Face à la drépanocytose, maladie génétique la plus répandue au monde, Jenny Hippocrate a choisi la vie. Pour son fils, mais aussi pour tous ceux qui en sont atteints.
Psychologue, devenue présidente de l’Association pour l’information et la prévention de la drépanocytose (APIPD), qu’elle a créée, Jenny Hippocrate milite à travers le monde. Pour informer, lever des fonds, faire avancer la recherche, tordre le cou aux a priori… Un combat quotidien qui porte ses fruits.
En dehors de la Journée de lutte contre la drépanocytose et des concerts de solidarité, la date du 1er novembre restera importante dans votre engagement…
Jenny Hippocrate : Oui ! À partir du 1er novembre, la drépanocytose sortira du ciblage ethnique. C’est une sacrée bonne nouvelle : l’APIPD, Association pour l’information et la prévention de la drépanocytose, que je préside, se bat depuis 18 ans contre le ciblage ethnique qui est anticonstitutionnel, nous dévalorise et racialise encore plus la maladie. Les Noirs sont dépistés à la naissance. Or, il y a aussi des malades dans d’autres communautés.
En 2019, le professeure Marina Cavazzana a réalisé un dépistage : plusieurs bébés blancs étaient passés à travers les mailles du filet ! C’est un combat gagné grâce à une poignée de personnalités, dont Frédéric Piquionne, Wendy Renard…. et d’autres ambassadeurs de l’association, des parlementaires de l’Hexagone qui ont porté ce projet auprès de la Première Dame qui a transmis au Président de la République.
La drépanocytose étant considérée par beaucoup comme « une maladie de Noirs », « qui n’est pas rentable », si nous n’avons pas de relais comme les sportifs de haut niveau, les artistes…, on n’y arriverait pas.
Quelles sont vos autres priorités ?
Fin novembre, nous défendrons auprès de l’Assemblée nationale l’idée de faire de la drépanocytose une Grande cause nationale, à l’instar du Sida, du tabagisme, de l’alcoolisme… pour disposer d’une campagne de sensibilisation à grande échelle. Cela permettra aussi que l’Education nationale mette en place un programme pour sensibiliser les élèves. Aujourd’hui, nous intervenons dans les établissements au cas par cas, à l’initiative de l’association… et sans aucune subvention, comme pour toutes les actions que nous menons à travers le monde ! Faire de la drépanocytose une grande cause rendrait la maladie plus visible.
Selon vous, les territoires d’Outre-Mer ont une bonne connaissance de la drépanocytose, des causes, des symptômes…
Non ! Il y a encore un énorme travail à faire ! Nous avons échangé avec une jeune fille, âgée entre 17 et 20 ans, en Martinique. Au mot drépanocytose, elle nous demande : « C’est quoi cet animal ? » On lui demande si elle connaît Jenny Hippocrate. Elle répond : « Oui ! je suis fan d’elle ! » Il y a un vrai décalage.
Le peuple est peut-être averti, sensibilisé, mais il n’est pas intéressé, sans parler de la désinformation au sujet de la drépanocytose, ce qui n’arrange pas les choses. Non seulement, les gens ne se sentent pas impliqués, pas intéressés, ils pensent que « Ça n’arrive qu’aux autres ! ». Ils ne donnent pas leur sang, vital pour les personnes drépanocytaires. Pour les dons, ils préfèrent le champagne en boîte de nuit plutôt qu’aider une association. Que faut-il faire ?
Nous pensons bombarder avec des spots à la télé, mais pour cela, il faudrait que les chaînes publiques jouent le jeu. Nous sommes présents sur Internet, TikTok, YouTube… Nous pouvons aussi compter sur les porteurs de parole : des sportifs de haut niveau, des artistes qui interviennent bénévolement.
Le Téléthon profite aussi à la drépanocytose…
Le Téléthon nous aide, comme plusieurs autres maladies, donc nous ne sommes pas prioritaires. Il faudrait quelque chose à l’échelle du Téléthon pour la drépanocytose, mais ce n’est pas pour demain ! Il faudrait sortir de l’immobilisme, du laxisme, voire de l’obscurantisme, pour certains ! C’est compliqué.
Entretien : Cécilia Larney
Premier concert Drépaction en Guadeloupe
Capté le 4 mai, à Lakaz’Art (Baie-Mahault), le premier concert de solidarité Drépaction en Guadeloupe sera diffusé sur Guadeloupe La 1e, le 31 octobre. De nombreux artistes engagés contre la drépanocytose avaient rendez-vous avec le public pour un concert exceptionnel, afin de sensibiliser, d’informer sur la maladie, d’aider au financement de la recherche et d’accompagner les malades et leurs familles.
Autour de Jenny Hippocrate, présidente de l’association APIPD (Association pour l’information et la prévention de la drépanocytose), et du chanteur Medhy Custos, parrain de l’évènement, étaient présents sur la scène de Lakaz’Art : Valérie Tribord, Dasha, Jean-Michel Rotin, Orlane, Warped, Jessye Belleval, Loy Sonjah, Félyne, Florence Naprix, qui a co-présenté la soirée avec Yannick Milon. Une réalisation d’Arnaud Legoff pour BCI.
Sur Guadeloupe La 1e, jeudi 31 octobre, à 20 h 05