Nicolas Vion, président de l’Union des Métiers des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) Guadeloupe, vient de communiquer un courrier qu’il envoie à tous les journalistes de Guadeloupe, pour les exhorter à aider l’économie locale. Comment ? En disant que cette situation ne peut plus durer, en relayant le cri d’alarme (de détresse) des chefs d’entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane…
A ce courrier sont rattachés deux autres courriers, l’un pour le préfet Alexandre Rochatte (et aussi pour ses homologues de Martinique et de Guyane) et un autre pour Bruno Lemaire et Jean Castex, l’un en charge de l’économie nationale, l’autre du gouvernement de la France.
Ici, nous le faisons, depuis le début de cette pandémie. Et nous continuerons de le faire, avec conscience. Sans verser dans un pathos extrême pour les chefs d’entreprises, mais sans oublier que, derrière ces chefs d’entreprises qui se battent pour ne pas sombrer, il y a des milliers d’emplois à sauvegarder.
André-Jean VIDAL
Que dit Nicolas Vion dans son courrier, qui précède deux autres courriers, l’une à Alexandre Rochatte, préfet de Région, l’autre à Bruno Lemaire, ministre de l’Economie et des Finances et Jean Castex, Premier ministre ?
« Nous (chefs d’entreprises) sommes convenus que rien ne justifiait cette mesure (des motifs impérieux, pour pouvoir se déplacer, et interdire autrement les déplacement depuis l’Hexagone en Guadeloupe, Martinique, Guyane) pour notre département alors qu’aucun département hexagonal n’est frappé de la même peine, et que notre taux de positivité, est l’un des meilleurs d’Europe.
L’UMIH Guadeloupe, rejointe par les organisations professionnelles des Métiers des Industries Touristiques de Guyane, Martinique, Saint Martin, déplore que, malgré l’inscription du frontispice de notre République: « Liberté, Égalité, Fraternité », il n’y ait plus aujourd’hui, dans nos territoires situés en périphérie de la France, une, mais trois populations :
• Une population de salariés qui touche 100 % de ses revenus antérieurs, et qui a une garantie de l’emploi à vie;
• Une population de salariés qui touche 70 % de ses revenus bruts antérieurs et qui n’a pas la garantie de l’emploi;
• Et enfin une population nombreuse de non-salariés qui touche de 10 à 20 % de ses revenus antérieurs, et qui n’a ni la garantie de l’emploi, ni la garantie de conserver son patrimoine professionnel, parfois construit en 20 ans ou 30 ans d’efforts, et surtout, patrimoine qui constitue très souvent sa seule ressource au moment de sa retraite.
Face à ce constat incontestable, comment développer le ressenti, que nous appartenons tous à une même communauté solidaire? »
« Guadeloupéens, Martiniquais, Guyanais et Saint-Martinois roulaient tous à 100 à l’heure, en quatrième vitesse. »
Il poursuit : « Avant la crise sanitaire, Guadeloupéens, Martiniquais, Guyanais et Saint-Martinois roulaient tous à 100 à l’heure, en quatrième vitesse.
Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, un grand nombre roule toujours à 100 à l’heure, d’autres à 70 à l’heure, et d’autres encore à 20 à l’heure. Depuis le 16 mars 2020, les industries touristiques de nos territoires ont essayé de rouler à 20 à l’heure, mais certains y ont déjà renoncé, et sont au point mort.
Un point mort prolongé pourrait les conduire à disparaître.
Le climat anxiogène qu’on laisse, au niveau national, s’étaler avec insistance dans les médias, conduit à un repli sur soi déplorable, au découragement d’un grand nombre, à la résignation, et à un épuisement généralisé croissant.
Peu à peu, nos visiteurs d’hier deviennent casaniers, acceptant tout au plus, des déplacements de proximité, et non plus une ouverture vers une internationalisation pacifique du genre Humain.
Cela risque de conduire aussi, peu à peu, à une perte de confiance de la population envers ses représentants élus, la population pouvant prendre de plus en plus conscience, à tort ou à raison, que ces derniers, avec leurs revenus et leurs emplois garantis, ne font plus partie du même monde que le peuple, qui lui, est existentiellement au cœur de la crise sanitaire, et en souffre. »
Le tableau dépeint ensuite, au long du courrier, appelle à une prise de conscience.
« En Guadeloupe, 43 % des salariés relèvent du secteur public et n’ont pas eu jusqu’ici leurs revenus impactés par la crise économique enfantée par la crise sanitaire. Pour une grande partie d’entre eux, la situation est loin d’être dramatique. En ont- ils conscience? Si oui, ils ne peuvent alors qu’être solidaires avec leurs concitoyens moins privilégiés par le destin.
Ceux des salariés qui ont bénéficiés du chômage partiel peuvent se dire parfois, qu’avec des revenus d’un montant de 84 % du net (70 % du brut), leur situation est acceptable puisqu’ils sont « comme en vacances chez eux », qu’ils n’ont plus à assumer les contraintes et les coûts des déplacements, et finalement, comme disait la mère de Bonaparte: « Pourvu que ça dure … »
Restent tous les autres qui sont à la peine …
Chacun doit avoir conscience que les ressources financières de l’État, c’est à dire les nôtres en fait, celles des contribuables, deviendront de plus en plus maigres, et que l’État sera bien obligé de faire des économies, qui ne pourront que se répercuter douloureusement dans tout le corps social.
Considérer que l’on fait partie d’une catégorie « protégée » de la population parce qu’on bénéficie d’un statut momentanément protecteur, c’est comme être sur le pont d’un bateau qui coule : certes, on n’a pas encore de l’eau jusqu’au mollet, mais conscient ou non, le niveau monte …
Il ne s’agit pas d’arbitrer entre la santé et l’économie, débat aussi stérile que celui qui demanderait de choisir entre boire de l’eau impure ou ne pas boire du tout : il faut raison garder !
Faut-il choisir entre vouloir travailler en toute conscience et responsabilité, dans le respect de soi-même et des autres, ou l’inaction par peur d’un risque qui pourrait survenir?
Le VRAI sujet : les Guadeloupéens sont-ils moins matures que les Français de l’Hexagone qui eux, ne sont assujettis ni à confinement, ni à motifs impérieux pour se déplacer ?
Si la population perçoit peu à peu les dangers croissants de cette crise pour son emploi, pour celui de ses enfants, pour les revenus de chacun, pour la cohésion familiale et sociale, alors elle saura trouver réponse à sa mesure.
Un grand nombre de nos concitoyens Guadeloupéens du monde économique relevant des activités privées demande la levée des motifs impérieux, car ils veulent travailler et non vivre d’aumônes : qui peut contester que cette mesure qui nous frappe est inégalitaire et sans fondement au regard du taux de positivité à la Covid ?
Si, le texte qui suit, milite pour une levée réfléchie des motifs impérieux, qui sont mortifères pour nos économies antillaises, il souligne néanmoins que si la mesure est nécessaire, elle n’est pas suffisante. »
Il donne ensuite à méditer sur les deux courriers et à s’en faire l’écho :