humeurs…. J’ai tout de suite aimé l’odeur du soufre ! Même sans contact visuel, j’ai l’impression d’avoir vécu une expérience unique, qui faisait un peu peur, mais qui, en même temps, était très galvanisante, très régénérante.

Les autres volcans vous ont fait cette impression ?

Entre-temps, j’ai beaucoup voyagé. En tant que touriste, j’ai développé une forme d’addiction aux voyages sur les volcans. Je suis allé à l’Etna, en Italie, un site magnifique que j’ai découvert pendant l’hiver. Je suis allé sur les îles éoliennes où le Stromboli était une expérience très forte qui m’a rappelé la Soufrière avec la lave en plus. J’ai aussi fait un long voyage en Indonésie où il y a des volcans de divers types. À chaque fois, je recherchais la sensation originelle du voyage en Guadeloupe. Pendant longtemps, j’ai eu envie d’écrire un film qui se passe en territoire volcanique.

Pourquoi le choix de la Soufrière ?

Il y a 4 ans, en découvrant ce qui s’est passé en 1976, en Guadeloupe, j’ai eu envie de faire ce film. J’ai beaucoup enquêté sur l’événement et sa gestion m’a attristé surtout la polémique entre Claude Allègre et Haroun Tazieff.

Comment deux scientifiques ont été capables, à deux, de construire une situation dramatique pour 70 000 personnes avec un déplacement abusif de populations. Cet épisode était très peu médiatisé dans l’Hexagone. En enquêtant en Guadeloupe, j’ai compris qu’il y avait une partie de la population pour laquelle cet épisode était encore très prégnant, surtout ceux qui l’ont vécu, l’ont transmis à leur famille… Et, en même temps, ceux qui ne l’ont pas vécu, n’en connaissent pas les tenants et les aboutissants. Cette situation était intéressante à traiter avec un regard contemporain.

On se rend compte qu’un phénomène naturel, comme l’éruption de la Soufrière, révèle beaucoup d’autres aspects politiques, culturels, sociétaux…, qui racontent la vie, l’histoire de l’île.

Quel a été votre fil conducteur ?

Je me suis demandé, si aujourd’hui une situation similaire se produisait, quel binôme je pourrais inventer. J’ai créé un duo de scientifiques qui seraient capables de s’entendre et peut-être de générer une situation moins compliquée que leurs homologues de 1976.

Avec Magma, vous refaites le match ?

Oui ! J’ai eu envie de refaire le film de façon contemporaine et moins honteuse. C’est ma vision de ce qui pourrait se passer vu l’investissement de l’Observatoire qui n’est pas la même entité qu’en 1976. Ce qui comptait pour moi, c’était de composer un duo moderne avec une femme qui vient de l’Hexagone, installée en Guadeloupe depuis 10 ans, bien intégrée, qui pense peut-être l’être totalement, alors qu’elle ne le sera jamais. Le choix de Marina Foïs s’est imposé assez facilement. Je cherchais une actrice de 50 ans qui soit crédible en vulcanologue, qui soit sportive et qui comprenne les enjeux. Elle a plus un parcours d’humilité que celui d’une grande héroïne flamboyante. Marina a assez vite saisi les zones assez tortueuses du personnage. Il y a notamment une séquence du film où la pression de la crise la pousse à s’isoler. Elle pense qu’elle a raison, elle ne communique plus très bien avec son équipe, elle donne des ordres y compris aux habitants de l’île qui ne demandent rien. C’est un comportement assez classique qui nous a intéressé.

Comme binôme, il fallait un jeune Guadeloupéen, Aimé, qui incarne l’avenir, avec Théo Christine. Il a le savoir technique, mais vit les choses autrement. Je voulais aussi qu’on sente que la Soufrière était le terrain de jeu d’Aimé depuis l’enfance et qu’il avait une relation évidente avec le volcan. Et, Théo Christine a ceci de rare : la nonchalance de l’adolescence et la maturité d’un adulte. C’était l’un des défis du film pour qu’il puisse tenir tête à quelqu’un comme Katia qui n’est pas commode.

Entretien : Cécilia Larney

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Actualité

Politique

Economie

CULTURE

LES BONS PLANS​