Le commissaire du gouvernement près la cour d’appel de Port-au-Prince, Claude Jean, a rendu son réquisitoire interjeté par plusieurs des personnes inculpées dans l’ordonnance sur l’assassinat de Jovenel Moïse.
Le commissaire du gouvernement près la cour d’appel de Port-au-Prince, Claude Jean, a rendu son réquisitoire interjeté par plusieurs des personnes inculpées dans l’ordonnance sur l’assassinat de Jovenel Moïse. Dans ce document de plus d’une dizaine de pages, le magistrat a demandé à la cour « d’accueillir favorablement l’appel des nommés Jean Laguel Civil, Zéphirin Ardouin, Claude Joseph, Marky Kessa, d’infirmer l’ordonnance querellée et d’ordonner des suppléments d’information dans chacun des cas pour les motifs les concernant. »
S’agissant de Claude Joseph, selon le document, l’ancien PM a demandé l’information de l’ordonnance, avançant qu’aucun lien n’est établi entre lui qui était un proche du défunt président et l’association qui a exécuté l’œuvre macabre.
« Attendu que le juge s’est basé seulement sur des déclarations faisant croire qu’il manifestait le désir de prendre le pouvoir mais que la stratégie utilisée pour y parvenir n’est jusque là pas établie ; Attendu que parcourant l’œuvre du premier juge il est évident de constater que les déclarations qui sont retenues comme indice par le juge instructeur ne relient pas l’appelant aux assaillants, donc il n’est pas suffisant de dire qu’un crime profite à quelqu’un que cela suffit à le retenir pour responsable de ce crime sans établir un lien de cause à effet entre l’individu et le fait qu’il bénéficie ; Attendu que pour n’avoir établi aucun lien entre l’appelant et les autres inculpés l’œuvre querellée doit être infirmée et un supplément d’information doit être ordonné pour vérifier les éventuels liens entre cet appelant et les assaillants qui ont commis le crime », peut-on lire dans l’acte.
Ardouin Zéphirin a soutenu que le juge d’instruction n’a pu établir de lien existant entre lui et les exécutants du crime. Le ministère public a requis un supplément d’information pour vérifier l’éventualité de ce lien.
« Attendu que c’est en matière de simple police et de délit correctionnel que les rapports et procès verbaux ont force probante ; Attendu que, en matière criminelle c’est la liberté de preuve, d’autant qu’à l’instruction on est à la recherche des indices et non des preuves, pourquoi cette exception se trouve mal fondée et doit être rejetée ; Attendu que les exécutants du forfait ont été appréhendés en flagrant délit, la responsabilité de chaque complice doit être établie par le lien de causalité existant entre celui-ci et les auteurs matériels de l’acte ; Attendu que parcourant l’ordonnance querellée il n’est pas permis de constater un quelconque lien entre cet inculpé et les exécutants du crime, pourquoi l’ordonnance doit été infirmée en ce qui le concerne ; Attendu que le fait que le premier juge n’a pas pu établir ce lien ne signifie pas qu’il n’en existe pas alors un supplément d’information est nécessaire pour vérifier l’éventualité de ce lien », soutient le ministère public
De son côté, Jean Laguel Civil, le responsable de l’USP, a rejeté les allégations selon lesquelles il avait reçu des pots-de-vin pour faciliter l’exécution du crime.
« Attendu que pour soutenir ce point de droit le sieur Jean Laguel Civil avance que non seulement il a réagi promptement à l’appel du président de la République en détresse, mais il conteste les allégations du témoin Pierre Espérance, auditionné au cabinet d’instruction, ainsi que l’exemple biblique pris par le juge comme indice justifiant son renvoi ; Attendu que, effectivement les rapports téléphoniques montrent la réaction rapide de l’appelant suite à l’appel du Président en détresse dans la soirée du 6 au 7 juillet 2021 ; Attendu que les témoignages du sieur Pierre Espérance sur la somme de cent mille ($100 000) dollars qu’aurait reçue le sieur Jean Laguel Civil ne peuvent pas constituer d’indice suffisant au renvoi ; Attendu que le juge d’instruction ne peut pas se baser sur des suppositions pour renvoyer un inculpé par-devant la juridiction répressive mais ce qu’il a fait en prenant l’exemple biblique de Jésus de Nazareth qui a été trahi par Juda, c’est un motif folklorique qui à lui seul suffit à justifier l’infirmation de l’ordonnance en ce qui concerne le sieur Jean Laguel Civil ; Attendu que l’appelant en a profité pour solliciter une liberté provisoire alors qu’il est clair qu’il n’y a pas de liberté provisoire pour des faits emportant peine afflictive et infamante selon le vœu de l’article 95 du CIC ; Attendu que il sera nécessaire d’approfondir la piste de pot-de-vin alléguée par le témoin Pierre Espérance, un supplément d’information sera requis. Ainsi, sur l’appel du sieur Jean Laguel Civil l’infirmation de l’ordonnance et un supplément d’information seront requis », tranche le magistrat Claude Jean.
L’ancien maire de Jacmel Marky Kessa soutient que le juge a violé le Code d’instruction criminelle qui lui fait obligation d’instruire à charge et à décharge pour n’avoir pas pris en compte les déclarations faites par-devant lui, tout en se réservant le droit de prendre d’autres moyens.
« Attendu qu’effectivement le devoir du juge d’instruction d’instruire à charge et à décharge l’oblige à vérifier les déclarations de l’inculpé pour évaluer ses valeurs, mais que dans ce cas précis le juge n’a fait aucun cas des déclarations de celui-ci, il se contente seulement de prendre pour indice suffisant le fait que l’inculpé ne cache pas ses liens avec d’autres inculpés qui avouent leurs rôles dans le crime ; Attendu que l’inculpé Marky Kessa soutient qu’il y avait deux rencontres de discussion sur des projets de développement avec l’organisation CTU les 5 et 6 avril 2021, il était nécessaire que le premier le confrontait avec les inculpés qui ont participé à ces rencontres, donc pour ne l’avoir pas fait il y a lieu de requérir l’infirmation de l’ordonnance pour violation du principe de l’instruction à charge et à décharge ; Attendu que, dans le dispositif de son acte d’appel le sieur Marky Kessa demande à la cour d’infirmer l’ordonnance querellée sur la base de la mésinterprétation de la notion de complicité, alors qu’il n’a soumis aucun moyen pouvant étayer cette demande, ce moyen doit être écarté; Que donc la cour sera requise d’infirmer l’ordonnance querellée relativement à l’inculpé Marky Kessa et en ordonner un supplément d’information pour confronter les déclarations de l’inculpé à celles d’autres inculpés », soutient le commissaire du gouvernement dans son réquisitoire.
Par ailleurs, le magistrat Claude Jean a demandé à la cour de rejeter l’appel des nommés Joverlein Moïse, Léon Charles, Jude Laurent, Martine Moïse, Victor Albeiro Pineda Cardona, John Jairo Suarez Alegria, Manuel Antonio Groso Guarin, John Jairo Ramirez Gomez, Jhon Jader Andela, Neil Caceres Duran, Francisco Eladio Uribe Ochoa, Alex Miyer Peña, Jheyner Alberto Carmona Flores, Enalber Vargas Gomez, Angel Mario Sierra, Naiser Franco Castañeda, John Jairo Suarez Alegria, Carlos Giovanni Guerrero Torres, Edwin Enrique Blanquicet Rodriguez, Juan Carlos Yepes Clavijo et Gersain Mendivelso Jaimes pour absence de moyens.
Le commissaire a également demandé de rejeter l’appel des nommés : Jeantel Joseph, Joseph Félix Badio, Phénil Gordon Désir, Ashkard Joseph Pierre, Jacques Sincère, Hubert Jeanty Louis Gonzague Day pour des fins, moyens et conclusions non fondés.
Selon une source contactée par Le Nouvelliste, les juges de la cour d’appel ne sont pas tenus d’appliquer les conclusions du commissaire du gouvernement. « C’est ce réquisitoire que le ministère public va plaider devant la cour dans quelques semaines. Les juges prendront plusieurs mois pour prendre leur décision », a fait remarquer ce contact.
Source : Le Nouvelliste