Inculpé dans le dossier de corruption de la Banque nationale de crédit (BNC), le conseiller Louis Gérald Gilles récuse tous les cabinets d’instruction du tribunal de première instance de Port-au-Prince. Il évoque une « suspicion légitime » contre tous les magistrats, notamment Benjamin Félismé qui a émis un mandat de comparution contre lui et contre deux autres conseillers présidentiels.
Alors que le membre du CPT Louis Gérald Gilles est convoqué au cabinet d’instruction le 9 décembre prochain pour répondre aux questions du juge Benjamin Félismé qui l’a inculpé dans le dossier de corruption de la BNC, Monsieur Gilles, à travers ses avocats, a récusé tous les cabinets d’instruction au tribunal de première instance de Port-au-Prince. Les avocats affirment que leur client a des suspicions contre tous les juges du tribunal de la capitale.
« Cette suspicion légitime est justifiée par les motifs suivants : attendu que suite à la transmission au parquet de ce ressort du rapport en date du 2 octobre 2024 de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) relativement à une affaire dite « affaire la BNC », dans laquelle le nom du requérant, Conseiller-Président de la Transition de son état, ainsi que deux de ses pairs, a été mal à propos cité, le dossier a été déféré au cabinet d’Instruction et distribué par devant le juge et juge d’Instruction Benjamin Félismé aux fins d’instruction et d’information. Attendu qu’après avoir pris connaissance du dossier, le juge d’instruction, devant agir à la lumière de la loi et des principes de droit, est tenu de vérifier la qualité des personnes mises en cause avant de poser tout acte d’instruction », écrivent les avocats de Louis Gérald Gilles.
Ils ajoutent dans la récusation: « Attendu que ne l’avait pas fait, le juge d’instruction a commis l’erreur d’inviter dans un premier temps le requérant sous la date du 19 novembre 2004, en l’occurrence le Conseiller-Président de la Transition, Louis Gerald Gilles à se présenter par devant lui, en dépit de son statut de Président de la République, passible seulement par devant la Haute Cour de Justice pour des présumés crimes et délits qu’il aurait commis dans l’exercice de ses fonctions président, ce, conformément aux prescrits de l’article 185 de la Constitution de 1987 amendée et en vigueur. »
Comme pour donner un scoop, les avocats de Louis Gérald Gilles, Me Éphésiens Joissaint et Me Mozart Clérisson soulignent que la Haute cour de justice n’existe pas pour le moment, seule instance judiciaire capable de se prononcer sur « la destitution du président en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat. » Selon eux, l’inexistence de cette Cour « ne devrait être nullement une excuse pour le juge, puisque la Constitution n’autorise pas ce dernier à en passer outre en pareille circonstance, les prescriptions constitutionnelles étant d’interprétation stricte et d’ordre public. »
Ces avocats mettent en avant aussi, le fait que, selon eux, « les fonctions de président de Louis Gerald Gilles lui sont conférés respectivement par l’arrêté du 15 avril 2004 nommant les membres du Conseil de la Transition, le Décret de 10 avril 2024 portant création du Conseil Présidentiel de la Transition, le Décret du 23 mai 2004 déterminant l’Organisation et le Mode de fonctionnement du Conseil Présentiel de Transition (CPT) ainsi que la Résolution du 7 mai 2024 relative à la prise des grandes décisions du CPT. »
Les avocats soulignent qu’une requête a été adressée au juge d’instruction Félismé le 28 octobre 2024 « pour lui expliquer, ce, avec textes légaux à l’appui, qu’il se doit de s’abstenir d’instruire contre le Conseiller-Président de la Transition, Louis Gérald Gilles et de rendre son ordonnance de refus d’informer en la circonstance, il n’en a fait cas, et préféré de poursuivre cette voie tortueuse lorsqu’il a décidé de transformer le mandat d’invitation en celui de comparution dans lequel il a inculpé le Conseiller-Président Louis Gérald Gilles et lui demande de comparaitre par devant lui le 09 décembre pour tous les faits insérés dans le réquisitoires d’informer du Parquet… »
Selon ces avocats, l’impartialité des tribunaux ne doit pas être l’objet d’aucune suspicion raisonnablement possible. « De ce qui précède, le Conseiller-Président de la Transition, Louis Gérald Gilles récuse en masse et demande le dessaisissement des cabinets d’instruction de tous les juges d’instruction du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, notamment celui du Juge d’Instruction Benjamin Félismé, pour cause de suspicion légitime, ce qui équivaut au renvoi des Juges d’Instruction de ce Tribunal au profit des autres Juges d’instruction d’un autre Tribunal Civil de la République », concluent les avocats au nom de leur client.
Pour rappel, l’ancien président du Conseil d’administration de la BNC avait dénoncé les conseillers présidentiels Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin qui, selon lui, avaient exigé de sa part 100 millions de gourdes pour son maintien à la tête de la banque. L’Unité de lutte contre la corruption dans son rapport d’enquête réclamait la mise en mouvement de l’action publique contre ces Messieurs « pour abus de fonction, versement de pots-de-vin et corruption passive. »
Désormais inculpés dans cette affaire, Louis Gérald Gilles a été convoqué au cabinet d’instruction le 9 décembre, Emmanuel Vertilaire le 10 décembre et Smith Augustin le 11 décembre.
Source : Le Nouvelliste