« Depuis le début de ma mandature, j’ai souhaité affirmer la culture comme déterminante dans le développement de la Martinique. » Serge Letchimy

Des acteurs du monde culturel martiniquais ont interpelé les élus pour dire leur déception au vu des politiques engagées qui font trop de place à des investissement pour créer ou rénover des structures au détriment du soutien à la création. Serge Letchimy leur répond : « La culture martiniquaise mérite mieux que des polémiques orchestrées. Elle mérite rigueur, engagement et responsabilité. »

C’est avec un esprit ouvert et collaboratif que j’ai parcouru, avec attention, les propositions de votre Manifeste pour une refondation de la politique culturelle en Pays Martinique et vous en remercie. Il est certain que la Collectivité que je préside est sensible à l’appel à l’aide que vous lancez.

Je comprends que la période difficile budgétairement, et surtout impactée par la crise sociale et sociétale que nous traversons tous, rajoute au facteur fragilisant que rencontre le tissu associatif culturel, et plus singulièrement la création contemporaine dans le spectacle vivant que ce soit au plan local, national, voire international.

Depuis le début de ma mandature, j’ai souhaité affirmer la culture comme déterminante dans le développement de la Martinique. Je tiens à vous assurer que les équipes travaillent à l’élaboration d’une nouvelle vision de la politique culturelle dont nous ne saurions vous écarter. Je crois sincèrement que l’avenir des filières artistiques et culturelles dépend de cette co-construction.

Il est important, pour l’avenir du péyi Martinique qui nous est cher à tous, que toutes les expressions puissent s’exprimer et c’est dans ce sens que la présidente de la Commission Culture vous recevra dans les prochains jours. Cette expression est d’autant plus importante que le sujet de la culture constitue une priorité majeure pour notre mandature et une politique locale dont l’ampleur de mise en œuvre peut être vue de manières diverses.

La Collectivité Territoriale de Martinique est et restera un partenaire loyal et fidèle de la cause culturelle. A ce titre, nous sommes désireux de travailler de concert avec les acteurs afin de trouver ensemble une issue favorable dans un contexte ô combien difficile.

Nous ouvrirons ainsi le dialogue le plus large possible avec l’ensemble des acteurs sur un format qui sera choisi par la Collectivité en réponse aux enjeux et défis à venir. Aujourd’hui, plus que jamais, optimiser les ressources est fondamental, diversifier les financements et mutualiser les moyens est indispensable.

Toutefois, si les objectifs que vous reprenez et les propositions que vous formulez semblent intéressantes et peuvent être partagées, je constate que vous réduisez votre réflexion aux spectacles vivants avec des arguments qui me semblent parfois contestables. Vous laissez penser que rien n’est fait en matière de culture en Martinique et il apparait crucial de rappeler, avec force, certains faits et réalités.

Depuis 2021, consciente que l’accompagnement du monde culturel ne se limite pas aux stricts financements, la Collectivité Territoriale de Martinique a engagé une politique culturelle ambitieuse et structurée, visant à soutenir les artistes, favoriser la création artistique, développer les filières culturelles, proposer des lieux d’expression culturelle et rendre la culture accessible à tous. Cet engagement se traduit par des actions concrètes, des investissements significatifs et un accompagnement renforcé des acteurs du secteur, du jeune public, des étudiants et de l’ensemble de la population martiniquaise.

Pour les acteurs culturels

L’accent a été mis sur l’accompagnement de structures publiques et privées qui ont pour vocation de structurer les filières par leurs missions de soutien à la création, à la diffusion, aux résidences, à la recherche, à la professionnalisation et à la transmission contrairement à ce que vous affirmez. L’objectif est d’assurer une offre large et diversifiée pour le plus grand nombre.

Un plan de soutien aux acteurs culturels a été défini pour contribuer au développement des filières artistiques et à leur professionnalisation. Ce dispositif, repensé en 2024, s’adresse désormais non seulement aux associations, mais aussi aux entreprises culturelles et aux artistes professionnels, qu’ils soient reconnus ou émergents. Il couvre six domaines différents : le spectacle vivant, les arts visuels, la littérature, les événements culturels et l’aide à l’acquisition d’équipements culturels.

Entre 2021 et 2024, 688 bénéficiaires ont été accompagnés pour un total de 10,3 millions d’euros, soit en moyenne 2,6 millions d’euros investis chaque année. Ce plan de soutien vient renforcer le fonds de solidarité exceptionnel qui avait été constitué en direction des artistes impactés par la crise Covid pour un montant de près d’un million d’euros.

Le soutien au spectacle vivant s’est renforcé avec l’adhésion de la CTM au GIP Cafés Cultures en 2022, permettant de prendre en charge jusqu’à 60 % des coûts salariaux des artistes se produisant dans les cafés, hôtels et restaurants. Cette initiative, en développement, vise à encourager l’embauche de musiciens, comédiens et techniciens en musique, théâtre et danse, tout en favorisant l’animation culturelle locale.

La structuration de la filière cinématographique et audiovisuelle constitue un autre axe majeur du projet culturel de la Collectivité. Un partenariat renouvelé avec l’État et le CNC pour la période 2023-2025 permet d’accompagner une trentaine de projets chaque année, couvrant l’écriture, le développement et la production.

La CTM y consacre 1,3 million d’euros par an soit 72% de l’enveloppe globale, notamment pour soutenir des œuvres comme la série Tropiques Criminels, qui contribue directement à la professionnalisation des techniciens et comédiens martiniquais.

En complément de cette convention, un appel à projet a également été lancé en partenariat avec Canal + Antilles Guyane pour le soutien aux courts-métrages et documentaires avec plus de 193 000 euros alloués aux projets lauréats.

Pour les étudiants et le jeune public

La CTM a également mis en place un accompagnement spécifique pour les étudiants en formation artistique et culturelle. Depuis 2021, 100 étudiants ont bénéficié d’une aide financière, pour un montant total de 1,5 million d’euros.

L’éducation culturelle a aussi bénéficié d’un renforcement important. En 2022, des ateliers artistiques ont été intégrés dans 14 collèges, impliquant 700 élèves. La Collectivité a investi 70 000 euros pour la rémunération des artistes intervenants. Dans les lycées, un hommage à Marcel Manville a été organisé, avec la participation de 300 lycéens issus de cinq établissements.

En termes d’enseignement supérieur, ce sont plus de 3 millions d’euros par an qui sont dédiés au Campus Caribéen des Arts qui accueille plus de 150 étudiants, artistes en herbe pour des formations de 3 à 5 ans en art, design objet et design graphique.

Pour les Martiniquaises et les Martiniquais

Dans le cadre de la valorisation du patrimoine et de la transmission des savoirs culturels, la CTM a lancé en 2022 le festival « Se Ta Nou Menm », un projet structurant dédié aux traditions musicales, aux danses, aux arts de la parole et à la culture orale. Ce festival a couvert plus de 25 communes, mobilisé 500 artistes chaque année et accueilli un total de 30 000 spectateurs. Près de 300 jeunes de 6 à 15 ans ont bénéficié d’ateliers et d’interventions pédagogiques. Un budget de 245 000 euros a été investi annuellement pour soutenir cette initiative, qui se poursuivra en 2025 sous une forme adaptée et recentrée sur des temps forts.

Depuis 2021, l’initiative Mwa Lang Kréol La a permis d’organiser chaque année de nombreuses manifestations, de proposer plus de 42 interventions en milieu scolaire, avec un investissement annuel de 85 000 euros et, afin de préserver et de promouvoir la langue créole, la Collectivité mettra en place le GIP Kay Lang Kréol La au cours du deuxième semestre de l’année 2025.

Dans la dynamique de mise à disposition d’une offre plurielle, Tropiques Atrium Scène Nationale, bras armé de la collectivité en matière de développement culturel, propose chaque année une saison pluridisciplinaire qui s’étend de septembre à juillet et qui se structure autour de plusieurs axes majeurs à travers des festivals (CinéMartinique Festival, Martinique Jazz Festival, Festival transversal CEIBA), des temps forts culturels (Fenêtres sur Haïti, Cycle Rézistans, Circ’ulez il y a tout à voir, Semaine classique et lyrique), un programme de formation et d’accompagnement (résidences, productions, coproductions, soutien au spectacle vivant), une saison dédiée au cinéma (avant- premières, rencontres professionnelles et projections), une programmation arts visuels (expositions à l’espace Christiane Eda-Pierre, La Véranda et Arsenec), une action de territorialisation, avec une salle mobile de 300 places et des interventions en communes et un volet éducatif, avec des actions en milieu scolaire pour sensibiliser les jeunes générations. Le budget qui y est consacré est en moyenne de 2,9 millions d’euros en fonctionnement et investissement.

Cet investissement massif de la CTM renforce les infrastructures culturelles, soutient la création locale et garantit l’accès à la culture pour tous. Il s’inscrit dans une politique culturelle ambitieuse, alliant structuration des filières, pérennité, diffusion des œuvres et développement des talents martiniquais.

L’accessibilité des musées, domaines et sites culturels aux publics scolaires et aux familles est et restera également une priorité pour notre mandature. Entre 2021 et 2024, 12 000 élèves ont été accueillis dans les musées et domaines. La fréquentation globale est passée de 30 000 visiteurs en 2021 à plus de 72 000 en 2024. Les recettes issues des billetteries et des boutiques ont quasiment doublé en trois ans, passant de 100 000 euros en 2021 à plus de 180 000 euros en 2024. Il est regrettable que votre regard exprime une telle condescendance pour l’activité muséale.

Face à ces chiffres, je ne peux pas vous laissez dire que les infrastructures ne représentent qu’une « politique culturelle qui repose sur le bâti… en soutien à la filière BTP ». C’est inexact et réducteur. L’investissement dans ces outils structurants est définitivement au service du développement culturel. Les infrastructures représentent des lieux forts d’expression de la création et d’accessibilité de la culture au plus grand nombre. Sans infrastructure, l’expression culturelle serait limitée. Les infrastructures culturelles sont des piliers essentiels de la transmission et de la démocratisation artistique. Elles permettent aux artistes de s’exprimer, aux œuvres d’être diffusées, aux savoirs d’être transmis.

Ces lieux sont bien plus que des bâtiments : ils sont des espaces de vie, d’apprentissage et d’échange, au service de la culture et de la population. Oser dire qu’ils ne sont pas une priorité, c’est nier leur rôle fondamental dans l’accès à la culture.

Aussi, forte d’une vision culturelle beaucoup plus large, la Collectivité Territoriale de Martinique continuera à moderniser des sites existants et continuera à concevoir des projets structurants pour le péyi Martinique.
Cette politique de refonte des infrastructures culturelles propose principalement sur des financements d’investissement adossés aux fonds européens, non disponibles pour un accompagnement des acteurs et projets culturels qui relèvent pour leur part de financements en fonctionnement. Parmi ces projets, on retrouve notamment la réhabilitation du Centre de Découverte des Sciences de la Terre, de la Maison des Volcans et de l’Observatoire du Morne des Cadets, pour un montant de 2,9 millions d’euros. La construction du Conservatoire de musique, de danse et d’art dramatique, pour coût de 7,5 millions d’euros, est également en cours, avec plus de 3 millions pris en charge par la CTM et une livraison prévue en 2025. Le Centre d’Interprétation du Patrimoine Culturel Immatériel, prévu en 2028, représente un investissement de 20,4 millions d’euros, et la réhabilitation de la Maison d’Aimé Césaire est estimée à 2,1 millions d’euros.

Ces chiffres témoignent de l’engagement massif de la CTM en faveur de la culture, sur tous les fronts. La volonté d’accompagnement est une réalité incontestable, appuyée par des financements et des dispositifs concrets qui renforcent l’accès à la culture pour tous. Il est également important de rétablir la vérité face aux accusations infondées concernant le soutien de la Collectivité Territoriale de Martinique à ETC Caraïbe. Les chiffres sont clairs et incontestables.

Entre 2019 et 2020, cette association a perçu moins de 22 000 € pour le financement de ces actions. Depuis 2021, ce montant a été multiplié par dix avec un accompagnement de plus de 253 000 euros pour les Théâtrales et les Rencontres des écrivains, son programme d’actions et l’appel à projets « Césaire, autre horizon » dont elle est une des lauréats.

L’implication de la Collectivité n’est donc pas à remettre en question dans le soutien à la création artistique et littéraire, bien éloignée de l’absence de subvention constatée de la part de l’Etat que vous n’osez pas critiquer. Bien évidemment, des dispositifs de contrôles seront mis en œuvre afin de vérifier l’usage légal de ces fonds, de mesurer les retombées en termes de politique culturelle et s’assurer qu’ils ne sont pas utilisés au seul fonctionnement de l’association. La Collectivité Territoriale de Martinique poursuivra son accompagnement, pour l’avenir du péyi Martinique, sans pression ni approximation, dans la transparence et dans un esprit collaboratif. L’échange auquel vous êtes conviés dans le courant de la semaine prochaine s’inscrit dans une dynamique constructive, faite de propositions réalistes et argumentées.

Notre détermination ce n’est pas simplement d’installer une politique de guichet mais de créer les conditions d’un développement durable de la culture capable de faire identité.

La culture martiniquaise mérite mieux que des polémiques orchestrées. Elle mérite rigueur, engagement et responsabilité.

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